Love me, please love me (Moreen)

Même si Lohengrin vivait dans le monde magique depuis maintenant six ans, il y avait quelque chose qui l’émerveillait toujours : la Grande Salle. Déjà, parce que c’était la seule pièce où il aimait regarder le plafond. Ce qui est assez cocasse. Il n’était pas rare que ses interlocuteurs s’agace de son nez levé pendant les conversations. Mais ce n’était pas la seule chose fascinante pour lui. Le plus bluffant, c’était la nourriture. Il avait toujours été ébahi devant tant de nourriture. Sans doute parce qu’avec des parents artistes, il avait connu enfant les matins où on part à l’école le ventre vide, ou seulement rempli par une tisane pas terrible. Alors autant vous dire, que depuis qu’il venait à Poudlard, il se gavait pas mal le matin… C’était l’unique repas qu’il n’aurait jamais raté. Alors que les autres… Ben, il lui arrivait de les oublier littéralement s’il était occupé à travailler, rire avec les copains, ou faire d’autres choses plus coquinettes. Mais pour faire tout ça, fallait prendre des forces le matin. Et cela lui permettait de passer un peu de temps avec ses frères et sœurs de Poufsouffle. Il aimait bien passer du temps avec eux. Avec tout le monde, mais avec eux, ils se sentait peut-être un peu plus en sécurité, parce qu’ils lui ressemblaient tous par quelques traits.

Et parmi ces gens, il y avait Moreen. S’ils n’avaient pas eu une relation très facile au début, il aimait de plus en plus la connaître, la comprendre un peu mieux. On catégorise beaucoup les gens via leurs maisons ici, mais si l’on voyait Moreen et Lohengrin côte à côte, il n’était pas aisé de les imaginer appartenir aux blaireaux en binôme. Et eux-même avaient eu du mal à s’approcher. Lo’ avait eu la plus grande des peines à percer au travers de la froideur apparente de la rousse. Mais après quelques mésaventures nocturnes, pas mal d’explications, et beaucoup de curiosité l’un pour l’autre sans doute, ils en étaient arrivés à cette relation amicale, certes imparfaite, mais empreinte d’une certaine complémentarité. Lohengrin avait bavardé  dans sa volubile facilité avec Moreen, souriant sans mal, lui offrant un visage à l’expressivité presque trop exacerbée parfois. Ils allaient partir ensemble vers la salle commune, quand Lohengrin s’interrompit dans sa marche, attrapant le bras de Moreen dans un sursaut.

“C’est elle !” qu’il lâcha. “La fille qui sent bon la violette et qui est adorable ! Nora !”

Son regard allait sur une demoiselle qui approchait d’eux. Il inspira un grand coup. C’était maintenant ou jamais.

“Je vais lui parler !” qu’il avait dit comme on aurait dit, “Je vais me moucher”.

Parce qu’aller vers les autres, cela n’avait rien de vraiment compliqué pour lui. Le premier pas, c’était facile. Ce qu’il n’arrivait pas à faire, c’était marcher longtemps avec les même personnes. Son chemin prenait souvent une route différente ! Mais finalement, comme Nora avançait vers eux avec ses amies, il n’eut qu’à faire deux ou trois pas.

“Hey ! Nora, c’est bien ça ? Tu vas bien ?”

Petit geste nerveux, il rabat ses cheveux bouclés en arrière, mais garde ce regard plein de détermination et ce sourire charmant.

“Je voulais juste te dire que quand j’entends ta voix, je me sens comme quelqu’un qui entendrait un focifère pendant des heures…”

La métaphore était quand même salement douteuse, mais en première année, on lui avait fait gober que chez les sorciers, c’était la meilleure façon de déclarer son transport, et… Il n’avait toujours pas fini de faire sa culture en terme de connaissance des animaux magiques…

Comme souvent depuis qu’ils se connaissaient Lohengrin et Moreen s’étaient installés côte à côte pour engloutir un petit déjeuner délicieux. Bien que très différents de nature, les deux Poufsouffle se rejoignaient sur au moins une chose : l’importance du petit-déjeuner. Même si Moreen restait sobre et discrète face à la « gloutonnerie adorable » de son ami, elle n’était pas en reste et mangeait autant que lui, goûtant à tout et jamais lassée des fantasques petits-déjeuners et repas proposés par Poudlard. Ils avaient papoté, ou plutôt Lohengrin avait fait la conversation et la rouquine l’avait écouté d’une oreille attentive, agrémentant le discours de quelques questions ou remarques, un fin sourire toujours présent sur son visage. Et cela voulait dire beaucoup, c’était presque comme un éclat de rire pour elle tant habituée à fermer son visage à toute émotion. Mais pas avec lui, plus avec lui. Depuis qu’elle l’avait surpris en train de la suivre durant une crise de somnambulisme, Moreen s’était attachée à lui. Pas tout de suite, il avait d’abord fallu qu’il subisse sa froideur et sa méfiance, mais très vite Lohengrin avait brisé ses barrières.

Aujourd’hui, il comptait parmi ses rares amis, ceux qu’elle désirait protéger et aider. Et qui la faisaient rire. Elle ne se formalisa pas lorsqu’il lui tira la manche pour lui montrer une jolie sixième ou septième années, apparemment prénommée Nora, qui marchait avec ses amies près de la Grande Salle. Elle ne s’agaça pas non plus lorsqu’il la laissa un instant pour aller compter fleurette à la jolie demoiselle. Elle tendit néanmoins l’oreille, intriguée par sa faculté et son habilité à parler à des inconnus. Là où Moreen avait plutôt tendance à s’emmêler les pinceaux et coupait toute envie à chaque personne qui l’approchait avec son regard de glace et son visage inexpressif. Lohengrin était ouvert d’esprit, un sourire éclairant souvent son visage et la parole facile. Mais il n’en restait pas moins un peu naïf, comme le prouva très vite sa déclaration plus que douteuse sur la voix de la jeune fille.

On aurait presque pu voir la main de Moreen taper contre son front lorsqu’elle entendit Lohengrin tenter – et échouer à draguer Nora. Alors qu’un air outré apparaissait sur son visage, et que sa main se levait pour porter le coup de grâce, Moreen intervint et vola au secours de son ami : « Il ne voulait pas dire ça. Jamais Lo’ dirait que ta voix le rendrait fou » Ajouta-t-elle en lançant un regard appuyé au Poufsouffle. Il lui avait raconté que des élèves mal intentionnés lui avaient fait croire tout plein de choses en première année, et apparemment il en payait encore les frais. « c’est plutôt comme écouter un focifère quelques minutes, ce qui est très agréable. Ou alors ta voix est telle le chant d’une vélane ? Le côté énervé et perdant toute sa beauté en moins of course. » La rouquine finit par se taire, pour reprendre sa respiration mais aussi car elle avait l’impression d’envenimer la situation. Bien qu’elle était très douée dans tout ce qui concernait les créatures magiques, Moreen l’était beaucoup moins quand il s’agissait de parler. N’étant pas des plus à l’aise dans toute situation sociale, Moreen aurait préféré se trouver en présence d’un groupe de centaure énervé qu’avec ces trois filles qui la toisaient avec dédain. Son visage se ferma immédiatement et elle se tourna vers l’autre Poufsouffle sans plus leur accorder un seul regard, les reniant de son existence. « Je t’attends là-bas. J’ai fait ce que j’ai pu » Fit-elle doucement à son ami en lui tapotant l’épaule maladroitement avant de reprendre sa place initiale comme si de rien n’était.

En voyant le regard vexé et agacé de sa belle demoiselle, Lohengrin se demanda ce qu’il avait pu faire pour l’irriter. Il venait pourtant de la complimenter ? Non ? Il aurait bien utilisé une métaphore plus moldu, mais il savait bien que ce n’était pas forcément très bien vu dans le coin la culture des moldus. Alors… Pourquoi était-elle si contrariée la belle Nora ? Elle ne l’aimait pas ? Elle avait entendu de mauvaises choses à son propos ? Il n’avait aucune chance ? Et en plus, elle voulait le gifler ? Clairement, Lohen ne comprenait pas où est-ce qu’il avait fait une bêtise, mais elle semblait vraiment grosse sa boulette. Fort heureusement, Moreen vola à son secours. Littéralement. Il la regarda étonné prendre la parole pour le défendre. Et écarquilla les yeux en réalisant ce qu’il avait dit à Nora. Ouh la boulette. Il était tout penaud en réalisant.

“Bien sûr que non !” appuya-t-il aux propos de son ami.

On lui avait dit que les Focifères avaient la plus jolie des voix… Encore une méprise… Il détestait vraiment les blagues des premières années ! C’était pas drôle du tout… Il se sentait tellement bête en cet instant face à Nora. Il regarda Moreen qui essayait de se dépêtrer pour lui. C’était inhabituel qu’elle parle autant déjà. Mais… Il avait pas l’impression qu’elle sache vraiment où elle allait. Il haussa un sourcil en l’entendant entamer sur les vélanes, et slalomer entre les pièges d’une telle métaphore.

“Moui… Enfin… Je suis pas sûr que j’aurai choisi ça…” dit-il un peu perplexe. “Mais dans l’idée, c’est plus ça, oui…”

Il riva à nouveau son regard vers Nora, un sourire d’excuse sur ses lèvres. Il effaçait volontairement de son esprit les regards méprisants de ses deux amies. Il se fichait bien d’elles, il n’avait d’yeux que pour la jolie brune.

“Merci…” Souffla-t-il à Moreen.

Puis, il se re-concentra sur son challenge du jour. Son regard soutenant celui un peu moins courroucé de Nora.

“Désolé, j’ai jamais été très fort en connaissance du monde magique… J’aurai sans doute dû me contenter des métaphores moldues, mais aucune n’était à ta hauteur…” énonça-t-il désolé.

Étonnement chez ses amies, sans doute qu’il gagne des points avec cette honnêteté désarmante et charmante.

“Est-ce que tu voudrais bien m’aider à mieux connaître le monde magique ? Je suis sûr que si c’est toi qui m’explique, je n'oublierai jamais ce que tu m’as dit !”

Sourire sincère et lumineux. Il dit tout cela sans rougir, assumant ce côté charmeur et à la fois très pur de ses paroles. Il est comme ça Lohengrin, désopilant de naïveté et de fraicheur, tout en faisant preuve d’un savant dosage de charme. Elle semble un peu prise au dépourvu, partagé entre l’envie d’en finir vite et l’envie de répondre par l’affirmative.

“Je te dirai si j’ai un peu de temps pour ça…” qu’elle finit par dire avec un sourire un peu gêné.

“D’accord ! Merci ! Oh, et cette nouvelle coiffure te va à ravir !”

Et le petit brun s’en va en sautillant à demi sur sa jambe valide, clodiquant de l’autre plus raide. Il revient au niveau de Moreen et lui sourit.

“Merci de m’avoir sauvé la mise ! T’es mon ange gardien, tu sais !”

Spontanément, il la serre dans ses bras et dépose un bisou sur sa joue, comme il l’aurait fait s’il avait eu une grande soeur. Il rayonne, il est tout heureux d’avoir osé faire un premier pas, qu’importe si rien n’aboutit, il a juste envie d’être heureux.

“J’ai pas été trop ridicule ? J’ai toujours peur qu’on me trouve ridicule quand je parle de ce que je ressens… Les garçons sont pas sensés trop parler de leurs émotions… C’est idiot ça… Tu crois pas ?”

De loin, Moreen observait son ami essayait de rattraper la situation avec la jeune fille. Et il avait l’air de s’en sortir plutôt bien, pas de gifle, ni de regard trop courroucé. Cela ne l’étonna pas, il était touchant avec sa naïveté et son entrain. Et malgré ses airs maladroits, Lohengrin n'en était pas à sa première déclaration d'affection. On ne comptait plus le nombre de fois où il avait fait la cour à un autre étudiant, dans le grand parc, durant un match de Quidditch ou même entre deux cours. La plupart du temps, Moreen se trouvait sur le côté, comme un Demiguise, presque invisible, surveillant un autre petit animal sans défense.

Elle attendit patiemment qu’il termine sa discussion et qu’il la rejoigne avec difficulté à cause de sa jambe. Lohengrin lui avait expliqué qu’enfant il avait eu une maladie moldu - dont Moreen était bien incapable de se souvenir le nom - qui aurait pu le tuer mais qui lui avait "seulement" laissé des séquelles. Elle ne faisait plus attention à sa jambe depuis le temps et avait même pris l’habitude de marcher à un rythme convenable pour le Poufsouffle, sans le réaliser. Tout heureux, il revint vers elle. « Un ange gardien pas top alors. tu devrais demander un remboursement » Bougonna-t-elle tandis qu’il la serrait très fort dans ses bras. Ce n’était pas la première fois qu’il faisait preuve d’une telle proximité avec la jeune Poufsouffle. Et c’était un des rares qu’elle laissait faire. Déjà parce qu’elle sentait qu’il n’y avait aucune intention cachée dans ce simple acte. Mais aussi car cela faisait du bien parfois, même si elle ne l’aurait jamais reconnu à voix haute et que ces effusions avaient le chic pour la mettre mal à l’aise !

Entre eux, rien ne s’était jamais passé, et jamais rien ne se passerait. Lohengrin était aussi volage que Moreen était prude et renfermée. Et surtout, elle avait pris l’habitude de la considérer comme un petit frère qu’elle devait protéger – étonnant puisqu’il avait deux ans de plus qu’elle et qu’il était physiquement bien plus impressionnant. Mais Moreen pouvait refroidir l’atmosphère d’un seul regard, alors que lui avait la faculté d’éclairer une pièce par ses sourires. Ils se complétaient plutôt bien.

Comme après chaque tentative de séduction, le jeune garçon se tourna vers elle et l’interrogea, aussi peu confiant qu’elle ne l’était, il se demandait toujours s’il n’en faisait pas trop. « Tu connais mon point de vue sur la question. Personne ne devrait passer son temps à parler de ses sentiments. Il existe des sujets bien plus importants et bien moins dangereux ! » Tant qu’elle n’aurait pas réussi à mieux les contrôler et les comprendre, Moreen ne s’y aventurerait certainement pas. « Mais tu n’as pas été ridicule. Je suis sûre que d’ici trois jours, euh Nora, va te courir après… Comme tous les autres. » Elle lui lança un discret clin d’œil alors qu’elle tentait maladroitement de le rassurer. Car même si elle comprenait sa recherche d’affection, elle ne voyait pas l’intérêt de papillonner de droite à gauche. La rouquine pouvait compter ses amis sur les doigts de la main, et cela lui paraissait être pour le mieux.

«Mais, je ne vais pas pouvoir être ton ange gardien tout le temps Lo’. Il va vraiment falloir que tu te renseignes un peu sur le monde magique. Je peux euh t’aider ? » Moreen passa une main dans ses cheveux, elle avait toujours l’impression d’en faire trop ou d’imposer son aide aux autres qui auraient préféré être ailleurs. « Enfin sauf si tu veux pas bien sûr. »