Grumpy dragon needs a healing | Fabian

- Le bougre n’est pas docile.

Le pansedefer ukrainien en aura fait voir à Gringotts, tant pour l’y faire pénétrer alors qu’il n’était encore qu’un dragonneau – si j’en crois les dire de feu mon mentor – qu’à présent qu’il est déjà âgé, blasé et violent. Preuve en est qu’il a attaqué l’un des deux uniques humains en qui il a encore confiance, j’ai nommé les deux crétins – j’en fais partie – qui lui donnent à manger tous les jours et soignent ses petits bobos. Enfin, soignaient, puisque sa récente blessure aura coûté la vie à Albert Hawkins, soigneur officiel de la bête depuis 1952 et vieux schnock un peu fou par la même occasion. Il faut être un peu taré pour vouloir s’occuper de ces monstres de feu, certes. Il faut l’être encore plus pour penser que désinfecter une blessure longue de plus d’un mètre cinquante et large de soixante centimètres sans anesthésier le dragon serait chose aisée. Hawkins en aura payé le prix.

- Merci d’avoir accepté de venir le voir. Il aurait bien besoin d’un anesthésiant assez puissant pour que je puisse m’occuper de ce vilain bobo avant qu’il ne s’infecte plus qu’il ne l’est déjà, mais figure-toi qu’il ne daigne même pas avaler ce que je lui donne…

J’ai déjà travaillé avec Fabian Prewett. L’homme aime bidouiller des potions et il est régulièrement utile lorsqu’on a besoin de ses talents pour s’en sortir avec ce gros bêta de pansedefer qui n’en fait qu’à sa tête. Cette fois, tout ce qu’on nous a fourni n’a aucun effet et j’ai besoin de son expertise pour faire plus fort. Le dragon refuse toute médication et sa blessure s’infecte, voilà une semaine qu’elle reste insoignée car intouchable.

- Tu penses bien qu’après ce qu’il a fait à Hawkins, je précise, je n’ai même pas tenté de l’approcher pour autre chose que le nourrir. J’ai peur pour lui, mais je préfère rester en vie.

Nous approchons de la tanière de la bête au fur et à mesure de mes explications sur son état et je me sens stressée, un peu effrayée par ce dont il peut être capable. Pourtant, depuis la mort d’Albert, je suis celle qui connaît le dragon comme personne. Il me fait confiance et n’attaque personne en ma présence. Les circonstances sont pourtant trop exceptionnelles pour faire partie de mon quotidien.

Poussant la porte nous menant au pansedefer, j’esquisse une grimace à Prewett en désignant l’aile blessée du dragon qui grogne de façon inquiétante, diminué par la fièvre et la douleur.

- Il me faudrait une potion capable de l’assommer assez longtemps pour que j’aie le temps de soigner et refermer cette plaie. Elle est assez moche, comme tu peux le constater… Tu penses pouvoir faire quelque chose ?

Fabian était exténué, et sa nouvelle double vie était sans doute à blâmer. Pour la première fois depuis très longtemps cependant, depuis sa rupture avec sa fiancée en réalité, il se sentait vivant. Il n'avait pas vraiment eu la sensation de vivre quoi que ce soit de franchement excitant avant de décider de rejoindre l'ordre, et ce malgré quelques petites expérimentations nocturnes qu'il effectuait dans l'ombre de son petit atelier mal ordonné où il expérimentait sorts et potions, épuisant sa baguette qu'il poussait bien au delà de ses capacités pour la recherche médicomagique. L'Ordre du phénix avait donc apporté un changement radical à son mode de vie rangé et un peu ennuyeux somme toute. Convaincre Gideon avait été l'entreprise la plus délicate de ces dernières semaines, et pourtant, Fabian avait réussi à arracher à son frère une acceptation, malgré une énorme part de mauvaise volonté venant de son jumeau, mais une part qu'il comprenait très bien en réalité. Si on avait laissé le choix à Fabian de décider où son frère devrait être, très certainement l'aurait il préféré à l'abri dans un hôpital où occupé à vendre de l'équipement de Quidditch sur le chemin de traverse. Mais la question ne s'était jamais posée pour Gideon qui fougueux comme il l'était avait tout fait pour rejoindre l'ordre à la moindre occasion. 

C'était donc un peu fatigué qu'il avait rejoint Emma. Malgré le manque de sommeil, le Prewett ne pouvait pas s'empêcher de jouer les chevalier servants lorsqu'il s'agissait de donner un coup de main. Alors après avoir tenté de concocter un remède qui puisse potentiellement fonctionner sur un dragon, il avait quitté son appartement pour apporter la potion à la soigneuse. « Ca devrait faire l'affaire. Enfin, je n'ai jamais testé ça sur un dragon, il va falloir y croire un peu... Mais si ça peut te rassurer, ce serait une très mauvaise idée de donner ça un humain, il ne se réveillerait pas. » Rassurant ? Peut être pas, mais Fabian avait suffisamment d'expérience pour savoir que ça ne mettrait pas en danger le dragon. Eux peut être, mais détail. « Si celle là ne fonctionne pas, j'en ai apporté une autre aussi. »

Je ne m’en sortirais pas sans Fabian. Ce dragon est bien trop imposant pour moi seule. Il a fait sa peau à son propre maître en moins d’un coup de griffe et malgré mon envie irrépressible de lui venir en aide, il ne me viendrait pas à l’idée de l’approcher pour le soigner sans l’avoir assommé au préalable. Il faut dire que si la bête est déjà ronchon en temps normal et refuse d’obéir à qui que ce soit sinon feu Albert et moi-même, il est impensable de croire qu’il est capable de se contenir avec cette horrible blessure infectée et la fièvre qu’il commence à développer.

Pourtant, il me faut le soigner. Sans désinfecter cette blessure, le pansedefer court droit vers une mort certaine, lente et douloureuse.

- Merci beaucoup, dis-je en prenant la potion qu’il me tend. Je suis prête à tout essayer. De toute manière, c’est ça ou le conduire tout droit à la mort et je m’y refuse. Je suis d’accord qu’il commence à se faire vieux, mais il a encore une vingtaine d’années devant lui, tout de même.

Sur ces mots, je m’approche prudemment du dragon qui semble tiraillé entre sa faiblesse et son envie de grogner. J’ai à peine besoin de fléchir les genoux pour le regarder dans les yeux tant sa tête est gigantesque.

- Hey, mon gros, il va falloir que tu nous donnes un coup de main si tu veux aller mieux. Tu vas avaler ça, tu veux ? Il ferme les yeux, comme pour me demander de le laisser tranquille. Je soupire avant de m’y risquer : s’il te plaît ?

Je dois probablement avoir l’air d’une folle à faire la causette à un monstre tel que celui-ci. Mais ça fonctionne : la bête daigne enfin ouvrir la bouche. Je jette un coup d’œil par-dessus mon épaule après lui avoir administré la potion sur un Fabian qui attend et lui lance un sourire victorieux.

- C’est bien, tu vas t’en sortir, je murmure au dragon avant de me relever et m’adresser à nouveau au médicomage : Combien de temps pour que ça fasse effet, tu penses ? Tu veux boire quelque chose ? J’ai une bouteille d’hydromel par là-bas. Ou du café. Ou on peut mélanger les deux, si tu veux.

Fabian regarde Emma s'occuper du dragon assez impressionné il doit dire. Si il n'est pas forcément mauvais avec les créatures magiques, il est loin d'avoir l'expertise de la brune dans ce domaine, préférant la confection de potions, à l'art dangereux des soins aux créatures magiques. Il aurait de toute façon été bien difficile d'éloigner Fabian de ses plantes et mélanges. Pour un médicomage, il a d'ailleurs un goût stupéfiant pour la mandragore, qui pourrait lui poser des problème si le ministère avait vent de ses petites créations. Car Fabian ne se contente pas de fumer des joints, il expérimente et réinvente. Par chance, le ministère a d'autres chat à fouetter, des chats qu'il ne fouette pas vraiment d'ailleurs du point de vue du médicomage. Fabian a vraiment l'impression d'être constamment en révolution contre le ministère, mais ils ne font pas grand chose pour apaiser ceux qui luttent activement contre les mangemorts. Alastor n'apprécierait pas, mais le bureau des Aurors a finalement les mains bien liées, malgré le zèle de Crouch. Beaucoup de bruit pour peu d'action.

Fabian est cependant distrait de ses pensées anti-ministère par Emma qui lui arrache un sourire tendre lorsqu'il la voit prendre soin de sa grosse bête. La scène est adorable, et le Gryffondor ne peut que le remarquer, malgré la dangerosité de la manœuvre. Lorsqu'elle redescend, c'est un café qu'elle lui propose et il opine du chef. « Un café c'est très bien aussi, je travaille de nuit ce soir, et même si l'ironie veut qu'on me refile les mangemorts du coin, mieux vaut rester alerte. » Il plaisante, bien que la situation l'agace fortement en réalité. Il sait qu'il devrait compartimenter, mais l'hypocrisie de ce qui se passe dans le monde magique, le met hors de lui. « Juste au cas où l'un d'eux essaierait de me crever les deux yeux avec ma propre baguette. » On ne sait jamais avec eux. « Ce qui pourrait tout à fait arriver. »

La douceur est primordiale avec des monstres géants tels que les dragons, et celui-ci va particulièrement mal. De quoi suffire à m’attendrir malgré que le pansedefer continue d’en imposer, avec sa tête presque aussi grande que mon corps tout entier et sa manière de grogner qui laisserait penser à n’importe qui qu’il va cracher du feu d’un instant à l’autre. Je prends donc tout mon temps avec la bête avant de reporter mon attention sur Prewett qui m’explique les raisons pour lesquelles il refuse ma proposition d’alcool, raison valable qui m’arrache pourtant une grimace de dégoût.

- Rien que pour ça, j’annonce en lançant un coup de baguette vers les tasses et le café, je serais incapable d’exercer ton métier et je t'admire d'y arriver. Ils seraient encore bien capables de me refiler mon crétin de père. Tu l’as probablement déjà eu, d’ailleurs.

Je lui tends son café et m’en fait un également, auquel j’ajoute une dose considérable de pur feu. La simple évocation de l’existence d’Andrew Jenkins me fait frissonner.

- Son nouveau délire, c’est d’essayer de m’entraîner à leurs meetings pour - guillemets sarcastiques - « nous rapprocher ». Je ricane, dégoûtée. Du coup, je me disais… Si vous avez besoin d’une soigneuse de dragons dans l’ordre, il se pourrait que je finisse par en être. Simple esprit de contradiction.

Fabian ricane, les dragons sont sans doute beaucoup moins cons que les sorciers, et peut être qu'il aurait dû bosser davantage en soin aux créatures magiques, mais ce n'est pas le moment de refaire son parcours éducatif. Il avale donc une gorgée de café et sourit à son amie. Lorsqu'il repose sa tasse sur le buffet, il réplique en parlant des mangemorts. « Si tu crois que je les compte... » Fabian hausse une épaule. « Tout ce que je sais, c'est que je les ai vu presque tous, je pourrais faire une bonne liste. Certains ont plus de culot que d'autres, et on les voit beaucoup plus souvent. » Absolument hallucinant que son chef de service ne s'étonne pas de voir Antonin Dolohov déambuler à Ste Mangouste aussi souvent d'ailleurs. N'importe qui d'autre aurait eu des suspicions. Du moins Fab aime le penser en tout cas. La réalité est parfois pire encore. « Comment se passent les choses avec ton père d'ailleurs ? » Même si Fabian, n'aime pas tellement prendre des pincettes en parlant de Mangemorts potentiels, il le fait pour Emma, pour qui il a beaucoup d'affection. On ne choisit pas vraiment sa famille, et il est pas si mal placé que cela pour le savoir. Les sang-pur comme lui, traîtres ou pas, sont tous par exemple lié à la très nobles et raciste maison des Black. Pas de quoi se vanter, franchement. « Dire qu'on pourrait penser que les mangemorts sont plus prudents que nous à boire comme des trous au chaudron baveur. Ton père doit bien savoir que tu traines beaucoup trop avec nous non ? »

Ce café est bien trop chargé en whisky, Emma en prend conscience lorsque Fabian lui demande comment ça se passe avec son père et qu’elle s’empresse d’en boire une longue gorgée qui la fait tousser légèrement. Elle voudrait pouvoir dire à son ami qu’elle le déteste, qu’il la répugne autant qu’elle s’efforce de le faire paraître. Pourtant, s’il s’y prend très mal pour l’amadouer, Andrew Jenkins fait malgré tout des efforts pour arranger les choses avec sa fille, ce qui lui vaut de rester mitigé à son égard. Elle hausse cependant les épaules dans une moue embarrassée :

- Il en a eu vent, oui. Il marche au chantage, du coup.

La brune termine son whisky caféiné d’une traite et s’en sert un autre d’un coup de baguette, légèrement moins chargé cette fois.

- Je crois qu’il essaie de nous rapprocher et qu’il pense vraiment bien faire. Ça reste un con qui pense que me faire entrer chez les Mangemorts règlera tous nos problèmes, il n’a juste pas conscience qu'il essaie de régler le problème avec le problème. Dans un nouveau haussement d’épaule ponctué d’un soupir blasé, elle termine : Bref, soit je vais assister à un de leurs meetings, soit il s’en prend à vous pour m’y envoyer de force, il ne l’a pas dit comme ça mais l’insinuation était claire. Je suppose qu’il va falloir que je m’apprête à passer une superbe petite soirée en compagnie de psychopathes.

Que de plans sympathiques, donc...

Fab a du mal à comprendre le problème d'Emma, principalement parce que c'est sa famille éloignée qui est alliée aux mangemorts, et pas des gens proches. Peut être que si Gideon avait rejoint le camp adverse, alors les choses auraient été plus compliquées pour lui. C'est difficile de raisonner lorsqu'on aime, mais il veut bien admettre que la situation d'Emma soit un peu particulière, et qu'elle nécessite qu'on prenne quelques pincettes supplémentaires. La plupart des mangemorts renie tout simplement leur famille lorsque celle-ci refuse d'épouser leur idéologie, Fabian n'avait pas encore croisé de mangemort qui se soit fait un point d'honneur à jouer du chantage pour forcer quelqu'un à assister à leurs meetings cela dit. Le père d'Emma doit sans doute faire preuve d'une immense désillusion. Une désillusion qui pourrait lui coûter cher si l'un des leurs l'apprenaient. Les sang-mêlés sont tolérés sous certaines conditions, mais un Sang mêlé avec une fille proche de la bande de Dumbledore, Fabian doute que cela soit très bien vu. « Emma, tu sais, qu'il s'en prenne à nous c'est un faux problème tu ne crois pas ? Dolohov n'a pas réussi à nous rayer de la surface de la terre, je doute sincèrement que ton père s'y risque. Je pense que c'est juste très difficile de laisser tomber sa famille, même si on ne partage pas ses idéaux, mais t'infliger ça... Je doute que ça lui ouvre les yeux, et ce serait bien pour lui. On sait tous ce qu'ils pensent des sang-mêlés, ton père n'est que de la chair canon pour eux. » Il hausse les épaules et bois une gorgée de café. Ce n'est pas un sujet facile, et il n'y a pas vraiment de bonne solution. S'opposer à sa famille et à Voldemort a toujours des répercussions, certains membres de l'ordre en affrontent les conséquences tous les jours.

Fabian n’a pas tort et Emma le sait. Le problème, cependant, n’est pas tant dans les menaces de son père que dans celles qui pèsent de base sur l’Ordre du Phénix, ses partisans et autres sympathisants. La dragonnière aimerait surtout éviter – à elle et à ses amis - la dose d’ennuis supplémentaire que pourrait aisément leur apporter son boulet de géniteur. Car si Andrew Jenkins a renié l’entièreté des moldus de sa famille, mère comprise, il ne reste pas moins dans le fin fond de l’échelle de la hiérarchie des mangemorts. Personne ne se bougera pour lui comme il s’est bougé pour ces monstres, et Emma n’est pas certaine qu’il s’en rende compte, bercé depuis bien trop longtemps par les jolies paroles qui lui ont fait miroiter monts et merveilles dès les tréfonds de l’adolescence. Jenkins a toujours été un suiveur et la brune éprouve un semblant de pitié pour son père malgré tout, pitié qui la tiraille entre l’envie de tout lâcher et celle de lui faire entendre raison.

- Mon père est un crétin, finit-elle par cracher, café aux lèvres. Il n’a jamais eu l’étoffe d’un leader et je crois qu’il est assez endoctriné pour croire qu’il a de l’importance à leurs yeux, tu sais. La question n’est pas tant de protéger qui que ce soit. Je sais que vous ne courez pas un grand danger avec lui, c’est un excellent duelliste mais il n’a personne derrière lui. Simplement, si je veux garder un semblant d’espoir de lui faire comprendre qu’il ne sert que de potentiel sacrifice humain, il va falloir que je tente de me le garder en poche.

Et ce n’est pas chose aisée, quand on s’appelle Andrew Jenkins et qu’on est têtu comme une mule. Emma laisse échapper un long soupir plein de désespoir, puis un rire nerveux, sarcastique.

- Je le déteste et j’ai quand même encore envie de lui sauver les miches. What’s wrong with me, uh ?