There's a dark cloud overhead | Antonin

Elle avait été de mauvaise humeur toute la journée. Et la perspective de se rendre à Pré-au-Lard n'y avait rien changé. Habituellement, l'ambiance électrique du château l'atteignait facilement dés lors que les week-ends dans le village sorcier approchaient mais ce jour-là, ce n'était pas le cas. Elle n'arrivait pas à sourire et préférait rester seule. Elle savait que cela ne plaisait pas à ses amis et qu'elle pouvait se montrer désagréable, c'est pourquoi elle s'était isolée pour éviter de gâcher leur bonne humeur. Elle n'avait peut-être pas la tête à sourire, mais elle n'avait pas non plus envie de perdre ses amis.

Alors, Trixie avait décidé de rester au château toute la journée. Même si la tentation de se gaver de friandises chez Honeydukes était grande, la lionne n'avait pas le courage de faire le chemin jusqu'au village. Elle voulait rester dans son lit ou bien se plonger dans le premier livre de la bibliothèque. Elle avait choisi la seconde option et alors qu'elle était sur le point de prendre des notes qui pourraient lui être utiles pour la vie qui l'attendait après l'école, vie à laquelle elle avait de plus en plus de mal à réfléchir sans prendre peur, Trixie s'était rappelée avec énervement qu'il lui fallait une nouvelle plume absolument. L’après-midi était déjà bien avancé et si elle désirait cette plume, il allait falloir se bouger le plus vite possible.

La lionne s'était donc levée avec un long soupir et avait entrepris le chemin jusqu'à Pré-au-Lard, se retenant de jurer tout le long. Elle était bien contente d'être seule, elle aurait été insupportable aux yeux de n'importe qui. Le pire dans cette histoire, c'était que personne autour d'elle n'était pas bien sure de pourquoi elle agissait ainsi aujourd'hui. Ou même certains autres jours. Il faut dire que depuis l'attaque du Chaudron Baveur, les sautes d'humeur se faisaient de plus en plus fréquentes chez Trixie. Si elle ne voulait pas l'admettre devant qui que ce soit, elle pensait en réalité en savoir la cause. La peur, tout simplement. Elle voulait combattre ceux qui cherchaient à réduire le monde en cendres, elle était même déterminée. Mais cela n'empêchait pas la peur de l'emparer. Peut-être la vie aurait-elle été plus simple si sa mère avait un jour décidé de garder leur sang pur.

Trixie tenta d'oublier ses problèmes en se rendant rapidement chez Honeydukes. Maintenant qu'elle était à Pré-au-Lard, elle n'allait pas rater l'occasion de prendre quelques kilos pour se réconforter. Après être donc sortie avec un sac plein de friandises pour le reste de la semaine, Trixie s'était pressée de se rendre au magasin de plumes Scribenpenne. Encore une fois, elle s'était retenue de jurer et de montrer sa mauvaise humeur lorsqu'elle avait lu certains prix affichés. Elle s'était donc rabattue sur une plume dans ses moyens qui, malgré tout, lui apportait un certain réconfort.

Ses emplettes terminées, Trixie était sortie du magasin et avait eu l'intention de de retourner au château. Elle n'aurait qu'à supporter la présence des autres pour le repas dans la Grande Salle et elle pourrait enfin se coucher, dans l'espoir de se réveiller le lendemain de meilleure humeur. Sauf que, à sa sortie du magasin, le nez plongé dans son sac, la lionne ne vit pas l'homme dans lequel elle rentra brutalement. Elle manqua même de tomber sur le sol et reprit son équilibre tant bien que mal.

- Merde! jura-t-elle dans une exclamation avant de poursuivre : Je suis désolé. Je ne vous ai pas fait mal, j'espère?

A vrai dire, elle avait eu envie de hurler sur l'homme par mauvaise foi. Mais elle se doutait que, n'ayant pas regardé en face d'elle, elle était probablement la cause de cet incident. Alors elle s'était excusé, sans réellement l'envie de savoir si la personne allait bien ou non. D'ailleurs, cet homme lui disait quelque chose. Grand, d'une quarantaine d'années et des yeux quelque peu... malveillants? Ok, peut-être qu'elle s'était fourrée dans un beau pétrin. Génial, il ne manquait plus que ça.

Un mégot de cigarette s’écrasa au sol avec une lenteur presque anormale. Il s’en alla rejoindre ses consœurs, aux pieds de leur unique propriétaire. Un propriétaire qui détestait attendre. Et pourtant, cela faisait au moins deux heures qu'il se tenait debout, tapis dans l'ombre tel un serpent en attente d'une proie. Emmitouflé dans son manteau noir, le froid ne dérangeait aucunement le Mangemort, bien au contraire. L'hiver était sa saison favorite ; un saison qui n'était pas sans lui rappeler son pays d'origine. L'air glacial de Pré-au-lard et l'épaisse couche de neige n'étaient pas à la hauteur des espérances du Russe, qui aurait bien descendu la température encore plus bas si cela ne tenait qu'à lui. Pensées diverses traversant son esprit, Dolohov continuait d’attendre. Il commençait à s’agacer, son naturel impatient prenant le dessus. Néanmoins, il savait aussi que rien n’était susceptible d’ébranler sa détermination. Le Mangemort voulait que le travail soit bien fait cette fois-ci. Il avait encore en travers de la gorge l’échec cuisant qu’il avait subi quelques jours auparavant. Dès le départ, Dolohov avait su que la mission serait un échec : avec Alecto en guise de partenaire au lieu de son talentueux frère, il y avait de quoi douter. Torturer le sang-de-bourbe qui servait de mari à la Black déchue avait été amusant certes. Il n’en restait pas moins que leurs plans avaient été rapidement compromis par l’arrivée d’une bonne partie de l’Ordre du phénix. Rien que d’y repenser mettait le Mangemort hors de lui. Il avait besoin d’assouvir ses pulsions meurtrières. La Ridley était l’occasion idéale de le faire. Cette fois-ci, le travail serait bien fait. Initiative personnelle, Dolohov avait décidé de donner une bonne petite leçon à la vieille fouineuse de l’Ordre du phénix, dont la filature constante commençait sérieusement à l'agacer également. D'autant plus que l'ego du Mangemort se sentait difficilement flatté de s'être vu assigné à une grand-mère. À croire que l'Ordre ne le trouvait plus si digne d'intérêt finalement. S'en était presque blessant.

Fort heureusement, toute cette attente fut récompensée lorsque le Mangemort la vit dévaler la route principale du village. Il se redressa, à l’affut de la moindre ouverture. Cependant, Ridley se dirigea vers l’une des nombreuses boutiques sans ralentir le pas. C’est pourquoi il décida de patienter encore un peu. Rien qu’un peu de patience, et Dolohov pourrait enfin donner une leçon à cette famille. Il ne comptait pas commettre de meurtre à Pré-au-lard, qui était un endroit bien trop découvert pour procéder à ses activités habituelles. Une simple mise en garde suffirait. Le Russe se rapprocha de la boutique de papeterie, les traits impassibles malgré ses sombres desseins. Il avait pris l’habitude depuis bien longtemps de se contrôler en public, contrairement à certains de ses collègues. De toute façon, les rues enneigées du village n'attiraient plus grand monde à cette période de l'année. Dolohov était tranquille pour faire ce qu'il avait à faire.

Le jeune lionne ne mit pas longtemps à sortir du Scrivenshaft's Quill Shop, tête baissée et occupée à revoir les articles qu'elle venait d'acheter. Le Mangemort se plaça délibérément sur son chemin. La collision fut inévitable et particulièrement brutale. L'étudiante manqua de tomber au sol, ce qui ne fit ni chaud, ni froid à l'homme. Il la toisa de son sombre regard, tandis qu'elle s'excusait platement. Son air revêche ne plaisait pas au Mangemort, qui avait bien envie de la tuer sur place au lieu d'échanger de simples formules de politesse. « Vous devriez regarder où vous marchez, jeune fille » lança froidement Dolohov, un ton qui s'accordait parfaitement à la température ambiante. « Votre grand-mère aussi. » Une remarque subtile, mais qu'il espérait suffisante pour que cette petite sang-de-bourbe saisisse son sens. Quoique, les quelques Gryffondors qu'il connaissait ne brillaient certainement pas par leur intellect. Il croisa le regard de Ridley, avant de commencer à s'éloigner un peu à l'écart de la route principale.

Son sang se glaça alors que l'inconnu mentionnait sa grand-mère. Et cela n'avait pas été pour prendre de ses nouvelles ou pour en faire l'éloge, comme Trixie en avait l'habitude. Non, cette fois-ci, cela semblait avoir été une menace. Que l'on menace la lionne était déjà une chose, mais menacer sa famille? Non, elle ne pouvait pas l'accepter. Elle ne pouvait non plus laisser cette phrase s'envoler comme si de rien n'était. Sa plus grande peur, et beaucoup le savait, était de perdre le restant de sa famille. Traumatisée par la mort de parents qu'elle n'avait connu que quelques heures, Trixie vivait avec la peur constante de voir ses grands-parents périr. Alors menacer l'un d'entre eux en face d'elle, c'était lui faire affronter sa peur. Et si elle fut un instant figée par l'effroi, la septième année se reprit à temps et éleva la voix, le regard posé sur l'inconnu qui s'éloignait.

- Qu'est-ce que cela signifie? demanda-t-elle d'un ton glacial.

Trixie avait une énorme confiance en les talents de duelliste de sa grand-mère. Norma Ridley avait fait ses preuves tout au long de sa carrière et beaucoup savait qu'il ne serait pas facile de la vaincre. Mais la lionne ne pouvait s'empêcher de s'inquiéter en ces temps de guerre. La vie de celle qui l'avait élevé était plus que jamais en danger et rien ne la mettait à l'abris de se retrouver seule face à de nombreux mangemorts. Aussi talentueuse qu'elle pouvait être, le nombre faisait souvent la force.

- Pour qui vous prenez-vous de la menacer ainsi? cracha-t-elle, la peur et l'énervement tourbillonnant en elle.

Trixie n'avait jamais aimé manqué de respect aux adultes. Elle se savait plus jeune et moins expérimenté qu'ils ne l'étaient. Les confronter ne servait à rien. Cependant, et jusqu'ici, les seules fois où la lionne avait été tenté d'affronter des adultes verbalement avait été au sein de Poudlard. Et elle avait toujours su se taire avant que cela ne dérape. Il faut dire que cela n'avait été causé que par de simples notes ou quelques injustices envers des élèves. Mais jamais un adulte ne l'avait menacé elle, ou sa famille. La réalité la frappait plus que jamais en cet instant. Dans quelques mois, elle ne serait plus une élève et elle ne pourrait plus être à l'abris de la guerre qui se jouait à l'extérieur des murs de l'école.

Sachant parfaitement que sa grand-mère souhaiterait prendre connaissance de cet échange pour le moins inhabituel, Trixie se concentra sur les traits de l'homme. Elle l'avait déjà vu, elle le savait... Mais où? Puis, elle se souvint. Elle ne la croisait qu'une seule fois et ce jour-là, Norma lui avait dit de se méfier de cet homme. Qu'elle le surveillait de près et était pratiquement certaine qu'il était rangé du côté de Celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom. La peur ne fit que grandir en elle.

- Antonin Dolohov, n'est-ce pas?

Spoiler:

Il n’avait pas été particulièrement difficile pour Dolohov d’obtenir des informations concernant sa proie du jour. Les élèves de l’école de sorcellerie anglaise, n’étaient pas tous des vendus à la cause du vieux fou, notamment dans la maison des Serpentards, où les fils et filles de sang-pur se prédestinaient le plus souvent à rejoindre la cause des Mangemorts. D’ailleurs, et depuis peu, une nouvelle possibilité s’était ouverte pour le Russe : un sang-mêlé prometteur en septième année. S’il était d’ordinaire très pointilleux sur ce terrain-là, le jeune garçon en question avait résolument prouvé sa valeur auprès du bras droit de Voldemort. Dès lors, Dolohov avait hâte qu’il rejoigne leur camp à la fin de sa scolarité. Pour le moment, de petites missions par-ci par-là suffisaient à tester sa loyauté envers le Lord et ses serviteurs.

Le Russe n’avait pas l’intention de s’éterniser à Pré-au-lard. Il savait que ce lieu pullulait de membres de l’Ordre du phénix. Il n’était pas adepte d’une prise de risques inutiles, comme Alecto, et il n’avait pas non plus très envie de faire une rencontre désagréable, sans son masque de Mangemort lui laissant une plus grande large de manœuvre. Sous les traits d’Antonin Dolohov, fonctionnaire exemplaire du Ministère de la magie, il ne pouvait clairement pas agir comme il le souhaitait en public. Alors que Dolohov s’apprêtait à lui tourner le dos, la petite sotte se mit à lui répondre. En croisant le regard de la Ridley, le Mangemort vit sa détermination et son agitation, signe manifeste qu’il avait touché un point sensible. Au moins, il était certain que la vieille Sorcière entendrait parler de cette entrevue.

« Une menace ? Quelle imagination débordante jeune fille » répliqua-t-il avec un sarcasme non dissimulé, un sourire mauvais aux lèvres. Il jouait la carte de l’hypocrisie, car l’heure n’était certainement pas au débat, surtout pas avec une gamine d’à peine seize ou dix-sept ans. « C’est vous qui vous êtes mise en travers de mon chemin. » Une phrase au sens double, que la Ridley saisirait peut-être. C’était sa grand-mère qui se mettait constamment en travers de sa route, en épiant ses moindres faits et gestes. Cette famille était absolument insupportable, et s’il n’était pas aussi prudent ces derniers temps, le Mangemort aurait exécuté la jeune fille sur place, dans une sombre ruelle du petit village écossais et sans aucun état d’âme. D’autant plus qu’il était difficile de garder son sang-froid, alors que sa réaction lui rappelait sans équivoque celle de ces résistants qu’il abhorrait tant.

Et puis, elle prononça son nom. La gamine avait osé souiller son nom. Cette née-moldue ou sang-mêlée - peu lui importait à cet instant - se permettait. Un éclat sombre passa dans les yeux du Mangemort, qui s’imaginait déjà meurtrier de cette impertinente. De sa poche intérieure, il sortit son paquet de cigarettes, d’où il en tira une, la dernière, ce qui ne manqua pas de lui rappeler que Dolohov avait attendu la Ridley pendant un long moment, et qu’il valait mieux éviter de terminer cette entrevue par une esclandre. Il laissa son regard croiser celui de l’impure Gryffondor, qui se tenait droite et défiante, comme si elle se croyait de taille face à lui. Stupide bravoure des lions, qui la mènerait à sa perte sans aucun doute. « Peut-être que oui, peut-être que non » finit-il par répondre, en articulant chaque syllabe de chaque mot prononcé, en roulant les « r » sans ciller une seule fois. D’une seule main, il écrasa le paquet d’une violence incroyable ; une nouvelle menace qui n’était plus si déguisée que cela. Dolohov laissa s’échapper de ses doigts ce pauvre objet, qui alla doucement rejoindre le sol, encore recouvert d’une fine couche de neige.