[TW] (flashback) useless manners + Ted

Il pleut des cordes. De grosses gouttes humides qui s’écrasent sur les pavés de Londres comme si quelqu’un s’amusait à balancer des seaux d’eau sur ces idiots de moldus. Ils sortent leurs parapluies pour se cacher, pestent dans tous les sens pour réfuter le mauvais temps qui s’abat sur cette journée. Bellatrix Lestrange, elle, file droit dans le flot des gens qui rentrent chez eux à la fin de la journée écourtée de travail. La pluie ne la dérange pas – elle pourrait s’en protéger facilement, sans même l’usage d’un parapluie quelconque, mais elle n’en fait rien – elle s’écrase sur son épaisse capuche verte, celle-là même qui recouvre son épaisse chevelure brune. Elle ne fait pas attention aux moldus, pour une fois – elle marche trop vite pour ça. Son objectif n’est pas d’agresser quiconque dans la rue, ce soir. Sa cible n’est pas constituée de sombres inconnus.

Elle a réussi à récupérer l’information il y a quelques jours. Habituellement, elle aurait foncé tête baissée sitôt la précieuse information en sa possession, mais pour une fois, Bella a pris son mal en patience quelques jours supplémentaires pour réfléchir au meilleur axe d’attaque. Réfléchir lui a permis de dérouler un plan ingénieux qui va lui permettre de faire son petit effet. De lancer sa petite menace. Et peut être même d’aller un peu plus loin que tout ça.

L’école est là, devant ses yeux ébahis. Un rictus déforme ses lèvres et elle rabat sa capuche sur ses épaules pour s’approcher de la petite grille fermée. « Alohomora », elle murmure, sa baguette fermement tenue dans sa main droite. La grille s’ouvre sans la moindre résistance – ces gens là ne sont pas des moldus pour rien, et il faut croire que pour l’heure, le Ministère de la Magie n’a pas décidé qu’il était utile de les protéger d’eux-mêmes. Très bien. Elle pénètre la cour et marche toujours aussi vite quand un blondinet lui saute littéralement dessus. Bien coiffé et très propret. « Excusez-moi, vous n’avez pas le droit d’être ici si vous ne faites pas partie de… » Bellatrix s’arrête et relève les yeux. Si elle était une âme patience, elle tenterait de glisser un mensonge et peut être qu’il la croirait. Mais elle n’est pas patiente, pas comme ça. « Impero », elle glisse, susurre, baguette tendue droit devant elle. Elle offre un sourire charmant au petit blond et penche la tête. Approche, pose sa main sur son petit pull marine, et glisse sa bouche jusqu’à son oreille, vicieuse. « Va te pendre », elle murmure, son rictus se transformant en un sourire satisfait, puis en éclat de rire. Elle recule de quelques pas et le laisse s’éloigner, à la fois confus et obéissant. Avec un peu de chance, il fera ça devant tout le monde.

Elle fera son petit effet.

La sonnerie retentit soudainement, sonnant la fin des cours. Bellatrix se hâte, regarde autour d’elle et accélère sa marche effreinée jusqu’à apercevoir la petite fille dont la photo occupe l’intérieur de sa cape.

Nymphadora Tonks. Ses talons claquent à nouveau sur le sol tandis qu’elle s’approche de Nymphadora. Sa baguette à nouveau prête, elle murmure cette fois-ci le sort qu’elle dirige contre l’enfant. « Petrificus totalus », marmonne-t-elle – cette magie idiote et trop aisée la dépasse, mais elle ne peut décemment pas tuer la petite au milieu de l’école. Il faut qu’elle fasse une petite frayeur à ses parents, c’est là tout l’objectif. Le corps immobile de Nymphadora lui tombe dans les bras et elle soulève l’enfant – qui pèse une tonne sous le poids du sortilège. Une enseignante s’approche et la baguette de Bellatrix répend ses sortilèges divers et variés plus vite que la lumière pour lui permettre de tracer son chemin jusqu’à la sortie de l’école. Une fois dehors, elle presse le pas – gagne la route. « On va bien s’amuser ensemble, chérie, tu verras. Ta mère ne t’a sans doute pas parlé de moi – mais je suis ta tante. Bellatrix. »

Il est quinze heures, en pleine semaine. En somme : il est bientôt l’heure d’aller chercher Nymphadora. Le couple Tonks a décidé d’inscrire la petite fille dans une école moldue en attendant qu’elle ses onze ans. Inutile de dire qu’ils n’ont aucun doute sur les pouvoirs de leur fille et les Tonks doivent redoubler de vigilance vis-à-vis du don de leur fille, usant de sortilèges d’illusion plutôt efficaces et de bandanas épais afin de camoufler ses couleurs de cheveux toujours plus excentriques. S’ils ont décidé d’offrir une scolarité moldue à leur fille, c’est surtout une question de socialisation et de tolérance. Ted tenait à ce qu’elle suive son parcours, non sans l’avoir bien briefée pour qu’elle ne gaffe pas en dévoilant le secret magique à ses camarades, et ce dernier est bien heureux de constater qu’elle se plaît à la maternelle. Déjà le premier jour, la petite Tonks en avait carrément oublié d’embrasser ses parents, leur préférant une blondinette à nattes et des jeux en bois.

Dirk est à la maison et les cousins partagent un joint de mandragore avant de prendre la route. Dora adore « tonton Dirk » et Tonks est persuadé que la surprise de le voir à la grille de l’école fera plaisir à la demoiselle. Quant à son cousin, il sait qu’il vient plus souvent pour la gamine que pour le couple. Il n’y avait donc aucun risque qu’il refuse de l’accompagner, et c’est ensemble qu’ils transplanent à quelques pâtés de maison de l’école maternelle dont la cloche retentit déjà au loin.

Dans l’air automnal, cependant, une lourdeur étrange, comme quelque chose qui ne va pas. Peu de cris d’enfants, pas les mêmes cris que d’habitude, surtout. Encore trop loin de l’établissement, Ted se contente de froncer les sourcils sans faire part de son inquiétude à son cousin, mais lui lance tout de même un coup d’œil en coin en accélérant le pas. La scène dont il est témoin ne lui glace pas tout de suite le sang. Clairement, quelque chose cloche dans cette cour de récréation. Pas de surveillance, un attroupement d’enfants dans un coin. Ce n’est qu’en s’approchant d’un peu plus près que Tonks comprend, horrifié. Sa main vient agripper le bras de Dirk, un peu par réflexe. [Un petit garçon git, inerte, visiblement étouffé par son écharpe accrochée à l’un des barreaux de la grille entourant la cour.] Personne ne semble parler. Personne ne semble comprendre. Le regard vide, la plupart des enfants et de leurs parents déjà présents observent en silence et l’autre partie a juste l’air désorientée.  

- Qu’est-ce que… commence-t-il, souffle coupé.

Sa main ne lâche le bras de son cousin que pour attraper sa baguette dans la poche intérieure de sa veste. Aucun doute que la magie est responsable de ce qui se passe actuellement.

- Dora, termine-t-il, comprenant soudain.

Son regard croise celui de Dirk, un quart de seconde seulement, et il se met à courir jusqu’à l’intérieur de l’établissement. La classe de la petite fille ne lui a jamais semblé si loin de l’entrée. Il finit par tomber nez à nez avec la responsable de la vision d’horreur actuelle. Bellatrix. Il aurait dû se douter dès le départ que c’était cette psychopathe. Il se fige en apercevant sa fille, inerte, dans ses bras. Il peut sans mal apercevoir qu’elle n’est « que » pétrifiée, aussi, il tente de ne pas s’affoler. Ses poings se serrent, cependant. Sa baguette frétille dans sa main gauche, comprenant probablement que quelque chose cloche.

Ils ont eu tort de penser que l’école ne méritait pas la même protection que leur maison. Il a insisté pour envoyer sa fille à la maternelle. C’est sa faute. Sa vue se brouille et il déglutit difficilement.

- Tu t’attaques aux enfants, maintenant, Bellatrix ? lance-t-il, la voix grave, le souffle toujours coupé. Tu n’as donc pas le moindre adversaire à ta taille ?

Si sa fille n’était pas dans ses bras, il aurait attaqué. Tout de suite. Quitte à mourir. Mais pour l’instant, il faut faire diversion. Trouver un moyen qu’elle lâche Dora pour pouvoir l’atteindre. Sa mâchoire se serre. On ne touche pas le moindre cheveu de son bébé. Pas un seul.

Dirk passe la journée avec son cousin Ted. Parce qu'il est en vacances, et qu'il n'a rien d'autre à faire. Ce n'est pas comme s'il pouvait aller visiter le reste de sa famille, il imagine assez facilement la tête de sa mère s'il allait sonner à la porte. Personne ne s'attend réellement à le voir revenir, les quelques fois où il a fait une tentative se sont soldées par des échecs cuisants. Il se contente donc d'écrire à son frère des lettres qui n’entraînent jamais de réponse. Il aimerait bien savoir s'il va bien, lui, au moins, mais c'est visiblement trop demander. Alors il reste à l'écart, et se contente de se raccrocher comme il le peut aux gens qui sont intéressés. Ted, en file de liste, parce que c'est son cousin, comme son frère, et qu'ils ont plus en commun que n'importe qui d'autre. Cet après-midi, donc, il est réfugié chez les Tonks, profitant de leur salon - et de la nourriture de son cousin, aussi. Il n'a pas motivation à grand chose, mais lorsque Ted lui propose de l'accompagner à l'école pour aller chercher Dora, il n'hésite pas une seconde. Le fait que son cousin prenne sa baguette avec lui l'incite à faire de même - sinon, sans doute l'aurait-il laissée là. Dirk n'a pas encore tout à fait l'habitude de la guerre et des dangers qui grondent dehors. Il est un peu inconscient, diraient certains. Complètement inconscient, même.

Ils transplanent non loin de l'école et font le trajet dans un silence relatif, comme si quelque chose planait déjà, à ce moment là. Et il ne croit pas si bien penser, d'ailleurs. Arrivés à l'école, les deux hommes réalisent bien rapidement que quelque chose ne va pas. Comme un paradoxe entre l'agitation croissante de la cour de récréation à la fin de la journée et une atmosphère oppressante, un silence lourd, agaçant, qui dérange.

Il a à peine le temps de porter sa main à sa bouche quand il découvre le corps inerte d'un petit garçon - Ted attrape son bras, déjà. La réalisation les frappe tous les deux en même temps, parce qu'au moment même où Ted prononce le prénom de sa fille, Dirk pense la même chose. Et puis, il ne pense plus à rien d'autre qu'à suivre son cousin en courant pour tenter de faire la lumière sur ce qu'il se passe, attrapant la baguette à sa ceinture au vol.

C'est la soeur Black qui est responsable des tourments de l'école. Dans ses bras, Dora, figée - comme par la stupeur, mais en pire. L'espace d'un instant infiniment long, Dirk a l'impression que la folle lui a volé sa nièce, mais il est rassuré de constater qu'elle n'est qu'immobilisée par la folie de la Sorcière. En même temps que Ted parle, Dirk brandit sa baguette sans se soucier des alentours. Dans les yeux de la Mangemorte, il ne lit que la folie meurtrière qu'on lui a si souvent décrite. Il n'avait pas eu le malheur de croiser sa route, encore, jusqu'à présent, mais comprend aisément ce que l'on raconte d'elle. Il faut qu'il fasse diversion, il faut qu'il aide son cousin, il faut qu'ils libèrent Dora pour la ramener chez les Tonks en un seul morceau. Ce qu'il a retenu de ses années de cours à Poudlard ne lui permet pas d'assurer aussi bien qu'il l'aurait souhaité une fois l'extérieur et la vraie guerre retrouvée. Il y a cette chaise, là bas, au milieu de la cours, non loin d'eux, et la seule chose à laquelle il pense, en cet instant d'horreur, c'est à lever sa baguette vers la chaise, à hurler Repulso pour qu'elle aille s'écraser contre la fenêtre d'une classe vide et sombre dans un fracas qui n'a pour effet que de faire tourner les yeux de Bella, l'espace de quelques secondes précieuses.