stop your nonsense (feugene)

Eugene se laissa tomber sur le lit de son dortoir, exténué. La journée avait été riche en émotions. En l'occurrence, ce n'était pas particulièrement joyeux, puisqu'il avait envoyé une élève à l’infirmerie. Or d’habitude, c’était l’inverse qui se produisait dès lors que le Poufsouffle avait le malheur de rencontrer un groupe de serpentards en quête d’aventures. Marlene McKinnon s'était pris un souaffle en plein visage, par sa faute. Une petite taquinerie innocente, qui s'était transformée en un voyage express à l'infirmerie de Poudlard. Il pensait pourtant qu’elle rattraperait aisément la balle… Autant dire que l'entraînement de quidditch de son équipe était passé à la trappe. Il avait bien entendu tenu à accompagner la malheureuse lionne. L’infirmière de garde n’avait pas manqué de lui reprocher son imprudence par ailleurs, en lui indiquant qu’elle comptait mettre au courant le Professeur Sprout. Damn it. Si seulement il était tombé sur Madame Pomfresh…

Chassé par une infirmière en rogne, il était parti, en promettant à Marlene de passer la voir un peu plus tard pour prendre de ses nouvelles. Des adieux faussement tragiques comme le Rhodes savait si bien le faire, ponctués par un roulement d'yeux de la part de la part de l’aide-soignante. Habillé de pied en cap dans son attirail favori et son balai en main, le blaireau retourna directement dans son trou, sans passer par le stade de quidditch. Il n'avait plus vraiment envie de s'entraîner au vu des circonstances et Eugene faisait confiance à ses coéquipiers pour se débrouiller sans lui pour cette fois.

Et voilà qu'il se retrouvait à observer le plafond, étendu comme une loque sur son pieu. Fatigué, même s'il n'avait pas fait grand-chose de sa journée finalement, Eugene trouva tout de même la force de se remettre sur ses deux pieds. Il rangea son balai dans le placard, avant de se changer. Alors qu'il essayait de retrouver son t-shirt dans le fouillis qui était le sien, la porte du dortoir s'ouvrit à la volée. Le Poufsouffle releva la tête un instant, puis il baissa à nouveau son regard, après avoir reconnu d'emblée le nouvel arrivant. « Wheeler, déjà de retour ? » demanda Eugene. Peut-être avait-il perdu toute notion du temps depuis son départ. Il avait néanmoins la très nette impression que l'entraînement des Poufsouffles avait été écourté. « Comment s'est passée la fin de la séance ? » Connaissant plutôt bien son camarade de chambre depuis quelques années déjà - depuis leur entrée à Poudlard, puisqu'ils étaient de la même année -, Eugene s'attendait déjà à ce que Felix lui fasse part de son ressenti personnel sur la situation. Il en souriait intérieurement par avance, car les remarques de son camarade l'amusaient beaucoup.

Le Quidditch était, certes, un sport sérieux mais Felix n'avait rien d'un athlète consciencieux. Il lui arrivait de temps à autre d'arriver en retard aux entraînements, d'être le dernier sorti des vestiaires lors d'un match et il passait presque autant de temps à se moquer de ses coéquipiers comme de ses adversaires qu'à voler après les cognards. Les entraînements étaient généralement pour lui l'occasion de se faire sermonner par l'un ou l'autre de ses camarades, passage obligé qu'il acceptait toujours avec le sourire, insolent par nature. Pas aujourd'hui pourtant mais ça ne lui avait pas manqué. Il était tout à fait d'accord pour échanger ses sermons contre un incident aussi hilarant que celui du jour. Oh, il ne souhaitait de mal à personne et, à la réflexion, ce souaffle perdu qui avait atterri sur McKinnon n'était qu'un bonus à toute cette charmante histoire. Non, c'était plutôt la petite conversation qu'elle avait eu avec Rhodes qui avait enchanté son après-midi. Marlene était jolie, certes, mais manquait cruellement de subtilité et c'était donc avec un grand sourire moqueur que Felix avait observé l'échange depuis les gradins où il s'était installé pour polir le manche de son balai. Regarder McKinnon étaler toute son envie de s'occuper de celui d'Eugene l'avait ravi, jusqu'au moment où la malheureuse avait fait la connaissance, plutôt violente, du souaffle lâché par son ami. Felix, qui n'avait jamais prétendu être quelqu'un de bien, n'avait pu s'empêcher de s'esclaffer, sous les regards désapprobateurs du reste de l'équipe. Tout le monde avait semblé plutôt préoccupé par l'état de McKinnon, Rhodes le premier d'ailleurs. Il avait brillé par son absence jusqu'à la fin de l'entraînement, ce qui n'avait pas échappé à Felix, toujours ravi d'avoir matière à se moquer.

Les balais et les uniformes rangés, ils avaient tous repris le chemin du château dans un joyeux brouhaha avant de se séparer. Ou, plutôt, avant que Felix ne s'éclipse discrètement. Il les appréciait, oui, mais il n'y avait rien de plus désagréable que de devoir écouter des stratégies de vol sans la moindre démonstration et il n'avait absolument pas envie de devoir subir un autre peptalk enthousiaste à propos du prochain match. Ils feraient de leur mieux et ce serait parfait, comme toujours. Il gagna son dortoir, le souvenir du livre commencé la veille au soir amenant un sourire sur ses lèvres. Ledit sourire s'élargit en découvrant Eugene, étalé sur son lit. Well, ce n'était pas la même chose qu'un bon bouquin mais découvrir ce qui s'était passé avec Marlene pouvait être tout aussi distrayant. Pour Felix, en tout cas. « Oh, mais c'est à toi qu'il faut poser la question, Rhodes » répliqua-t-il en se laissant tomber sur son propre lit. Il croisa les jambes, joignant les mains sur son ventre, le regard braqué sur son camarade. « Est-ce qu'on doit mettre ton indécence sur le compte de McKinnon ? Elle est repartie avec ta chemise en souvenir ? » ricana-t-il avec un bref signe du menton dans la direction générale de son camarade. Pas que la vue lui déplaisait, non, mais difficile de ne pas faire le lien entre ça et la soudaine disparition d'Eugene. Comme si Marlene avait  vraiment besoin qu'on lui montre le chemin de l'infirmerie après sept ans passés à Poudlard.

La répartie de son camarade de chambre le fit vaguement sourire, malgré le fait que la fatigue de l’entraînement et des événements de la journée l’empêchaient d’apprécier toute la portée de son sarcasme inné. Eugene savait bien qu’il n’aurait pas pu échapper bien longtemps à un commentaire ou une remarque de la part de Felix. Il aurait d’ailleurs été étonnant qu’il passe l’incident avec Marlene sous silence.  Après tout, l’équipe des Poufsouffles au grand complet avait assisté à cette scène quelque peu… grotesque. Eugene se souvenait clairement avoir entendu le ricanement du brun résonner dans tout le stade depuis les gradins, où il s’était installé peu après le début de l’entraînement.

Le matelas de du haut en pleine ligne de mire, il haussa les sourcils lorsque son colocataire se mit à lui répondre. Eugene ne comprit pas tout de suite où il voulait en venir. « Ma chemise ? Non, elle est juste... Oh. »  Les mots « indécences » et « McKinnon » placés dans une seule et même phrase finirent par faire voler en éclat la naïveté enfantine du Poursuiveur, les insinuations de son coéquipier devenant aussi limpides qu’une potion de Veritaserum. Visiblement, Felix avait déjà eu le temps de s’imaginer une histoire digne de Sorcière Mag. Oh boy. « Non. Non non non non non. Non ! » Eugene se releva d’un coup, manquant presque de se prendre dans la tête la barre du lit au-dessus du sien. « Non, Wheeler. Je vois où tu veux en venir et tu as tort sur toute la ligne, okay ? » Eugene s’affolait un peu ; ce qui était légèrement suspect, compte tenu du sens vers lequel la conversation évoluait. Peut-être qu’inconsciemment, il avait peur des conséquences qu’auraient les convictions de son ami, surtout si celles si venaient à atteindre les oreilles de certaines personnes… ou plutôt d’une personne en particulier. Plus généralement, le Poufsouffle n’avait pas vraiment envie que l’imagination débordante de Felix fasse le tour de Poudlard. Il y avait bien assez de fausses rumeurs qui circulaient sur les élèves pour en rajouter une nouvelle couche. « Si tu veux tout savoir, j’étais en train de me changer. C’est juste que je n’ai pas eu le temps de mettre mon t-shirt avant que tu débarques ». Il avait l’impression de se justifier, alors qu’il n’y avait vraiment pas de quoi puisqu’il était totalement innocent. « Tu l’as bien vu depuis ton perchoir. Marlene n’arrivait même pas à se relever sur ses pieds ! Bien sûr que je l’ai accompagnée à l’infirmerie. Rien de plus, rien de moins monsieur. » Cependant, Eugene se doutait déjà que ce ne serait pas suffisant aux yeux du Poufsouffle aux cheveux bouclés.