Two sides of one coin - Andromeda

« Sortez. » Sa voix est sans appel lorsqu’Elena s’adresse à la pauvre employée qui nettoie les toilettes du Ministère dans lesquels elle vient d’entrer et qui se précipite alors vers la porte en baissant la tête. Enfin seule. Elle se tourne vers le miroir et entreprend de se remettre une touche de rouge à lèvres. Mais sa main tremblante l’en empêche et Elena la pose violemment sur le bord du lavabo en marbre. Le bruit se répercute dans toute la pièce et ses doigts se referment sur le petit tube qui éclate, barbouillant d’un rouge vermillon sa main déjà rougie par la tension. Un petit sort aurait été plus efficace.
Il aura fallu une rencontre manquée dans une gare et une soirée remplie d’hypocrites pour faire briser en éclat le monde parfait qu’elle s’est construit. Et aussi tout l’hydromel qui coule dans ses veines. Et surtout Andromeda Tonks. Celle qui a osé. Celle qui lui renvoie sa faiblesse, sa lâcheté et son abandon rien qu’en arpentant la même salle.

La femme qu’Elena voit dans le miroir la répugne. Son chignon parfait, ses bijoux et ses habits de marque. Est-ce que c'est ça qu'elle désirait ? Elle recommence à en douter quand elle se compare au visage épanoui de l’ancienne Black. Depuis combien de temps un sourire n’a-t-il pas coloré son visage, adoucit ses traits ? Elle ne le sait que trop bien et la douleur en devient plus intense, intolérable. Un cri silencieux s’échappe des lèvres de son reflet et les yeux bleus qui la fixent se mettent à rougir. Ses yeux secs depuis 10 ans.
Autant en profiter maintenant que tous ces enfoirés sont occupés à préparer leur sale coup. Et des larmes pourraient presque couler, elle les appelle même tandis qu’une pression s’installe autour de ses poumons la poussant à respirer de plus en plus vite, de plus en plus fort. « Fuck » Mais en vain, Elena ne sait plus comment pleurer et les gouttes salées n’apparaissent pas. Peut-être que ce n’est pas comme voler en balais et que ça s’oublie. Peut-être que son cœur s’est asséché après tout ce temps. Peut-être que c’est sa pénitence ? Elle en est là, à se maudire inutilement, à taper du poing sur le lavabo et du talon sur le carrelage lorsqu’un bruit se fait entendre.

En un instant, tout disparait et son regard redevient aussi dur que la pierre du lavabo. Elle ne sait pas depuis combien de temps l’intruse est présente, alors elle se compose une façade cachant sa main teintée derrière son dos et se retournant pour afficher son plus faux beau sourire. « Excusez moi, je ne vous avais pas vu entrer. Petit problème de rouge à lèvres. » Et son expression de se figer quand Elena réalise qui se trouve en face d’elle. La dernière personne qu’elle voudrait voir maintenant, après son frère. Andromeda Tonks.  

Andromeda faisait l'imbécile dans cette soirée. De façon suffisamment subtile pour ne pas s'attirer les foudres du directeur de son département, mais de façon suffisamment provocante pour froisser la reine des glaces sans ménagement. Narcissa dans son élégance habituelle, avait bien du mal à contenir ses narines retroussées à la vue d'Andromeda et son sang de bourbe de mari, mais elle s'y essayait pour sauver les apparences, ce qui avait tout d'affreusement comique évidemment, particulièrement lorsque Andromeda avait défié Ted d'engager une discussion avec elle en échange de vingt scintillants gallions. Ce qui était beaucoup moins comique, en revanche, c'était la présence de sa mère à la soirée, présence, que la brune s'était appliquée à ignorer pour ne pas gâcher son réveillon avec des sentiments toujours affreusement désagréables. Si elle n'avait pas été si bien entourée, probablement qu'elle aurait fait profil bas, mais la présence de son mari et de ses amis l'encourageait à ne pas se soucier d'un détail aussi gênant que celui-ci. Si elle continuait à boire de la sorte, elle finirait probablement par trouver le culot d'aller lui présenter Ted, ce qui voulait sûrement dire qu'il était tant de prendre congé et de rejoindre le chaudron baveur. Après une énième imitation de sa cadette, Andromeda avait embrassé le coin des lèvres de son mari et s'était éclipsée pour profiter des commodités avant d'aller hurler sa nouvelle culture musicale punk rock moldue au Chaudron.

Lorsqu'elle arriva dans les toilettes, elle fut surprise d'entendre quelques sanglots. Loin d'avoir envie de se mêler des affaires des autres à la base, elle se posta devant la glace pour se remaquiller en toute discrétion. Ce ne fut qu'après un long moment que celle qu'elle reconnût comme l'amie de Narcissa, et la femme de son infâme prétendant de l'époque, s'aperçut de sa présence. Même si Andromeda n'était pas du genre à réconforter les femme de mangemorts, celle-ci lui rappelait étrangement quelqu'un qui s'était retrouvée à pleurer devant de la même glace, il y avait quelques années de cela. Toujours sur ses gardes, elle tenta l'humour noir, la meilleure arme dans ce contexte affreusement merdique. « Le rouge à lèvres s'en sort bien. Le mascara aurait besoin d'une retouche en revanche. », nota Andromeda pour . Il n'était pas question de réconforter une partisane du grand amour de sa sœur, elle avait suffisamment de problèmes comme ça pour ajouter plus de suspicion à son égard, mais on ne savait jamais ce qu'il se passait dans les familles de sang pur, et elle était bien placée pour le savoir. Alors piquée par la curiosité, elle ajouta : « Yaxley serait donc aussi mauvais mari qu'il est mauvais juriste ? » Elle ne pût s'empêcher un commentaire désobligeant. Travailler avec ce type était un enfer. Malgré sa position moins importante au sein du département, le mangemort n'avait vraisemblablement aucune honte à tenter de se montrer paternaliste avec elle et Hestia, ce qui ne passait jamais malgré ses multiples tentatives d'ailleurs. « J'aurais dû m'en douter. Andromeda Tonks enchantée, et non Bellatrix, qu'il n'y ait pas de confusion, ça devient vite gênant dans ce genre situations. Elle est moi on a des opinions politiques assez divergentes à ce qu'il paraît. » Elle préférait éclaircir toute ambiguïté, elle avait donné avec ce genre de confusions et elle finissait toujours par se vexer plus ou moins lorsqu'on la prenait pour sa sœur. L'alcool ingurgité n'arrangerait probablement rien non plus si cela devait arriver d'ailleurs. L'absence de regard dédaigneux et le langage poli de Mrs Yaxley, méritait cependant qu'elle reste sur ses gardes, et ce malgré l'hydromel. Ce n'était pas tous les jours que l'une de ses innombrables cousines s'adressait à elle avec un semblant de respect, et le détail était suffisamment insolite pour être noté. « Mouchoir ? » Elle sortit un mouchoir de son sac de maman qu'elle tendit à Mrs Yaxley. Les nez qui coulent, elle connaissait bien.

Finalement les larmes avaient coulées. Elena avait oublié à quel point c’était une sensation plaisante, bien qu’en toute honnêteté, elle aurait préféré que cela arrive chez elle, dans le confort de sa chambre, et non pas devant l’une des causes de ses larmes. Même si les réelles causes, c’est son frère qui a décidé pour elle. C’est les préjugés et les idéologies, mais surtout elle, son impuissance et sa lâcheté. Et aussi Kieran pour l’avoir aimée. Pas Andromeda Tonks qui, malgré toutes les bonnes raisons qu’elle aurait à la laisser seule ou à l’ignorer, n’en fait rien.
Elena n’est pas belle à voir avec son mascara qui coule sur ses joues et ses yeux rougies par les sanglots trop longtemps contenus, la blonde n’a plus rien d’une lady. La remarque la blesserait d’ordinaire, car elle n’a pas été élevé comme cela. Ceci dit, elle n’a pas été élevé non plus pour tomber amoureuse d’un Sang-Mêlé, et pourtant... Ce soir, elle ne trouve pas en elle la force de prétendre. Comme elle ne peut empêcher un fin sourire amusé d’apparaître sur ses lèvres quand l’ancienne Black se moque de son mari. Elle ne dit rien, bien sûr, parce qu’on ne sait pas qui écoute. Mais le sourire est présent, comme une confession. L’alcool lui fait tourner la tête, et cette tristesse qu’elle ressent, après tant d’années engourdie, la poussent à dire tout ce qui lui passe par la tête, même ce qu’elle ne devrait penser.

« Je sais qui vous êtes. Tout le monde le sait. Celle qui a osé partir pour un.. pour un autre que mon mari. » Elena répond, sans malice dans sa voix, sans dédain. « Je dois sans doute vous remercier d’ailleurs. » Elle n’en dit pas plus, et c’est déjà trop. La panique la prendrait si l’hydromel ne lui avait pas complètement retourné la tête.
« Mais je ne vous méprendrai pas pour Bellatrix. Votre sœur ne m’aurait pas tendu un mouchoir. » Ajoute-t-elle sans en avoir l’air, en attrapant lentement le tissu que lui tend la brune. Elle sait que ce qu’elle fait est déraisonnable, que si n’importe qui les voyait, surtout son frère ou Dolohov, ce serait la fin pour elle, et pour Brianna, et pour lui. Sauf qu’elle en a marre d’être raisonnable, parfaite, fausse. De vivre dans cette prison dorée. Elle peut toujours dire que c’est l’alcool qui parle ce soir. C’est un peu vrai d’ailleurs. « Merci. »

Elena s’attendant à ce qu’Andromeda parte ensuite, réalise qu’elle ne veut pas ça. Qu’elle a besoin de parler, à quelqu’un, quelqu’un qui comprendra. Quelqu’un qui est passé par là. Mais elle ne sait plus comment faire pour se confier, trop habituée à cacher la moindre de ses pensées. « Je vous ai vue un peu plus tôt. Vous aviez l’air de bien vous amuser... Vous ne regrettez jamais ? » Ses paroles s’échappent plus durement qu’elle ne l’aurait souhaité, la douceur qui l’enveloppait plus jeune s’est envolée au contact des mangemorts. Elle a dû s’endurcir pour abandonner son enfant et ses espoirs. Elle a dû se détruire un peu, pour survivre. Mais, derrière sa question il y a autre chose, une pensée, un tourment. Parce que moi je regrette tous les jours, ces temps-ci.  

Pour un sang de bourbe, c'est ce qu'elle allait dire. Andromeda ne peut pas s'empêcher de grimacer, décidément, contrôler son langage est un art que tout le monde ne maîtrise pas chez les sang-pur. L'effort est notable toutefois. Elle lui rappelle presque Cissy dans ses bons jours. Des bons jours enterrés depuis longtemps, malheureusement. Enfin, s'offusquer ne sert pas à grand chose maintenant. Son sang de bourbe de mari n'a rien à prouver à personne. Les gens l'aiment autant qu'ils le détestent, et ce n'est plus vraiment un sujet qui occupe leurs conversations pour être tout à fait honnête. Tout ça lui paraît bien loin à Andromeda, qui a eu tout le loisir de s’accommoder de la situation et de tirer un trait sur ce passé qui l'a hanté pendant de trop nombreuses années. L'héritage est bien là, sur ses traits, dans son attitude, et ses expressions qui resteront éternellement Black, mais il s'efface au profit d'Andromeda Tonks, la traîtresse, qui n'a plus besoin de cacher qui elle est au reste du monde parce qu'il faut donner le change, où tenir une réputation.

Si le déni fait sûrement partie intégrante de son quotidien, ce n'est qu'un détail avec lequel elle compose désormais. Andromeda Black est bien mieux sans eux, ne leur déplaise. « Pour un sang-de-bourbe, je sais. Très mignon, de mon âge, qui embrassait très bien. J'ai craqué sur la packaging sans regarder l'étiquette. Frivole que je suis, j'aurais dû me méfier. » Andromeda hausse une épaule amusée. C'était tout ce qu'il avait fallu au Ted de l'époque pour la convaincre que discriminer sur le sang était une belle connerie. Andromeda n'était pas de celle qui regardent la carte des desserts sans jamais commander, et ça n'a pas beaucoup changé aujourd'hui. La brune est une Slytherin dans l'âme, et elle se donne les moyens d'obtenir ce qu'elle veut. Ce qu'elle voulait à l'époque, c'était l'amour d'un sang-de-bourbe bien particulier, pas un mariage arrangé avec une pale copie de Lucius Malfoy. Hell no.

Lorsqu'elle la blonde évoque Yaxley à son tour, les narines d'Andromeda se retroussent par principe, accentuant sa ressemblance déplaisante avec la sœur qui l'a reniée quelques années plus tôt. Malgré l'hydromel, il est facile de deviner qu'un mariage arrangé avec cet impatient de Yaxley n'a rien d'idyllique pour cette jeune femme au bord du gouffre. Probablement qu'Andromeda serait elle aussi en train de pleurer son impur de Tonks en retouchant tristement son maquillage si elle ne s'était pas enfuie à la fin de ses études à Poudlard. Il ne fait pas bon être une femme de Sang-pur dans la société sorcière actuelle, la brune en sait quelque chose, et c'est sans doute la raison pour laquelle elle lui tend ce mouchoir, plus ou moins compatissante. « Ma sœur à d'autres préoccupations en effet. » S'attaquer à tous ses amis et à sa nouvelle famille par exemple, mais cela va sans dire.

Andromeda ajoute un nouveau trait de crayon, changeant légèrement son maquillage. D'ici une demi heure, ils prendront tous la direction du chaudron baveur. La tenue qu'elle a prévu pour l’événement n'a pas grand chose à voir avec celle qu'elle porte pour l'instant. Alors qu'elle laisse le loisir à la jeune femme de l'ignorer, Mrs Yaxley, lui pose la question qui leur brûle tous les lèvres. Il n'y a qu'une seule bonne réponse à cette question, et Andromeda se la répète depuis des années. La nuance n'est pas quelque chose que son déni autorise de toute évidence. « Regretter quoi ? Les dîners de famille avec ma psychopathe de sœur, les mariages arrangés avec le plus mauvais juriste de toute l'histoire du département, les pleurs en fixant mon reflet dans le miroir ? ? Please. » Elle laisse un rire amer s'échapper malgré elle en souvenir « du bon vieux temps ». Puis elle hausse une épaule. « On vit dans un bulle, des manoirs lugubres sans la moindre once de couleur. Je serais devenue folle, comme ma sœur, ou dépressive comme ma mère. Attendre gentiment Yaxley en préparant le repas pendant qu'il s'en prend à des innocents en compagnie de son meilleur pote Dolohov ne m'a jamais intéressée. Personne ne regrette d'être libre, si c'est ça la question. »

Lorsqu’elle entend le mot « sang-de-bourbe » prononcé par la voix railleuse d’Andromeda, Elena fronce les sourcils. Le mot a failli lui échapper, par habitude, pas par conviction. Mais elle l’a ravalé, par politesse et égard pour celle qui a fait preuve de plus de sympathique que toute sa famille, c'est dire la famille. Mais comment Andromeda pourrait-elle savoir puisque son frère a fait tout son possible pour étouffer son indiscrétion. Pour que cette aventure n’atteigne l’oreille de personne. Cela fait longtemps qu’Elena a rejeté toute pensée élitiste, toute conception erronée du monde. C’est ce qui rend sa situation actuelle encore plus lourde et difficile à endurer. Ce qui la rend peut-être encore plus honteuse que ceux qui croient à tout ça. Elle pourrait presque s’excuser pour ses propos, mais elle n’en fait rien.  Vexée, touchée par la vérité qui se dégage de chacune des paroles de la femme de Ted Tonks. Cette femme qui a été prête à sacrifier tout ce qu’elle connaissait : famille, richesse, confort, pour un homme. Mais pas seulement, pour croire à un autre monde sans doute. Elena comprend Andromeda peut-être plus que n’importe qui d’autre. Parce qu’elle a vécu la même situation, bien qu’elle n’ait pas connu le même dénouement. Pas encore.

Les mots qui suivent lui font l’effet d’une gifle, et même de plusieurs, elle se revoit à attendre patiemment que son mari rentre du travail, à supporter les propos paternalistes de Dolohov et l’impuissance qu’elle ressent quotidiennement. Mais elle l’a bien mérité au fond. Chez Elena, l’alcool n’a pas l’effet d’un stimulant mais transforme ses pensées en ruminations mélancoliques. Elle aurait plutôt dû se taire et ne pas demander si la brune « regrettait ». bien sûr que non, Andromeda ne regrette pas, car elle est heureuse, elle peut être avec sa fille, avec celui qu’elle aime. Elle a tout ce dont elle peut rêver sans doute. Alors que, par couardise, Elena a tout perdu. Sauf sa vie.

Elle ravale sa fierté après ce qui paraît un temps infini, et à la place de la réplique cinglante qu’elle aurait réservé à n’importe qui d’autres, trois petits mots s’échappent dans un murmure. « Je suis désolée. » un silence s’ensuit, « Je ne voulais pas insulter votre mari. » Et c’est vrai, elle n’a rien contre le mari d’Andromeda, elle ne le connait pas, mais s’il peut rendre sa femme aussi heureuse il est sans aucun doute mille fois mieux que Corban. Un soupir quitte ses lèvres, tandis que ses épaules s’affaissent, que ses jambes ne la soutiennent plus complètement. Elena prend appui sur le lavabo, évitant de regarder le miroir et la femme en face d’elle – car l’image qu’ils lui renvoient la ferait fondre en larmes. Et elle ne peut pas se le permettre, pas encore. Avant, elle doit prendre une décision. Une décision importante, qui risque de changer sa vie. Ses bras tendus, son cœur serré, Elena est la parfaite incarnation d’une tragédienne jouant son dernier acte. « Et comment vous faites pour ne pas avoir peur ? Pour votre mari, pour votre fille, pour vous ? Comment vivez-vous avec tous les jours sans que cela vous ronge ? »

Elena ne sait pas ce qu’elle recherche exactement avec ses questions. Elle ne comprend même pas pourquoi la brune est encore là à lui répondre. Mais son ton se fait bien moins coupant quand elle lui pose cette nouvelle question, c’est presque chaleureux, c’est presque une supplication. Comme si elle cherchait à lui dire tout sans en avoir trop l’air.

Andromeda hausse une épaule indifférente. Tout le monde insulte son mari, Yaxley n'est pas la première à le faire, et très certainement pas la dernière à laisser échapper son venin sur Ted Tonks, le sang-de-bourbe. Les excuses en revanche, sont une grande nouveauté dans un tel cercle. Ted s'en amuserait d'ailleurs probablement, lui qui porte fièrement l'insulte, sous la forme d'un tatouage magique sur son avant bras. Correspondance d'ailleurs parfaite avec le « traître à son sang » arboré par sa femme, à l'exacte place où cette bande d’allumés croit bon d'afficher leur allégeance auprès d'un certain Lord. L'idée leur était venue après leur mariage, une façon radicale de montrer qu'ils n'avaient pas peur de s'opposer à l'idéologie qui aurait voulu les séparer. Le dessin rappellerait toujours les risques qu'ils avaient eu à prendre pour être ensemble. La symbolique leur avait vraiment parlé à l'époque et il s'étaient décidés ensemble. « Il a l'habitude, vous ne croyez pas ? » Andromeda lance tout de même avec une bonne dose de cynisme décapant. « Il se l'est même fait tatouer sur l'avant bras. Il en très fier, de son sang. » Tout comme Andromeda est très fière de la famille qu'elle s'est créée. Cela ne veut pas dire qu'elle accepte l'insulte venant d'autres sang-pur envers son mari.

Lorsque la jeune femme désespérée, lui pose un milliard de questions sur sa décision, elle comprend cependant bien vite ce dont il est question. Ce n'est pas de la simple curiosité, pas comme avec les autres. Elle évalue les risques, d'une certaine manière. Andromeda pourrait tourner les talons et la laisser se débrouiller, elle a vécu cette interview sur ses regrets des centaines de fois, même Ted s'est permis de lui demander si elle regrettait sa décision. Pourtant elle reste, s'asseyant sur le rebord du lavabo pour lui indiquer, qu'elle compte lui accorder une partie de son temps. Oh, elle ne compte pas s'éterniser non plus. La confrontation avec son passé, n'est pas agréable, et la brune estime qu'elle a bien mérité le droit d'être égoïste et de penser à elle après les décisions difficiles qu'elle a du prendre pour se libérer du carcan familial.

Seulement, l'humanité l'empêche de détourner les yeux de la souffrance de Yaxley. Elle aurait pu être à sa place, plutôt qu'à faire des paris idiots avec l'homme le plus adorable de la terre. Elle aurait pu pleurer dans les toilettes du ministère, accompagner cette ordure de Yaxley à la fête de Narcissa, croiser le regard triste de son amant, et puis s'effondrer comme Elena ce soir, devant la première traître à croiser son chemin. « C'est un choix à faire, et j'ai peur pour eux la plupart du temps c'est vrai, mais on s'y fait quoi qu'on en dise. Je ne crois pas qu'on se fasse à l'idée de rester éloigné des gens qu'on aime pour des raisons qui ne valent pas le coup en revanche. Cette histoire de pureté du sang... » Le tatouage sur son avant bras en dit long sur ce qu'elle pense de tout ça. « C'est quand même une sacré connerie. Et cautionner ça par sécurité... Ce n'est pas moi. Je n'aurais pas pu me regarder dans une glace. » Toute son adolescence elle s'est sentie faible, incapable de s'affirmer, incapable de prendre la défense de Bellatrix, lorsqu'elle sa sœur en aurait pourtant eu besoin. Cette Andromeda n'existe plus, et elle ne le doit qu'à ceux qui ont eu l'audace de lui ouvrir l'esprit sur les valeurs qu'elle mettait elle aussi sur un piédestal. Aujourd'hui elle se sent changée, plus forte. La peur n'est plus qu'un détail, qui ne la ferait pas revenir en arrière. Ce n'est plus possible. « Pourquoi toutes ces questions ? Ce n'est pas de la simple curiosité, j'imagine. » Andromeda n'est pas idiote, et elle a le mérite de savoir exactement à quel genre de mari la jeune femme a affaire. Questionner une traître à son sang sur ces choix de vie, est en soit presque un crime pour un mangemort.

Elena se sent toute penaude quand l’autre femme lui explique que son mari a l’habitude d’entendre ces mots. Elle le sait bien, pour les avoir si souvent entendu dans la bouche de ces « êtres chers » qui l’accompagnent. Mais si habituée à tout entendre sans ne rien retenir, elle a mis un voile sur toutes ces horreurs. Ce qui est bien pire. Elle écoute ensuite Andromeda lui affirmer qu'on s’habitue à la peur, et que c'est bien mieux que d'être éloigné de ses êtres chers. Elle ne peut qu'être d'accord, pour la deuxième partie au moins. Car Elena ne s'habitue pas à la peur, elle a appris à vivre avec c'est tout. Dans un froissement elle se retourne vers le miroir et compare leurs deux reflets. Une femme heureuse, accomplie, libre, et Elena à côté. Elle aurait pu être à sa place, elle aurait pu être au côté de son homme et sa fille pour la rentrée de Poudlard, souriante, attristée de devoir se séparer d'elle, mais comblée. Sortir quand elle le désire, profiter de week-ends dehors ou sous un plaid avec le seul qui ait jamais compté. Au lieu de cela, elle a sa belle robe et ses talons qui lui blessent les pieds, et son mascara qui a tout coulé. Mais surtout, aucun ami, un mari froid et sans aucun doute un brin sadique, pas de Brianna. Well done, une vie dont on peut être fière…

Andromeda lui pose alors la question fatidique, celle qui va lui permettre de parler de tout ça, à quelqu'un qui la comprend. Qui la jugera peut-être aussi. Mais elle peut le supporter ça. Après tout, la brune a tout laissé derrière pour son amour, alors qu'Elena c'est ses amours qu'elle a laissés derrière. Si lady Yaxley était sobre, elle choisirait ce moment pour partir discrètement, un petit sort remaquillant et ni vu ni connu. Mais si elle était sobre, elle ne se serait pas retrouvée à pleurer dans les cabinets et encore moins à parler à cette femme. C'est donc une très alcoolisée Elena qui répond « Non. Vous avez raison. Je ... » Mais les mots ne sortent pas immédiatement, comme s'il elle ne savait plus comment les prononcer après tant d'années à les réprimer. « Il y a eu un homme. » Mais ce n'est pas que ça, ce n'est pas qu'un homme parmi tant d'autres. « Et une histoire.... Un enfant… Mon enfant. » Cela fait dix ans qu'Elena n'a pas prononcé ou entendu leur prénom. Dix ans sans entendre l'assemblement des lettres qui forment la douce mélodie de leur existence. C'est comme ne plus sentir le vent sur ses mollets, ne plus voir le soleil se lever. « Sauf qu’il a tout appris. Il m’a bien fait comprendre que je ne devais plus jamais les revoir. Il ne m’a pas laissé l’occasion de leur dire au revoir. Et me voilà, la plus heureuse des Yaxley, la plus hypocrite aussi. » Le ton monte à mesure que l’histoire décousue reprend vie sur ses lèvres. De grands gestes l’animent, jusqu’à ce qu’elle s’arrête, se rendant compte qu’elle doit passer pour une folle, une allumée. « Ce que je raconte n’a aucun sens, n’est-ce pas ? Oh boy. »

Ses deux mains frottent son visage pour reprendre un peu de calme et de contenance, tant pis si cela termine d’étaler le mascara sur ses joues. « Je suis désolée, vous devriez retourner à vos amis. Je ne veux pas vous retenir avec mes erreurs passées. » Mais son faux air ne bernerait personne, surtout quand des larmes réapparaissent au coin de ses yeux rougies. Que ses jambes ne la soutiennent plus, qu’elle malmène sa robe avec ses mains. « Je n’ai pas eu votre courage. » Et qu’elle s’assoit par terre contre le rebord du robinet. « Elle n’avait que 5 ans. »

En dehors l'hypocrisie est telle qu'Andromeda peut bien rester quelques minutes de plus à écouter les malheurs d'une sang pure qui a vraisemblablement pris la mauvaise décision. D'une certaine manière elle lui rappelle Cissy. Élégante dans sa belle robe de soirée. Éternellement triste dans sa grande splendeur. Andromeda comprend les décisions difficiles, et si son intransigeance laisse parfois penser le contraire, elle connaît le prix de la liberté qu'elle s'est offerte. Elle a beau ne rien regretter, c'est une compréhension qu'elle aura toujours au fond d'elle malgré les idéaux de sa nouvelle famille. Alors elle s'installe sur le sol à son tour, avec bien peu de regard pour la robe qui lui a coûté trop cher. Ce n'est pas vraiment ce qu'elle a prévu de porter pour le chaudron baveur de toute façon. Elle a joué les princesses pour agacer Narcissa, mais toute cette comédie lui ressemble finalement bien peu. Elle sort donc sa veste en cuir de son sac et la pose sur ses épaules pour se réchauffer. L'ensemble jure complètement, mais elle n'a pas grand chose à faire pour être parfaitement honnête. Elle se saisit alors d'un briquet, et allume une joint moldu, non sans offrir de partager avec la blonde. « Tu veux essayer ? Ca te détendrait. Tu pourras toujours blâmer mon sang de bourbe de mari pour ça plus tard. Généralement il a bon goût cela dit. »

Andromeda sourit, avant de reprendre le cours de leur conversation. Inutile de continuer avec le vouvoiement. Pas après lui avoir offert de profiter de la réserve personnelle de Teddy. Andromeda s'applique donc dans la conception de l'objet, et lui tend finalement le joint en répondant avec moins de sarcasme que d'ordinaire, mais toujours affreusement cynique. « Je voudrais dire que tout ça m'étonne, mais ça ne m'étonne pas du tout en fait. » Elle repense à Bellatrix, à l'été qui avait suivi la découverte de sa relation avec Tonks. Tout était allé très vite. On lui avait imposé Yaxley, on l'avait menacée, fait culpabiliser, blessée... Elle aurait finalement pu prendre une toute autre décision que celle de partir, céder à la pression familiale, capituler simplement, pleurer devant l'énorme glace des toilettes du ministère... Ca n'aurait pas été si étonnant que cela.

Mais Tonks s'était entêté, avait choisi d'insister, de lui montrer qu'il ne se laisserait pas impressionner par qui que ce soit, quitte à visiter St Mungo plus régulièrement que n'importe quel autre sorcier. Ted lui avait procuré un sentiment de sécurité malgré tout, il l'avait convaincue qu'elle avait ça en elle, tout comme lui. Et ils avaient pris ce risque ensemble. Andromeda pose une main rassurante sur l'épaule de blonde. « Tu n'es pas obligée de supporter ça Yaxley. Je sais que c'est terriblement facile à dire. Et il y aura toujours des risques, mais si tu es prête à les prendre alors saches que tu ne seras jamais seule dans ta décision. » La bande de l'ordre a peut être l'air d'un scooby gang immature et insupportable, il n'empêche qu'ils sont toujours là les uns pour les autres, et qu'Andromeda et sa famille sont toujours en vie malgré la fureur de sa sœur. « Personne n'est vraiment en sécurité. Ce n'est pas une illusion qui vaut la peine qu'on l'entretienne. Je ne suis personne pour te dire quoi faire, mais la véritable famille est celle qu'on choisit.  »

Quel beau tableau elles feraient si quelqu'un décidait de faire un petit tour par ici, ces deux femmes dans leur robe de soirée assises sur le sol des cabinets du Ministère. Une blonde et une brune qui ont toutes deux eu un choix à faire à un moment donné de leur vie. Debout, sur le quai d’une gare avec deux rails qui s’offraient à elle, et une seule question : quel chemin prendre ? Deux vies complètement différentes miroitant sous leurs yeux : le confort et la sécurité, la solitude aussi. Et la survie de l’autre côté, mais l’amour et la compagnie. Elena regrette de n’avoir pas eu quelqu’un à qui parler ; ce soir fatidique où son frère l’enferma dans sa chambre après lui avoir fait comprendre de la plus charmante des manières que tomber enceinte de Kieran Walsh ne se faisait pas. Elle ne comprend pas pourquoi elle ne s’est pas échappée, pourquoi elle n’a pas tenté de les rejoindre par tous les moyens. Préférant se persuader qu’elle garantissait leur sécurité ainsi, même si cela voulait dire sacrifier son bonheur et sa vie.

S'enfermant par la suite dans une léthargie opportune, Elena ne sortit pas de chez elle la première année et que très peu les suivantes. Son seul contact avec l’extérieur lui provenait des rares personnes qui lui rendaient visite, et des hiboux qu’elle échangeait avec Poppy. Elle utilisa ce temps pour tomber dans une nostalgie malsaine, puis pour se forcer à les reléguer dans un coin sombre de son esprit qu'elle tenta de ne plus jamais visiter. Et lorsqu’arriva le jour de son mariage, Elena était aussi froide qu’un glaçon et pâle qu’un fantôme. Bien loin de la douce princesse qu’elle avait été.

Mais cette carapace semble se briser ce soir, encore plus quand elle voit Andromeda s’assoir à côté d’elle et lui tendre ce qui ressemble à une cigarette mais n’en n’a pas l’odeur. Elle manque de pleurer un peu plus lorsqu’elle l’entend la tutoyer, sans méchanceté, sans hypocrisie. « Allons-y, après tout je ne suis plus à ça près. » Elle accepte la proposition et attrape le joint qu’elle coince délicatement entre ses lèvres. A la première bouffée, elle sent une brûlure qui tapisse sa gorge, l’odeur qui se propage est cependant plus douce, plus invitante, et elle s’empêche de tousser en expirant la fumée de ses poumons. Elle reprend deux-trois bouffées avant de tendre le reste à sa compagne de fortune. « Est-ce qu’on ressent les effets rapidement ? » Demande-t-elle d’une naïveté presque touchante. L’alcool ayant déjà fait chemin dans son esprit, Elena ne ressent pas immédiatement ses muscles se détendre, ses rides d’inquiétude se faire plus discrètes. Elle écoute la brune lui dire de partir, qu’il est encore temps d’emprunter l’autre chemin. Qu’elle aurait du soutien et la blonde est séduite par cette idée, par cette pensée qu’elle pourrait retrouver son ancien amant, apprendre à connaître sa fille. Mais trop d'années se sont écoulés. « Il est trop tard. Je les ai abandonnés sans un mot. Cela va faire bien dix ans maintenant. Ce serait égoïste et injuste de revenir dans leur vie et de les mettre en danger car je ne suis pas … heureuse. » C’est la première fois qu’Elena s’entend prononcer ces mots à voix haute : sa tristesse, ses envies impossibles. « Ils ne veulent sans doute pas me revoir. Je ne pense même pas que ma fille sait qui je suis. » Elle murmure alors presque plus pour elle-même que pour celle assise à côté. « Est-ce que ça vaut la peine de partir si c’est pour me retrouver encore plus seule ? Et pour abandonner un deuxième enfant, cette fois entre leurs mains.. » Elena parle comme une petite fille maintenant, elle n’arrive plus vraiment à attraper ses pensées qui lui échappent. L'alcool, la drogue, l'hésitation. Tout est fait pour la perturber ce soir. Mais peut-être aussi pour la sortir de son déni et de sa lâcheté ?

« Qu’est-ce qui t’a poussé à partir ? Comment as-tu réussi ? » Tu partirais à ma place ? Les Blacks n’évoquent jamais cette histoire embarrassante, ils la taisent comme un secret honteux, et personne n’ose aborder le sujet devant eux. C’est pourquoi Elena veut savoir comment on échappe à une famille de mangemorts, à une sœur aussi psychopathe et dangereuse que Arthur. Elle cherche à se donner du courage en écoutant une évasion qui a réussi. Comme si le simple fait de rester dans la même pièce que Andromeda tonks pourrait lui rendre cette audace qui s’est envolée le jour où son frère l’a torturée "pour son propre bien".