well well well... | Dorcas

Les mois avaient passé et les blessures du nouvel an s'étaient presque refermées. Malgré l'ambiance toujours électrique au ministère et ailleurs, il n'y avait pas eu de disparations à déplorer ce qui avait eu le don d'apaiser la situation et de laisser à Fabian tout le loisir de s'occuper de tout autre chose. Puisque la lutte contre les forces du mal semblait ralentie ces derniers temps, il avait donc passé plus de temps à analyser le comportement douteux de son frère qu'à jouer avec sa propre baguette. Depuis le nouvel an, Fabian avait en effet quelques suspicions en ce qui concernait son frère Gideon, mais ses réactions tout à fait étranges lorsque Fabian évoquait Dorcas étaient venues confirmer que quelque chose se tramait d'une manière ou d'une autre avec ces deux là. Si le rouquin leur avait laissé le temps de s'épancher sur le sujet, il n'était pas allé jusqu'à leur laisser des opportunités de le faire. Aujourd'hui en revanche, la configuration était un peu différente. Fabian était au chaudron en compagnie de Dorcas, et son jumeau à voguer merlin seul savait où. Fabian profita de la configuration pour lancer une perche tellement évidente que cela en devenait scandaleux. « Je me demande où est passé mon frère. J'aurais pensé qu'il nous aurait accompagné au chaudron. Ca fait une éternité qu'on ne s'est pas retrouvé tous les trois. » Il hausse les épaules. « Depuis le nouvel an sûrement. Tu ne le trouves pas bizarre toi ces derniers temps ? » Bizarre il l'était, restait à savoir si il était le seul dans ce cas là.

Si venir au Chaudron durant les premières semaines de cette nouvelle année avait été quelque peu compliqué, Dorcas poussait à présent la porte du bar sans grande appréhension. Certes, elle restait sur ses gardes, avait parfois du mal à terminer le seul verre qu'elle s'autorisait et avait tendance à rester sobre quand ses camarades préféraient se détendre mais elle était bien plus calme qu'auparavant – ce qui en disait sans doute très long sur sa nature paranoïaque. Installée aux côtés de Fabian, elle observait la salle d'un oeil, le genou gauche secoué d'un tic nerveux. C'était ça à présent, le calme chez Dorcas. Ce cuisant désastre du Nouvel An était toujours gravé dans sa mémoire et son comportement s'en ressentait clairement. Elle était toutefois prête à faire un effort, pour Fabian, parce qu'ils étaient amis et qu'elle savait pertinemment qu'elle était en sécurité si il était dans les parages – même si le concept semblait ridicule, par les temps qui couraient. Certaines choses étaient cependant plus faciles à dire qu'à faire et elle réalisa qu'elle ne l'écoutait qu'à moitié. Se redressant, Dorcas secoua la tête, sans comprendre d'abord, avant que les mots, jusque-là bruits perdus au creux de son oreille, ne prennent tout leur sens. Oh. Gideon. Oui. Evidemment. Elle s'éclaircit la gorge et secoua la tête, espérant sincèrement que la mine dubitative qu'elle affichait semblerait sincère aux yeux de son ami. « Bizarre ? Non, pas vraiment, fit-elle d'abord avant de se reprendre, un peu plus sincère cette fois : enfin, on est tous un peu... bizarre, j'imagine » Jouer sur ses propres insécurités pour se sauver la mise n'était pas très honorable mais l'honneur et les principes, Dorcas les oubliait volontiers quand cela l'arrangeait. Et puis, dans le fond, ce n'était pas vraiment un mensonge. Tout le monde avait été un peu secoué depuis l'attaque et Dorcas préférait s'en tenir à cette version. De toute manière, elle n'avait pas vraiment exploré la question avec le principal intéressé. Elle avait eu mieux à faire, lui aussi semblait-il et cela lui convenait parfaitement. De quoi auraient-ils pu parler de toute manière ? De ce qui s'était passé ? Ca n'avait aucune importance, à quoi bon perdre son temps ? Dorcas se secoua, s'arrachant au fil de ses pensées un rien embarrassantes pour offrir un sourire peu assuré à Fabian. « Tu devrais en parler avec lui à mon avis. Vous vivez ensemble après tout, ce ne sont pas les occasions qui manquent, non ? » Etait-elle un peu amère à ce sujet ? Clairement, oui, mais ce n'était pas la question.

Tous un peu bizarres ? Ce n'est pas une grande nouvelle. Gideon fait parties des éléments les plus louches de cette joyeuse bande, mais même avec le bizarre il est possible de faire des échelles, et Gideon a un comportement des plus étranges ces derniers temps, en particulier lorsque Dorcas Meadowes est abordée dans la conversation. D'ailleurs ces stratégies d'évitement sont tellement visibles et attendues qu'elles en deviennent ridicules. Le comportement faussement détaché de Dorcas confirme le pire et Fabian lâche un bon gros soupir des familles. Gideon ne pouvait s'en empêcher. Quel crétin. Fabian garde l'insulte pour lui, et se console avec l'idée que les deux sont suffisamment matures pour ne pas en rajouter. En bon frère jumeau concerné, il ne peut cela pas s'empêcher de se mêler de ce qui ne le regarde pas. Gideon et lui partagent d'ailleurs ce trait très particulier qui fait des deux Prewett deux emmerdeurs de première, l'un étant tout de même beaucoup plus agaçant que l'autre. Inutile de préciser lequel, vous l'aurez tous deviné. « En effet ce n'est pas les occasions qui manquent et pourtant il évite toujours la conversation lorsqu'il s'agit de toi. Alors soit il est amoureux, soit il a fait de la merde, mais il n'y a pas trente six explications à son comportement à lui en tout cas. » Pour ce qui est de celui de Dorcas, si ce n'est pas aussi évident, elle n'en reste pas moins une amie qu'il connaît lui aussi très bien. « Mon frère est un crétin, un crétin assez obvious si tu veux mon avis. Pour moi en tout cas, Mais on peut mettre ça sur le compte de l'attaque du nouvel an si ça arrange tout le monde. En attendant vous n'allez pas vous éviter indéfiniment non ? » Fabian lui laisse le choix de tourner autour du pot pendant trois heures, ou d'opter pour l'honnêteté. Il ne sait pas exactement ce qu'il se passe entre ces deux là, mais l'ordre du phénix n'a pas vraiment besoin de drame supplémentaire.

Elle n'était pas prête pour cette conversation, surtout pas avec Fabian. Avec personne, à vrai dire. Sauf avec Gideon, peut-être, mais encore fallait-il qu'ils s'adressent la parole. Ou qu'elle ait le courage de croiser son regard pour plus d'une seconde. Quand il s'agissait de courir après des mangemorts, Dorcas était toujours partante. De toute évidence, là s'arrêtait son courage. Elle porta son verre de firewhiskey à ses lèvres, espérant avoir réussi à détourner les soupçons de son ami. Grossière erreur. Fabian était décidément un peu trop perspicace à son goût et elle manqua de s'étouffer devant ses hypothèses. Amoureux. Quoi ? Non. Pas Gideon. Ce n'était pas son genre, pas celui de Dorcas non plus. Après une quinte de toux tout à fait suspecte, elle se redressa, sourcils froncés, crispée. Bien sûr que Fabian n'en avait pas fini avec elle. Regrettait-elle de s'être laissée tenter par son frère jumeau ? Pas vraiment mais probablement aurait-elle résisté un peu plus longtemps si elle avait su qu'ils en arriveraient là. « Je ne l'évite pas, insista-t-elle, butée. je ne sais pas ce que tu imagines mais il n'y a aucun problème, tout va bien » conclut-elle, sans très bien savoir qui elle cherchait à convaincre. Rationnellement, elle savait que le comportement de Gideon n'avait rien de surprenant, qu'il fonctionnait ainsi, qu'elle n'était probablement qu'une passade parmi tant d'autres. Elle l'avait su dès le départ, alors pourquoi aurait-elle blessée par son silence ? Pourtant, si douée fût-elle en matière de déni, il était difficile de prétendre qu'elle n'était pas le moins du monde touchée par cette situation. Elle pouvait essayer, ceci dit, même si entendre Fabian dire que lui-même ne parvenait pas à obtenir des explications de son propre frère lui inspirait un plaisir malsain. « Il me semble juste évident qu'il ne recherche pas ma compagnie ces derniers temps. Et ce n'est absolument pas un problème. Ça me convient, c'est très bien comme ça. J'aurais dû m'en douter de toute façon » lâcha-t-elle, sans réfléchir. Vraiment très intelligent Meadowes, bravo. C'était exactement ce dont Fabian avait besoin pour confirmer ses soupçons. Elle soupira, secoua la tête avant de croiser son regard. « Écoute, c'est rien, d'accord ? J'ai fait une erreur, ma fierté en a pris un coup, il n'y a rien de grave. Ça passera, c'est rien » répéta-t-elle. Parce qu'il n'y avait pas d'alternative, après tout. Elle avait bien d'autres choses à faire que soupirer laconiquement en battant des cils pour attirer l'attention de Gideon comme elle avait pu voir certaines de ses supposées conquêtes le faire. Ce n'était pas vraiment son genre, pas plus que c'était celui du frère de Fabian de donner la moindre suite à ses aventures. Et elle le savait, ce qui n'expliquait absolument pas pourquoi elle avait été assez naïve pour attendre autre chose, même brièvement.

Évidemment l'un comme l'autre ne veut pas lâcher l'information qu'il connaît déjà. Rien d'étonnant, mais propice à la taquinerie cela dit. Fabian n'est pas habitué à ce que Gideon lui cache des choses, ce genre de choses en particulier, et il a du mal à évaluer à quel point ces deux là ont tout foutu en l'air. Il espère que les dégâts sont moindres, mais cela reste difficile à dire pour l'instant. Dorcas, se montre naturellement très butée, il n'en attendait pas moins de sa meilleure amie. Si les craintes de Fabian se confirment, il faut avant tout espérer que son frère aura au moins la présence d'esprit de cesser ses copulations avec Rita Skeeter. Fabian n'est pas aveugle, il voit bien ce qui dévie l'attention de son frère, mais il n'en faudrait pas moins pour envenimer les choses avec Dorcas. La brune n'a pas de temps à perdre avec un crétin comme son frère, du moins en théorie. Gideon a ses qualités, mais il n'est pas toujours le plus indiqué pour les mettre en avant.

Lorsque Dorcas crache le morceau, Fabian hausse un sourcil surpris. Il ne s'était finalement pas attendu à autant d'honnêteté de la part de Dorcas. Il ne l'oblige donc pas à se montrer plus explicite encore, la taquinerie peut prendre fin maintenant qu'ils peuvent enfin avoir une conversation à cœur ouvert. Il voit bien le problème. C'est Gideon le problème. « Gideon est un abruti. Mais je crois que lui aussi est un peu... perturbé par la situation. » Il hausse les épaules et ajoute. « Je ne sais pas si c'est très rassurant, mais je sais qu'il a beaucoup de respect pour toi. » Ce qui n'est pas forcément le cas avec d'autres personnes ou encore avec les recommandation avisées de Fabian cela dit. « Vous avez essayé d'en discuter ? » Parfois la communication résout les problèmes les plus épineux, il suffit juste d'y croire un peu. Mais c'est probablement la dernière des choses qu'ils ont envie de faire.