Il était une fois
Né avec une cuillère d’argent dans la bouche, Jonathan aurait aujourd’hui préféré né Sang de bourbe. Il n’aurait pas à dissimuler son dégoût pour les propos déplacés de son père et sa haine pour la cruauté dont il faisait preuve à l’égard de son entourage. Non, il n’aurait pas à faire tout ça et à imaginer jour après jour, nuit après nuit, sa baguette s’élever contre la tête de vautour de son paternel.
Jay n’a toujours pas été comme ça : il a d’abord été « normal ». C’est-à dire qu’il a d’abord été le parfait petit héritier Greengrass.
Intelligent, charmant, cruel. Puis il a commencé à lire, il a commencé à s’attacher au personnel de sa maison et il a commencé à devenir lui-même :
Jay.
Il se souvient de Hilly, une elfe aux grands yeux ambrés qui lui réservait toujours une part de tarte à la rhubarbe, son dessert préféré. Puis, Hilly a vieilli. Sa main se faisait tremblante, ses gestes imprécis. Pourtant, elle leur préparait tous les matins leurs breuvages préférés avec toujours une petite touche de cannelle dans le chocolat de Jay. Cependant, elle a eu le malheur de faire tomber un plat sur lord Greengrass. Et le père de Jay à son habitude a levé sa baguette et l’a regardé se tordre de douleur jusqu’à ce que le regard de Hilly s’assombrisse et devienne opaque…. Petit Jay avait dix ans et était dans la place. Il a pleuré toutes les larmes de son corps pendant que lady Waterford lui tapotait le dos en disant que c’était pour cela qu’il ne fallait pas s’attacher aux elfes.
Pour la première fois, Jay ne comprenait pas.
Puis, une goutte d’eau fit déborder le vase. Père qui torturait Cassie, sa propre fille. Un Doloris lancé comme cela, sans trop y penser contre la chair de sa chair. Sa mère avait hurlé mais elle ne s'était pas interposée. Elle s'était contentée de jeter un sort d’Oubliettes à la petite fille. Mais Jay lui se souvenait de chacun des traits de sa sœur, tordus par la douleur, et de sa propre impuissance. Il aurait voulu agir, faire lâcher prise à ce père imbu de lui-même. Où était la supériorité chez cet être exécrable, où était la prétendue noblesse de son sang ?
Jamais plus, Jay ne laisserait une telle scène se dérouler sous ses yeux. Jamais plus les forces du Mal ne frapperaient ceux à qui il tenait. Jamais plus, il ne serait aussi… impuissant.
Le jeune adolescent avait pris sa décision. Il deviendrait Auror et sa première mission serait de mettre son père derrière les barreaux de la prison d’Azkaban.
Sur le quai 9 ¾
Sur le quai 9 ¾, Jay serrait fort la poignée de sa malle. Il y avait là plus de gens différents qu’iln’en avait jamais vus. Certains étaient vêtus de couleurs fantasques : vert pomme pour le manteau d’une mère de famille, jaune canari pour le chapeau d’un père de famille, rose vif pour les cheveux d’une fille de son âge, qui semblait d’ailleurs visiblement très stressée. Il la regarda un instant : sa mère la serrait dans ses bras et semblait au bord des larmes. Rien à voir avec lady Greengrass qui regardait les alentours avec un air indifférent et une moue dédaigneuse.
Toute excitée, sa petite sœur lui dit «
Regarde, regarde Jay. Elle a des cheveux roses ! »
Même s’il trouvait en réalité la couleur un peu ridicule, il sourit en se tournant vers elle et s’apprêta à lui répondre quand il vit son père qui pinçait les lèvres de dédain.
«
Fais-moi plaisir Jonathan. Ne t’acoquine pas avec des gens qui feraient honte aux Greengrass. »
Jay ne répondit rien. Une fois dans le train, il serait enfin libre.
«
Aujourd’hui est un grand jour, Jonathan Greengrass. Fais honneur à ta lignée. Ta mère et moi avons quelque chose pour toi… Helena ! »
Lady Greengrass farfouilla dans son sac en crocodile bordeaux et en sortit un petit écrin de velours. Le père de Jay l’ouvrit et en sortir un mince anneau d’argent. Le jeune sorcier prit l’objet et l’examina : à l’intérieur de l’anneau étaient inscrits ses initiales avec les armes de la famille. Encore un objet de famille avec une signification quelconque. Il espérait toutefois que cette fois, il ne soit pas enchanté à l’aide d’un maléfice incontrôlable.
«
Chaque héritier Greengrass a son propre anneau. Ne le quitte jamais : c’est le symbole de ta lignée et de ton pouvoir. Je t’expliquerais le moment venu son importance. »
Jay haussa les épaules. Pour faire plaisir à ses parents, il passa l'anneau à son doigt avant de monter dans le train. Il savait que les Serpentard s'étaient donné rendez-vous dans un wagon que lui avait indiqué son père. "Sur la droite" lui avait-il lancé.
Le jeune sorcier se dirigea dans la direction opposée. Il cherchait un wagon plutôt vide et scrutait l'intérieur des wagons dans l'espoir de trouver son bonheur.
"Aie !"Une jeune fille, à peu près du même âge que lui et l'air tout aussi perdu, venait de se cogner à lui. L'espace d'un instant, Jay crut voir ses yeux devenir verts. Il la regarda un instant pour voir s'il n'avait pas halluciné.
Embarassée, elle débita d'une traite :
"Pardon, je suis désolée, je ne t'ai pas fait mal, ça va ?"« Serdaigle ! »
Depuis le jour où le Choixpeau magique avait annoncé sa maison. Sa vie avait pris un nouveau tournant. Les Serpentard l’avaient considéré de manière dubitative et presque méfiante pendant plusieurs semaines tandis que lord Greengrass n’avait pas manqué de lui envoyer une assassine lettre en lui demandant de garder son rang même dans la maison des arrogants intellectuels.
Si d’un côté, Jay n’avait pas fauté et se montrait brillant et assidu en cours. De l’autre côté, il n’avait plus rien à faire de son prétendu rang. D’ailleurs, il n’avait pas à se soucier de trier ses fréquentations. Pour la simple et bonne raison qu’il ne fréquentait personne à part les épais et poussiéreux ouvrages de la bibliothèque. Il adorait ce lieu, son calme et les innombrables connaissances qui se cachaient entre ces murs.
Les autres élèves le rendaient mal à l’aise. Ils étaient trop turbulents, bruyants, imprévisibles. Jay n’était pas habitué à leurs manières étranges. Ils faisaient du bruit à table et ne savaient pas tenir leurs couverts. Greengrass dans ses manières, le jeune sorcier aimait l'ordre et la rationalité. Il passait donc son temps à étudier ou à tester des sortilèges dans un coin discret. Il savait que les autres de sa maison le trouvaient froid et le regrettait un peu. Au fond, il les trouvait sympathiques mais ne se voyait pas passer du temps avec eux.
En réalité, il ne valait mieux pas qu'il le fasse. "Traitre à ton sang" lui dirait son père avant de fermer son compte chez Gringotts et de lui claquer la porte au nez. Dans quatre ou cinq ans, Jay espérait bien que ce serait lui qui claquerait une porte au nez de son père après lui avoir dit tout le mal qu'il pensait de lui, mais pour l'instant il était dépendant.
Cela ne voulait pas dit qu'il aimait particulièrement manger seul dans son coin dans la Grande Salle ou acheter seul ses friandises à la cannelle à Pré au Lard. Jay avait tenté de s'intégrer et de comprendre ses camarades. Mais après cinq années, il n'y arrivait toujours pas... Au fond de lui, il restait encore un peu de Greengrass.
Un certain nombre de leurs occupations lui apparaissaient comme totalement stupides. Prenons pour exemple le Quidditch, sport le plus populaire à Poudlard et dans le monde des sorciers. Eh bien, Jay estimait absurde le fait d’y consacrer autant de temps et de passion. C’était juste des sorciers sur des balais en train de jouer avec des balles enchantées. Rien à voir avec les superbes sortilèges qu’il avait trouvé dans les grimoires de la bibliothèque.
D’ailleurs, il fallait justement qu’il aille en tester un ce soir, dans sa petite cachette au fond de la forêt Interdite. Là, personne ne serait dans ses pattes et il pourrait continuer à s'entraîner à sa mission :
Devenir Auror.