(Molly) You know what's happening better than I do

Cela faisait à peine deux semaines que j’étais de retour au Ministère, et déjà je me permettais de prendre mon après-midi. Officieusement, précisons-le. Officiellement, j’étais partie pour un rendez-vous important avec un membre du MACUSA. Avoir travaillé aux États-Unis m’était bien utile à Londres, et je n’allais pas m’empêcher d’user de cet avantage, alors que tant d’autres faisaient de même. Si ces premières journées de travail m’avaient bien appris une chose, c’était que la cohésion d’autrefois avait bien disparue; chacun pour son chaudron en somme. Alors je n’avais aucun remords, surtout du fait qu’il s’agissait d’une rencontre particulièrement importante à mes yeux, de l’ordre d’une rencontre avec notre Ministre de la Magie. Après tout, chez les Weasley, Molly était un peu (beaucoup) à la tête de la famille.

Ma destination aujourd'hui était donc le fameux Terrier, le repère d’un clan de têtes rousses que je connaissais assez bien. J’avais tout de même bien failli être liée à eux, si mon mariage avec Fabian Prewett avait eu lieu comme prévu. Quant bien même rien ne se déroula selon nos plans, il n’en restait pas moins que de la même manière que Fab s’était attaché à mes parents, je m’étais également attachée à Molly Prewett, devenue Weasley. Deux femmes indépendantes et au fort caractère, la relation entre nous aurait pu tourner au vinaigre; d’ailleurs, cela avait bien été le cas durant les quelques mois suivant mon départ aux États-Unis.

La revoir après toutes ces années me rendait de très bonne humeur. En tout cas pour l’instant ! Ces derniers temps, je n’avais pas été très facile à vivre, notamment pour mon mari, à cause de sautes d’humeur sans aucune doute liés à ma grossesse. Les semaines défilaient à toute vitesse, et bientôt il serait difficile de dissimuler ma situation… Encore bien trop angoissée pour affronter la réalité en face, je me disais que ne pas en parler me permettait de mieux protéger ce petit être. Alors je continuais de travailler et de vivre comme si de rien n’était.

Avant de me rendre au Terrier, je décidais d’acheter une douzaine de cupcakes, de quoi nourrir le régiment de mon amie. Je finis par transplaner, et l’atterrissage ne se fit pas sans difficulté. C’était la première fois de ma vie que je perdais l’équilibre en réalisant cette action basique. Je faillis faire tomber la boîte de cupcakes devant la maison. Je secouais la tête pour me remettre les idées en placera avant d’avancer d’un pas déterminé vers l’entrée, où j’appuyais sur la sonnette. La porte s’ouvrit bien rapidement, et j’adressais un grand sourire à la personne qui venait d’apparaître. « Bonjour Molly. »

Ce visage, cette voix, ce sourire… Pas de doute c’était bien elle.

– Hestia ! m’exclamé-je en serrant ma presque belle-sœur dans les bras aussi fort que mon ventre proéminent pouvait me le permettre.

Depuis combien d’années ne l’avais-je pas vue ? J’avais arrêté de compter mais elle ne semblait pas avoir vieilli d’un cheveu. Au contraire elle semblait en pleine forme ; contrairement à moi qui n’avais qu’une hâte en ce septième moi de grossesse : accoucher pour enfin faire la connaissance de ces deux garnements qui s’en donnaient à cœur joie dans mon ventre.

Je n’arrivais pas à croire que Hestia Jones soit ici, devant moi. J’avais vaguement entendu des rumeurs au sujet de son retour à Londres mais je ne m’attendais absolument pas à la trouver devant ma porte un mercredi après-midi !
Je souris en repensant à l’attitude plus que suspecte d’Arthur ces derniers jours : les nombreux hiboux qu’ils recevait et qu’il me cachait, son regard malicieux ce matin lorsqu’il était parti au travail et m’avait lancé « J’espère que tu passeras une journée surprenante ». Maintenant tout s’expliquait, Hestia savait décidément bien s’entourer pour soigner ses entrées…

Je me saisis de la boîte que me tendait mon amie et la fis entrer dans le salon bruyant et encombré. Bill et Charlie étaient en pleine dégustation de Chocogrenouilles et se disputaient une carte de Merlin depuis un quart d’heure, leurs cris aigus résonnaient dans le Terrier, menaçant à tout moment de réveiller Percy. Agacée, je jetai un sort pour réduire le volume de leurs braillements et invitai Hestia à passer dans la cuisine. Je lui fis signe de s’asseoir, jetai un coup d’œil à la marmite où mijotait une de mes dernières créations culinaires et ôtai mon tablier. D’un mouvement de baguette je servis un jus de citrouille à mon invitée et me laissai tomber sur la chaise à côté d’elle en soufflant.

Alors qu’elle buvait tranquillement son verre en jetant des regards à Bill et Charlie, je me creusai la tête pour lancer la discussion. J’avais beau être ravie que mon amie soit là, j’avais l’impression d’avoir raté beaucoup d’épisodes de sa vie durant ces dernières années et je ne savais pas vraiment par où commencer.
Je décidai de finalement me lancer, après tout ce n’était que Hestia, j’avais toujours eu beaucoup de facilités à discuter avec elle car nous nous ressemblions énormément.

- Alors ? Tu es réellement de retour à Londres ou seulement de passage ?

En voyant la tête de Molly lorsqu’elle ouvrit la porte, il semblait que son mari avait réussi à tenir la langue malgré sa folle envie de parler à sa femme de ma petite visite improvisée. J’étais vraiment très contente d’avoir réussi à comploter avec Arthur pour faire cette petite surprise à mon amie de longue date. Un large sourire se dessina sur mon visage en voyant la jeune femme avec une mine resplendissante, malgré une grossesse avancée. Je fis attention à ne pas faire tomber la boîte de cupcakes lorsque Molly m’enlaça pour me serrer dans ses bras. « Je suis si heureuse de te revoir Molly ! Tu m’as tellement manqué » avouais-je avec une voix empreinte d’émotion. Oh oui, elle m’avait manqué durant ces années passées aux États-Unis. Il n’y avait qu’une Molly Weasley en ce monde, et c’était uniquement en Angleterre que l’on pouvait avoir la chance de la voir.

Les premières minutes passées, la jeune femme me fit pénétrer dans le salon, non sans avoir saisi la boîte remplies de gâteaux au passage. Je pris soin de refermer la porte derrière moi, avant d’avancer de quelques pas dans la pièce de vie du Terrier, le cœur de la maisonnée des Weasley. J’y retrouvais deux petites têtes rousses en train de chahuter pour ce qui semblait être une carte des délicieuses Chocogrenouilles. Si leur mère sembla s’agacer de leur niveau sonore, j’étais au contraire attendrie par la vision de cette fratrie heureuse. Leur innocence était touchante, et leurs rires mettaient du baume au cœur, surtout après avoir passé la matinée à batailler contre ce serpent de Yaxley qui ne savait pas faire son travail correctement. Sans doute se servait-il de son statut de Sang-pur pour compenser tout le reste… J’adressais un large sourire à Billy et Charlie, qui avaient fini par lever la tête en comprenant que quelqu’un était entré. Ils perdirent rapidement leur intérêt pour moi, puisque, avouons-le, Merlin était un personnage résolument plus intéressant qu’Hestia Jones.

Je suivis Molly dans la cuisine, en faisant attention à ne pas marcher sur les divers jouets qui gisaient sur le chemin, victimes des jeux d’enfant des garçons de la maison. Une odeur délicieuse s’échappait de la cuisine, ce qui signifiait que Mrs Weasley avait été occupée aux fourneaux avant que je vienne la déranger par ma visite impromptue. Inévitablement, je fus submergée par les souvenir de jours heureux, lorsque j’accompagnais Fabian chez sa sœur pour assister à des repas de famille. Ces derniers se finissaient souvent par une joute verbale avec Gideon, surtout lorsque les breuvages alcoolisés finissaient par produire leur effet néfaste. Je finis par m’installer confortablement à la table de la cuisine, sur laquelle apparut un verre de jus de citrouille d’un seul coup de baguette magique. Mon amie se posa sur la chaise à côté. En levant les yeux vers elle, je vis qu’elle avait beaucoup de questions à me poser, ce que je comprenais parfaitement. Elle ne tarda pas à poser la première, et la plus importante d’ailleurs. « Je suis de retour pour quelques mois au moins » lui annonçais-je directement, sans faire durer le suspense plus longtemps. « J’ai enterré ma mère il y a quelques semaines, et je dois rester pour aider mon père avec… tout le reste. » Un triste sourire aux lèvres, je continuais tout de même sur ma lancée. « Tu es sûrement au courant, comme tout le monde d'ailleurs, mais je me suis mariée il y a quelques mois. Il faudra absolument que je te présente Sebastian à l'occasion. Il ne connaît pas encore beaucoup de personnes à Londres, et je me dis que ça pourrait être sympa de lui présenter quelques uns de mes plus anciens amis. Je pense qu'Arthur et lui s'entendront à merveille ! » Je souhaitais sincèrement que mon Américain de mari finisse par s'habituer à l'île anglaise, et faire connaissance des Weasley était un étape indispensable à son intégration.

Elle avait raconté ça d’un bloc, reprenant à peine sa respiration entre deux phrases, comme si tout me révéler d’un coup faisait moins mal. De ses grands yeux elle me fixait, attendant une réaction de ma part.

Silencieusement, j’assimilai les informations qu’elle venait de me livrer et posai doucement une main sur son épaule.

– Désolée pour ta mère, je ne l’ai jamais rencontrée mais tu m’en as parlé tant de fois que j’avais un peu l’impression de la connaître.

Elle me sourit en retour et prit une longue rasade de jus de citrouille alors que j’étais déjà repartie dans mes pensées.

« Sebastian »
Ce nom résonnait à mes oreilles uniquement comme celui de la personne qui avait pris la place de mon frère. Je m’efforçais de prendre la nouvelle du mariage de mon amie avec positivité depuis que j’en avais été mise au courant par Gideon quelques mois plus tôt, mais le pincement dans mon cœur ne cessait de revenir. Je m’étais tellement imaginée appartenir à la même famille que Hestia, les vacances que nous aurions passées avec Arthur, mes frères et les enfants, les fêtes de Noël, les discussions nocturnes enflammées que nous aurions pu avoir toutes les deux. Tous ces scénarios me paraissaient aujourd’hui bien loin. Il fallait que je me résigne et que je parvienne à me réjouir pour Hestia qui semblait si épanouie.

– J’ai vraiment hâte que tu me présentes ton mari ! lancé-je avec un sourire sincère.

La pendule du salon émit soudain son bruit caractéristique et je remarquai que l’aiguille d’Arthur s’était déplacée sur « à la maison ».

– Et je crois que tu connais déjà le mien, ajouté-je en me levant.

Elle éclata de rire et une voix masculine s’écria soudain avec entrain :

– C’est moi !

J’entendis Bill et Charlie faire la fête à leur père et quelques secondes plus tard mon mari apparut dans la cuisine. Il semblait fatigué mais content d’être rentré. Il déposa un rapide baiser sur mes lèvres et salua Hestia en souriant.

– Ravie de te voir, Arthur ! lui répondit-elle.

Arthur farfouilla ensuite dans son sac et en sortit une bouteille de Whisky pur feu qu’il brandit fièrement.

– Cadeau d’un de mes collègues ! Molly chérie je sais que toi tu ne peux pas boire en ce moment mais je me suis dit que ce serait parfait pour fêter la venue de Hestia !

Je souris en secouant la tête tandis que mon mari attrapait déjà deux verres.

Mais je remarquai soudain que Hestia ne semblait plus aussi à l’aise, regardant par terre et se tordant les mains, elle paraissait gênée face à Arthur. Qu’est ce qui lui prenait ?

Tel un discours répété des centaines de fois, j’étais rodée. Mon flot de paroles pouvait paraître un brin mécanique. Néanmoins, à force de revoir des personnes de mon passé, je devenais experte en la matière. C’était d’ailleurs plus simple de procéder de cette manière, afin de ne pas s’attarder sur les détails qui faisaient encore souffrir. J’adressais un mince sourire à Molly, qui compatissait sincèrement à la perte de ma mère. Les absents étaient coupables ; ce décès me pèserait durant toute ma vie, je pouvais en être certaine. Je pris à mon tour une gorgée du jus de citrouille, assoiffée. « Je le ramènerai au Terrier, à l’occasion » promis-je à la rousse, qui sembla particulièrement enthousiaste à cette idée.

La conversation fut mise de côté avec l’arrivée d’Arthur Weasley, avec qui j’avais planifié cette rencontre dans le plus grand secret. « Ravie de te voir Arthur ! » saluais-je le père de famille, que j’avais parfois le plaisir de croiser au Ministère. Voir les Weasley ainsi, parfaitement heureux dans leur maison et entourés de bambins, me redonnait un peu de courage pour l’avenir. Peut-être que la vie en Angleterre allait être supportable finalement. Peut-être même que le moment venu, je refuserais de retourner aux États-Unis et que je préférerais Londres à New-York ou même à Chicago. Mais ce n’était pas encore l’état d’esprit dans lequel je me trouvais. Je faisais attention ; doucement, je m’habituais à nouveau à la guerre et ses implications.

En voyant Arthur sortir une bouteille de pur feu de sa besace, je déchantais bien rapidement. Sans attendre ma réponse, il préparait déjà deux verres pour y verser le somptueux liquide. « Attends attends, Arthur » m’exclamais-je, presque paniquée à l’idée que le père de famille ouvre la bouteille exprès pour moi. Il allait se retrouver avec une bouteille ouverte sur les bras, sans possibilité de la vider dans l’immédiat. « Il vaut mieux que tu gardes la bouteille pour une autre occasion. » Devant l’incompréhension des Weasley, je passais nerveusement une main dans mes cheveux. Ce n’était définitivement pas ainsi que j’imaginais l’annonce de ma grossesse. Et ce n’était certainement pas à Arthur et à Molly que je souhaitais en parler en premier. C’était Sebastian qui était en haut de la liste. Je grimaçais légèrement à l’idée qu’il l’apprenne par quelqu’un d’autre.

Néanmoins, la force des choses m’obligeait à en parler au couple, qui attendait patiemment une explication à mes réticences. « J’aurais été très contente de boire un verre avec toi Arthur… sauf que je suis enceinte » finis-je par avouer, en étirant mes lèvres en un sourire. « Sebastian n’est pas encore au courant, je compte sur vous pour garder le secret. » Je leur faisais assez confiance pour ne pas avoir à m'inquiéter de l'éventuelle propagation de la nouvelle.