bethamie ❝ all i want for christmas ❞

Annabeth adorait l’hiver. Elle avait toujours adoré cette période de l’année. En particulier lorsque le temps était comme celui d’aujourd’hui. L’air était glacial, mais le soleil qui se levait à peine montrait déjà ce ciel sans nuages, qui à coup sûr serait parfaitement bleu dans quelques heures à peine. Pourtant, elle sentait pointer la petite angoisse, à l’idée que les fêtes de fin d’année approchaient. Elle allait devoir quitter Poudlard, et rentrer chez elle. Oh, elle aurait peut-être pu inventer une excuse. Dire qu’il manquait de professeurs pour surveiller les élèves qui resteraient au château. Mais n’avait-elle pas abandonné sa carrière et son brillant avenir justement pour essayer d’arranger les choses ? D’apaiser sa rancœur et son amertume ? Si. Alors elle devait rentrer. Elle devait passer les vacances avec lui. Deux semaines. Quatorze jours. Trois cent trente-six heures. Vingt mille cent soixante minutes. Plus d’un million deux cent mille secondes. Bref, elles n’avaient même pas encore commencé que ces vacances lui paraissaient déjà interminables. Ce n’était pas tant les fêtes en elle-même qui lui formaient une boule d’angoisse dans son estomac. Non, ça non. Après tout, durant les fêtes, elle revoyait sa famille. Ses parents, qui lui manquaient tant. Son petit frère, qui lui manquait tout autant, quand bien même le nombre de hiboux ils pouvaient s’envoyer. Non, elle savait qu’elle aimerait les revoir. Elle aimerait sentir les effluves des plats que sa mère et sa belle-mère cuisinaient. Elle aimerait revoir les pommettes de son neveu, tout comme ses yeux rieurs.

Cette boule d’angoisse, elle la devait à l’idée de se retrouver seule avec lui. À l’idée de ne pas être capable de trouver les mots, ou plutôt les bons mots. À l’idée que, quoi qu’elle fasse, ce ne serait jamais suffisant. À l’idée d’entendre ses excuses, encore et toujours. Comme si cela changeait quelque chose. Comme si ses excuses avaient changé quoi que ce soit, lorsqu’elle avait gagné la coupe de la ligue, pour la première fois en tant que gardienne du Club de Flaquemare. Comme si ses excuses l’avaient apaisée, lorsqu’elle avait perdu son bébé, celui qu’elle attendait depuis tant d’années, après une mauvaise chute lors d’un entrainement. Comme si ses excuses l’avaient soulagée, lorsqu’ils étaient sortis de Sainte Mangouste et avaient appris qu’il serait compliqué, pour eux, d’avoir des enfants. Mais peut-être était-ce mieux ainsi, finalement. Ce n’était pas la vie qu’elle s’était imaginée, certes. Mais peut-être valait-il mieux qu’ils n’agrandissent pas leur famille. Après tout … et s’il venait à s’excuser auprès d’eux, un jour ?

Cette pensée lui tira un frisson. Ou alors était-ce ce petit vent qui vint la frapper tout à coup, comme elle enfourchait son Nimbus pour grimper dans les airs. Elle ne saurait dire. Mais à peine fut-elle à une hauteur suffisamment haute qu’un soupir d’aise s’échappa de ses lèvres. Elle ferma les yeux, inspirant longuement, comme un sourire vint flotter sur ses lèvres. Elle ne manquait jamais un entrainement. Sauf lorsqu’elle était chez elle, bien évidemment. Mais en dehors de cette période, elle ne pouvait se faire à l’idée d’en manquer un. Tout simplement parce que, même s’il s’était agi de sa décision, elle ne parvenait pas réellement à accepter que tout cela était fini. Que sa carrière était terminée. Et qu’elle devrait passer le reste de ses jours à enseigner à des premières années à voler sur un balai, ou à arbitrer des matchs qui lui paraissaient maintenant sans intérêt. Non, elle ne parvenait pas réellement à se faire à l’idée et ne pouvait s’empêcher de caresser la douce idée qu’un jour elle finirait par retourner en équipe professionnelle. Qu’elle finirait par la gagner, cette coupe d’Europe, puis cette coupe du Monde de Quidditch. Qu’elle finirait par enfin accomplir ses rêves, tout simplement.

Elle sortit de ses pensées, comme elle aperçut une silhouette au loin. N'était-ce pas l'heure du petit-déjeuner ? Les élèves n'étaient-ils pas supposés être à l'intérieur de la grande salle, en cet instant ? C'était d'ailleurs pour cette raison qu'elle ne s'entraînait qu'à deux moments précis de la journée : à l'heure du petit-déjeuner – elle rejoignait les cuisines plus tardivement ; et après le couvre-feu. Pour être certaine de ne pas être vue. Et voilà qu'un gamin venait interrompre ses projets ! Elle fonça en piqué vers le sol, avant de mettre pieds à terre. D'un mouvement vif, elle ramena son balai à la verticale, comme elle forçait un petit sourire à l'élève qui se rapprochait d'elle d'un pas décidé. Une pique venait à ses lèvres, tout à coup, comme ses yeux se posaient sur le blason qui ornait fièrement sa cape. Puis elle se rappela qu'elle n'était plus élève, à présent. Elle était une professeure, qui se devait d'être neutre vis-à-vis des maisons, fût-elle serpentard. Alors elle ravala sa pique, agrandit son sourire – qui sonnait toujours un peu faux, pour quiconque la connaissait – avant de resserrer un peu son emprise sur son Nimbus. « Oui ? » commença-t-elle, tentant de l’inciter à lui donner la raison de sa venue. « Je peux t’aider avec quelque chose ? » Toujours cet air bienveillant même si, pour être parfaitement honnête, la jeune femme n’attendait qu’une chose : qu’il se dépêche de lui dire pourquoi il était venu, puis qu’il reparte et qu’elle puisse remonter sur son balai et profiter de cet air glacial qu’elle affectionnait tant.

Instinctivement, elle n’aima pas le sourire qu’il lui rendit. Ce genre de sourire mi-poli, mi-moqueur, typique des serpentards. Typique de ces sang-purs vaniteux, qui pensaient qu’ils étaient meilleurs que les autres, simplement parce que leur nom de famille transpirait une certaine noblesse. Ou peut-être Annabeth était-elle simplement de mauvaise humeur, comme l’élève l’avait interrompue en plein son entrainement matinal, et qu’il n’y avait aucun sous-entendu à ce sourire. Peut-être s’agissait-il simplement d’un sourire que l’on lançait à une professeure, lorsque l’on s’apprêtait à lui demander quelque chose. C’était également une possibilité, mais qui ne lui traversa que brièvement l’esprit. « Navré de vous déranger à une heure si tôt Professeure, mais j’aurais aimé savoir s’il était possible de bénéficier de vos précieux conseils dans le cadre de la pratique du Quidditch ? Vous n’êtes pas sans savoir que les matchs de la nouvelle année débuteront bien assez vite et je sens que j’aurais besoin de parfaire ma bonne tenue sur un balai pendant que je frappe pour éloigner un cognard. » finit-il par lui répondre, après ce qui lui sembla être une petite éternité. Des conseils ? Un serpentard venait demander des conseils à une gryffondor ? Un bref sourire étira le coin gauche de ses lèvres, comme elle pensait que c’était plutôt cocasse, comme situation. Bon, bien entendu, la Sang-Pure savait qu’il ne s’agissait pas réellement de cela. Mais qu’il venait en tant qu’étudiant, souhaitant s’améliorer dans cette discipline, la voir elle, professeure certes, mais surtout ancienne joueuse de Quidditch professionnelle. Il n’était pas le premier, et ne serait probablement pas le dernier.

Elle allait lui répondre, peut-être une petite pique comme quoi il aurait en effet besoin d’apprendre un peu l’esprit de camaraderie envers les autres joueurs – c’était qu’elle avait quand même failli siffler une faute, lorsque le serpentard avait sciemment visé un serdaigle de son cognard, et cela durant un match amical – mais elle préféra se racler doucement la gorge, comme il s’avança d’un pas. « Je voulais également vous offrir une Pomme, je sais que vous n’avez pas toujours l’occasion de prendre le petit déjeuner. Je vous ai déjà vu plusieurs fois dans les airs aux aurores, alors que le soleil se lève à peine. Les compétitions doivent vous manquer. Non ? » reprit-il la parole, lui faisant froncer des sourcils. Puis écarquiller brièvement des yeux, alors qu’il se rapprochait encore d’un pas en lui tendant ladite pomme. Un soupir, comme elle accepta le fruit qu’elle porta à ses lèvres pour en croquer un bout. Non pas qu’elle ait véritablement faim. Elle avait l’habitude des entrainements matinaux, et de petit déjeuner quelques heures après. Non, il s’agissait juste de gagner un peu de temps, comme elle avalait ce bout de pomme. « Pas vraiment, non. » répondit-elle avec une certaine dignité, se forçant à garder la tête haute. Parce qu’elle avait été éduquée ainsi, après tout. À paraître digne et heureuse de sa situation, qu’importe la situation en question. Si la compétition lui manquait ? Bien entendu. Si entendre un stade de Quidditch hurler de joie après un match lui manquait ? Encore plus. Mais c’était sa décision. Elle avait fait ce qu’il y avait de mieux. Pour son couple. Pour lui, qui n’avait jamais pu entrer dans une équipe professionnelle. Et une épouse ne devait pas susciter la rancœur et l’amertume de son mari, non ? Une bonne épouse, en tout cas, ne le devait probablement pas.

Un soupir, comme elle se passait une main dans ses cheveux décoiffés par le vent, tentant vainement de les remettre en place. « Concernant les conseils … Je ne sais pas s’ils sont si précieux que cela cependant …» Fausse modestie. Bien entendu que ses conseils étaient précieux. Annabeth le savait. Le serpentard le savait aussi. « Le premier que j’aurais à te donner serait de ne pas passer tes nerfs sur tes camarades. Les cognards ne servent pas à régler des comptes. » Son ton était ferme, ne laissant pas vraiment place à la discussion, comme elle lui lançait un sourire entendu. Il voyait fort probablement de quoi l’ancienne gryffondore voulait parler. « Pour le reste … » commença-t-elle avant de s’arrêter tout à coup, se mordillant la lèvre inférieure. Pour le reste, elle n’avait pas particulièrement envie d’avantager l’équipe des serpents. Mais, dans le même temps, elle s’était toujours promis d’aider les élèves qui le lui demanderaient. Parce qu’ils partageaient la même passion, après tout. Et que cela allait bien au-dessus d’une compétition des maisons, non ? « Ça dépend ce que tu veux apprendre, exactement. » reprit-elle donc finalement, avant de recroquer dans sa pomme. Il lui arrivait de donner des cours particuliers. Enfin, à un élève, tout du moins. Qui avait un fort potentiel et qui, à n’en pas douter, ferait carrière à l’avenir. Mais, justement, il souhaitait faire carrière. Au point que ce timide Poufsouffle avait fini par prendre son courage à deux mains pour lui demander de l’aider pour s’améliorer encore. Mais si c’était juste pour gagner une compétition … Est-ce que cela valait vraiment la peine de passer plusieurs heures par semaine simplement pour flatter un ego ? Pas sûr, non. « Tu veux passer pro ? Ou c’est juste pour battre les Gryffondors lors de la Coupe des maisons ? » finit-elle par lui demander, de but en blanc, comme elle penchait doucement la tête sur le côté, son sourire se faisant plus franc, presqu’amusé.