healing a friend (libre)

Fabian était arrivé en retard ce jour là. A St Mungo, plus personne ne s'en étonnait vraiment. Prewett avait ce petit quelque chose contre l'idée d'arriver à l'heure, et il le montrait assez régulièrement en arrivant, soit toujours sur le fil du rasoir, soit avec au moins deux heures de retard à l'hôpital sorcier. C'était un vice qu'il essayait vraiment de combattre, mais un vice accentué par les nuits entières qu'il passait, soit à défendre le monde magique de la menace suprémaciste, soit à expérimenter de façon moyennement légale et consciencieuse, pour un médicomage en tout cas. En bref, il ne dormait pas beaucoup et arriver à l'heure n'était juste pas dans sa nature profonde quoi qu'il y fasse. Si bien que son père, franchement agacé par son manque constant de ponctualité, lui avait offert une montre que Fabian oubliait vraisemblablement un peu trop souvent pour le bien des patients qui avaient besoin de lui avant dix heures ou dans des cas loin d'être exceptionnels, avant quinze heures. Ce n'était pas qu'il ne voulait pas arriver à l'heure ou encore faire attention à ses affaires d'ailleurs, il savait par exemple parfaitement que son père avait déboursé quelques gallions pour la montre qui ornait son poignet et qui lui avait été offerte à sa sortie de Poudlard, mais sa distraction naturelle le menait à récidiver vraiment trop souvent malgré sa bonne volonté. Ce n'était pas qu'on ne pouvait pas compter sur lui, en bon Gryffondor il aurait prêté main forte à n'importe qui au moindre hibou, et au milieu de la nuit, sans le moindre problème, c'était d'ailleurs ce qui se déroulait dans la pratique. Il n'était juste pas du matin et ne le serait sans doute jamais. Aussi lorsqu'il arriva, les cheveux en l'air et désorienté, il ne put vraiment échapper à l'emportement de son supérieur, qui furibond s'était jeté sur lui en le voyant arriver, comme s'il l'avait attendu toute la journée, ce qu'il avait probablement fait à en juger par l'expression qu'il abordait désormais. « Prewett. C'est inadmissible. Avez vous la moindre idée de l'heure qu'il est ? J'espère que vous avez une bonne excuse, vraiment je l'espère pour vous Fabian. C'est rien que la troisième fois cette semaine ! » Une beuglante n'aura pas eut tant de volume. Fabian avait beau chercher des excuses, il n'en avait pas vraiment. Pour des raisons très justifiées, il ne pouvait pas non plus dire la vérité au vieux médicomage dont le visage était déjà incroyablement rosi par la colère. Alors qu'il s'apprêtait à s'excuser platement et de façon un peu pitoyable pour garder sa source de revenus principale, on l'interpella un peu plus loin. « Prewett, on vous demande, c'est urgent. » Le médicomage afficha une moue désolée par principe avant de hausser les épaules et de suivre l'informatrice jusqu'à la salle d'attente des urgences.

[membre de l'ordre blessé par un mangemort ? Join me!!!!]

Idunn exagérait, elle en était convaincue. Peut-être qu'il s'agissait de l'instinct maternel ou d'un vieux reste de sentiment de responsabilité de capitaine d'équipe, Dorcas n'en savait trop rien mais insister pour l'accompagner jusqu'à Sainte-Mangouste était vraiment, vraiment une décision disproportionnée et elle ne s'était pas gênée pour le lui faire savoir. De toute façon, inutile d'être mal à l'aise avec elle, Idunn l'avait déjà vue trempée jusqu'aux os et crottée jusqu'au col de sa robe à l'époque de Poudlard. Et Dorcas ne correspondait guère à la description que faisait Sorcière Hebdo des jeunes femmes délicates et graciles. « Bordel de merde » cracha-t-elle, soutenant de sa main en pleine forme son bras gauche qui pendait mollement, semblant seulement retenu par sa peau et sa veste en cuir. « Je persiste à penser que j'aurais pu venir toute seule. Ou mieux, que tu aurais pu me rafistoler au QG. C'est pas exactement ce que j'avais en tête quand j'ai dit qu'il fallait qu'on aille boire un coup avec Fab » marmonna-t-elle. Pas du tout ce qu'elle avait en tête, à vrai dire, même s'ils avaient bien besoin de se retrouver tous autour d'une biéraubeurre – ou plus fort, Dorcas n'avait rien contre mais rares étaient les nuits où ils pouvaient s'accorder ce genre d'incartades.

Elle trépignait sur sa chaise, prête à prendre d'assaut le bureau des entrées. Combien de temps leur fallait-il pour trouver Prewett ? « J'espère sincèrement qu'il est là, sinon je te jure qu'on s'en va et qu'on va aller trouver dans son jardin » assura-t-elle en se tournant vers Idunn. Le mouvement lui tira un grognement de douleur et elle se laissa aller contre le dossier, sourcils froncés et mine pincée. Elle savait qu'elle avait tendance à être légèrement imprudente mais aujourd'hui, son ego en avait pris un coup. Comme quoi, elle n'était pas la seule à pouvoir atteindre une cible en mouvement, les mangemorts aussi avaient appris à viser. « Ah, quand même » gronda-t-elle en le voyant arrivé, flanqué de l'auxiliaire qui les avait accueilli un peu plus tôt. Peut-être était-elle vaguement ingrate, oui, mais qui n'en avait pas le droit, dans son état ? Non seulement elle avait superbement planté la mission du jour mais en plus elle s'était fait avoir par un maléfice maison probablement aussi stupide qu'il était douloureux. Un peu de mauvaise humeur n'était donc pas si inacceptable que ça.

Dorcas avait bien tenté de négocier, de discuter, d'argumenter pour qu'Idunn la laisse se débrouiller comme une grande fille. Sauf que discuter avec Idunn quand elle a pris une décision, c'est comme interdire quelque chose à un chat : même si ça marche, ça ne marche pas vraiment. Or, la jeune-femme avait depuis longtemps laissé tomber les faux-semblants avec son amie : pourquoi prétendre qu'elle la laisserait aller seule à Ste Mangouste si c'était pour la suivre dans la pénombre et s'assurer que tout allait bien ? Non, clairement, en étant aux côtés de Dorcas, Idunn pouvait même s'offrir le luxe d'être en colère, et de le faire savoir à qui le voulait, ce qui aurait été contradictoire avec la discrétion requise pour une filature. « Je ne veux rien entendre Dorcas, tu le sais que je ne veux rien entendre ? alors pourquoi tu persiste à râler ? de toute façon, c'est trop tard, on est à Ste Mangouste, et je ne partirai pas tant que Fab ne t'aura pas rafistolée. Même que si t'es sage, je paie ma tournée de whisky pur feu ! » Surplus de réflexes maternels ? Non, esprit taquin et grand besoin de décompresser. Elle en avait bien besoin, d'un whisky pur feu. Son amie aussi, elle en était certaine. Quant à Fab ? Il manquerait à tous ses devoirs s'il refusait. Affaire résolue. Enfin, encore fallait-il que le griffondor daigne à pointer le bout de son nez. Bon sang, ce n'était pourtant pas compliqué de retrouver une grande asperge rousse. Idunn le reconnaissait toujours à la touffe de cheveux qui surplombait ses pairs. Il fallait dire que sa taille ne lui permettait pas de voir grand chose de plus quand elle regardait au loin. La génétique lui avait tout mis dans les bonnets, rien dans les centimètres. D'ordinaire elle ne s'en plaignait pas, mais ce n'était pas toujours pratique. « S'il n'est pas ici, il va m'entendre rugir. Pourquoi est-ce que les gens vous font toujours faux bond quand on a besoin d'eux ? C'est pas possible cette manie ! » Bien sûr, plaignez-vous de quelque chose, et le contraire se produit. C'est l'une des raison pour lesquelles Idunn se plaignait aussi souvent ; ceux qui prétendent que râler ne résouds rien se trompent. « Ah bah on dirait que j'ai parlé trop vite » Sans perdre une seconde, elle se jeta sur le médicomage, ignorant avec superbe l'auxiliaire (elle n'avait jamais prétendu être une personne agréable de toute façon, vu qu'elle vociférait depuis son arrivée à Ste Mangouste) « Fabian, enfin ! Tu n'imagines pas tous les efforts que j'ai dû fournir pour amener cette jeune demoiselle ici ! Tu peux la réparer ? Elle réclame d'aller boire des coups mais tu seras d'accord avec moi pour dire qu'elle n'est actuellement pas en état, n'est-ce pas ? »

Après avoir pris son savon, Fabian s'était dirigé joyeusement vers la salle dans laquelle sa patiente l'attendait. Sa patiente et Idunn, dont il reconnût la voix assez rapidement en l'entendant de l'autre bout du couloir. Ses deux amies étaient des membres de l'ordre assez efficaces, mais très bruyantes. Par chance elles étaient beaucoup plus discrètes lorsqu'il s'agissait de partir en mission. Fabian afficha donc une expression désolée à l'intention de la vielle bique qui le regardait d'un air suspect, puis il ferma la porte derrière eux pour qu'ils puissent discuter dans la plus grande confidentialité. Tout ça à condition que les deux serpentardes arrêtent de se chamailler bruyamment bien sûr. Laissant Idunn reprendre son souffle et finir son petit monologue, il aida Dorcas à s'installer sur le lit d'hôpital. « Pas vraiment non, mais je suis sûr qu'on aura tout à fait l'occasion de boire des coups quand vous m'aurez dit ce qu'il s'est passé et que j'aurais réussi à soigner ce bras. C'était qui cette fois ? Dolohov ? Rosier ? » Il demanda avec un sourire assez ironique collé aux lèvres. Ces abrutis avaient beau porter des capes, les membres de l'ordre les reconnaissaient bien souvent à leur voix et leur préférences en matière de sortilèges. On ne pouvait pas les incriminer et les dénoncer, c'était le seul problème, de là à complètement ignorer qui cherchait leur mort, il y avait un gouffre immense. Fabian s'approcha donc de Dorcas et commença à murmurer quelques formules au dessus de la blessure, l'air visiblement concentré. Ce n'était pas très sérieux, mais la blessure demandait tout de même d'avoir un peu d'expérience dans la science médicomagique. Ce n'était pas le genre de sortilège qu'on apprenait à Poudlard, et ils demandaient en prime une certaine dextérité pour ne pas empirer la situation. « Je suppose que Dorcas l'a bien amoché et qu'il est dans une chambre à côté à prétendre s'être fait attaquer par un mangemort. Ces gens n'ont aucune honte. » Fabian ajouta en continuant de soigner Dorcas.

Elle ignorait si cet instinct maternel débordant avait toujours fait partie d'Idunn ou s'il s'agissait là d'un effet secondaire à la naissance de Nanna mais, actuellement, Dorcas aurait volontiers fait sans. Certes, elle s'estimait heureuse de l'avoir dans sa vie et d'être régulièrement envoyée sur le terrain à ses côtés, mais se voir materner ainsi avait le don de l'irriter prodigieusement. Elle ravala toutefois ses protestations pour offrir un vague sourire à Fabian, lequel eut la bonté de l'aider à s'installer sur la table d'examen une fois la porte du box refermée. Smart move, puisqu'après tout, les murs avaient des oreilles et ils ne pouvaient guère faire confiance à qui que ce soit. « Je parierais sur Dolohov. Ce crétin est aussi créatif que violent et il a vraiment pas raté son coup cette fois » gronda-t-elle, frémissant en voyant Fabian se pencher sur elle. Dorcas lui faisait confiance, totalement, mais elle n'avait jamais été très douée pour laisser qui que ce soit prendre soin d'elle, famille comme amis. Elle avait une façon bien à elle de gérer ses problèmes – les pousser dans un coin de sa tête et les laisser pourrir en espérant qu'ils disparaissent, ce qui n'était ni sain, ni très efficace à la réflexion – mais elle avait conscience que ça ne marcherait pas pour cette fois. Et elle n'était pas prête à laisser ce genre de blessures l'avoir par pure fierté. « Si il est ici, je vais aller lui faire sa fête, cracha-t-elle, crispée. Même pas besoin de baguette, laissez-moi deux minutes avec lui, je vais lui faire manger ses dents » Voilà qui était une jolie manière de régler son léger souci de frustration. Pas sûre qu'Idunn la laisse faire ceci dit, du moins pas tant que Fabian n'aurait pas fini d'arranger ce stupide bras.

À présent que Fabian était là, Idunn se sentait rassurée. Même si elle avait l'art et la manière de passer pour une dure à cuire qui n'avait jamais peur de rien, elle avait carrément la trouille qu'il puisse arriver quelque chose à ses proches. Alors oui, elle en faisait des caisses pour rien, mais c'était aussi sa façon à elle d'exprimer son amour, pouvait-on réellement le lui reprocher ?

Dolohov, ou Rosier, ou tout autre nouveau sbire du lord. On ne pouvait jamais savoir avec ces foutus mangemorts. Au ministère, sur son bureau, les dossiers s'amoncelaient sans jamais se résoudre, à croire que cette affaire ne trouverait de fin que dans le chaos le plus total. C'était probablement ce qui arriverait, mais Idunn préférait ne pas y penser. Elle demeurait optimiste, persuadée que la justice triompherait. L'Ordre du Phénix était là pour ça, et avec des gens comme Dorcas et Fabian - et tous les autres -, le bien ne pouvait que gagner. Et une fois ces mangemorts terrassés, ils iraient boire des verres en se remémorant l'époque où ils sauvaient le monde.  « Personne ne va faire la fête à qui que ce soit. Sauf si cette fête implique des cotillons et beaucoup d'alcool. » Oh, en vrai elle n'était pas contre l'idée de laisser Dorcas s'occuper du cas de Dolohov, mais cela lui coûterait sa carrière, et sans doute beaucoup, beaucoup, d'ennuis.  « Après, je ne suis pas certaine que ces foutus mangemorts aient le sens de la fête » ou du moins, pas le même sens qu'eux. Rien que niveau déco, ils devaient davantage kiffer les éclaboussures de sang aux guirlandes lumineuses. Laissant ses interrogations de côté, elle se tourna vers Fabian, qui s'occupait de Dorcas avec le plus grand soin « Par contre, s'il est dans la chambre à côté, je serais ravie de prendre sa déposition, un petit imperio pour lui faire cracher la vérité ne peut pas faire de mal. » Ne dit-on pas serpentard un jour, serpentard toujours ?

Fabian pouvait tout à fait comprendre le problème de Dorcas, il était lui même obligé de soigner les blessures de mangemorts présumés, tout en sachant qu'il y avait de grandes chances que la personne en question ait attaqué un ami avant de transplaner à Sainte Mangouste. Il était évidemment hors de lui rien qu'à cette idée, mais il ne pouvait pas se permettre de refuser de pratiquer des soins, ce n'était pas ce que lui demandait sa hiérarchie, et encore moins son travail de médicomage. Ca ne l'empêchait pas de comprendre parfaitement le point de vue de Dorcas, ainsi que son envie pressante de se lever pour aller piétiner la présomption d'innocence dans la chambre d'à côté. Lui même avait des pulsions de haine désagréable rien qu'à l'idée que Dolohov puisse se trouver ici, alors il n'allait très certainement pas juger. Idunn était de toute façon là pour jouer le rôle de médiatrice, il n'avait donc pas à l'assumer lui même, quoi qu'elle proposait tout de même de lancer un sortilège impardonnable. Fabian s'autorisa donc un soupir. « Vous oubliez que je sais préparer du veritaserum, ça ne change pas qu'on est pas autorisé à le faire, et que seuls les aurors ont le droit d'utiliser des sortilèges impardonnables, ce qui n'est pas forcément une bonne idée si vous voulez mon avis, sans vouloir critiquer le ministère, loin de moi l'idée... » , Fabian lance avec un sourire impertinent, il est toujours le premier à critiquer le ministère et à parler politique.  « Toujours est-il que c'est de la magie noire, et il existe bien d'autre sortilèges tout aussi puissants qui peuvent faire mordre la poussière à un Dolohov tout aussi efficacement, il suffit d'avoir un peu de classe et une maîtrise des sortilèges, ce qui n'est pas le cas de cet homme là d'ailleurs. »

Ugh, Idunn, quelle rabat-joie. Son côté protecteur était aussi attendrissant qu'il pouvait être emmerdant et, en cet instant précis, Dorcas aurait presque préféré qu'elles ne soient pas si proches. Elle se contenta cependant de lui adresser un regard irrité, gardant pour elle toutes les jolies manières de faire payer son audace et sa lâcheté à Dolohov. Elle ne put toutefois pas retenir un sourire mauvais devant la proposition d'Idunn. C'était, certes, risqué mais tentant, très tentant. Elle aurait certainement approuver si Fabian n'était pas intervenu. Dorcas haussa un sourcil moqueur, pas du tout convaincue par son approche. Quiconque l'avait déjà rencontré une ou deux fois, surtout après quelques bières, savait très bien qu'il ne portait pas le Ministère dans son cœur. « Je te rappelle que je suis auror, Fab et personne n'est à l'abri d'une petite bavure tu sais » ajouta-t-elle sans même chercher à se cacher derrière un sourire innocent. Inutile, ils la connaissaient trop bien pour ça. Les Mangemorts avaient bien le droit de se balader en plein Ministère en toute impunité, comme Dolohov et tant d'autres. Elle pouvait bien se laisser aller à quelques petits sortilèges maladroits, non ? Coller des affiches un peu partout et glisser des pamphlets enflammés sous la porte de ses supérieurs ne lui suffisaient plus et elle n'était pas certaine de pouvoir contenir ses ardeurs bien longtemps. « Honnêtement, je me fiche bien de gérer son cas avec classe. Je veux juste qu'il paie, lui et tous les abominables connards qu'il fréquente. Et je suis désolée mais je suis tout à fait qualifiée pour lui rendre la monnaie de sa pièce et je devrais pouvoir le faire. Tout le monde sait ce que ce type fait de son temps libre, je ne comprends pas pourquoi on aurait besoin de preuves, ils sont prudents, ces enfoirés. Ils n'en ont pas laissé, quand ils se sont occupés de ma mère » ajouta-t-elle et sa voix se brisa sur le dernier mot. Elle baissa la tête, sourcils froncés et mâchoire crispée. L'envie d'aller régler son compte à Dolohov n'avait jamais été plus forte.