Il a les piques grinçantes, le jeune adolescent d’à peine treize ans face aux moqueries de la sœur aînée qui fanfaronne de ses prouesses scolaires. Des deux il a toujours été le plus calme et prompt à demeurer le nez dans les livres divers et variés, ce qui ne plait pas forcément à la plus âgée de la fratrie qui souhaite rester la seule et unique aux yeux du paternel, n’approuvant que peu la venue au monde de cet intrus qui l’insupporte. Bien que Jamie ignore pourquoi sa sœur n’a jamais été réellement proche de lui, il sait qu’il doit se méfier de la chevelure d’ébène et plus particulièrement de l’eau qui dort, d’autant plus depuis qu’ elle a su profiter de son tout nouvel attrait pour les vols en balai et le Quidditch afin de redorer davantage son blason. La maligne regorge de tout un tas de moyens qui ont su faire de Jamie une
fierté des plus inintéressantes car jugée encore trop bonne pour le Destin vers lequel on le voue. Fierté qui n’est rien comparé à la petite favorite de la famille toute entière, et ce n’est pourtant pas faute au cadet d’avoir une répartie digne de la hauteur d’esprit du sang Nott circulant dans ses veines. Preuve en est des mots lancés en ce jour à l’encontre de celle qui se prend pour une surdouée sur tous les fronts. Véritable peste qui n’a que le dénigrement aux lèvres et l’égocentrisme aussi gros que son chapeau d’imitation boule à facettes. Car elle attaque, la vipère, constamment, cherche à s’immiscer dans la faille pour mieux tenter de le faire exploser sans y parvenir. Jamie, lui, n’use que de palabres acerbes et de coups d’œil des plus détachés malgré la colère qui se met à gronder lorsqu’elle ose attraper le balai de ses mains pour le lui arracher. La réaction est instinctive, presque immédiate, et si la baguette est pointée en direction de la sorcière, elle n’est pas encore utilisée. Elle ne le sera pas. «
Rends-le moi. Tout de suite. ». Il n’a pas envie de rire, surtout pas lorsque cela concerne son balai. L’autre se remet à fanfaronner en le toisant d’un regard mesquin, il n’a jamais compris pourquoi elle semble se sentir menacée depuis qu’il a enfin rejoint les rangs de Poudlard. Lui qui ne fait rien pour paraître exceptionnel aux yeux de leurs parents, lui qui préfère de loin avancer comme il l’entend. Revendications muettes qu’il ne fait à personne car enclin à obéir inconsciemment d’une certaine manière, préférant de loin la neutralité aux choix mangemorts exacerbés. «
Sinon quoi, Jamie ? Tu vas aller te plaindre à Père ? Tu oserais le déranger pour ces enfantillages ? J’ai toujours ce que je veux et tu le sais très bien. ». Elle le sous-estime, son frère, très clairement. Sans doute est-ce pour cette raison qu’il finit par lui sourire d’un air mauvais et narquois. «
C’est ce que tu aimerais que je fasse mais que je n’ai jamais fait. Si tu étais aussi douée que tu le prétends, surement mettrais-tu en pratique le proverbe suivant : il faut toujours se méfier de l’eau qui dort. ». Sans crier gare, la baguette qu’il avait fini par abaisser temporairement se relève, provoquant la surprise chez l’aînée qui ne pensait pas son frère capable de l’utiliser sur elle. C’est d’un vol plané qu’elle s’effondre au sol, lâchant le balai qui est récupéré au passage pendant que le bruit des pas du brun résonne jusqu’à elle. «
Quel dommage qu’un adolescent de treize ans ait à te le dire… ». Elle rumine, l’odieuse, pendant que le plus jeune rebrousse chemin en direction de l’intérieur du manoir et sous l’œil inquisiteur du paternel qui ne dit rien mais dans lequel on peut lire toute la déception de ce dernier à l’encontre de la plus âgée. Ses enfants ont toujours été plus ou moins en guerre.
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La chaleur de l’été a laissé sa place à la douceur du printemps, temps qui passe à une vitesse démesurée lorsque l’on est élève à Poudlard et que les jours se suivent sans se ressembler. Il n’y en a pas un seul similaire au précédent, pas lorsque les cours se font prenant, que les filles se pâment devant les corps qui changent et la popularité qui grimpe en flèche quand elle n’est pour ainsi dire même pas demandée. Enfant de l’ombre, il pourrait s’y complaire à jamais mais ce qu’il aime par-dessus tout c’est se retrouver dans les airs et se battre corps et âme pour les serpents. En dehors d’un match, Jamie est le plus calme de tous, presque invisible. Bien sûr, il sait faire l’idiot comme tout adolescent de son âge et il n’en a que quatorze, mais qui Merlin serait suffisamment fou pour laisser son meilleur ami se mettre dans de beaux draps sans rien faire ? Diantre que leurs ennuis seraient immenses s’il ne parvenait pas à calmer les ardeurs de Luke et s’il ne se montrait pas a minima sévère en cas de besoin avec lui.
Mais Luke n’est pas là, aujourd’hui, en ce jour chaud du mois de juillet. Il n’est pas avec lui pour le préserver et le sortir à son tour du pétrin. Seules les familles savent ce qu’il se passe durant les vacances d’été, même les hiboux ne sont parfois pas assez rapides pour envoyer les lettres respectives de deux amis qui s’apprécient.
L’eau s’immisce dans ses poumons, ne faisant qu’accentuer la panique déjà bien présente dans son organisme, seul mécanisme de défense capable de s’enclencher alors qu’il sent sur lui la pression invisible qui l’empêche de remonter à la surface. Il ne devait s’agir que d’une baignade inoffensive, de celle qu’il a déjà faite à maintes reprises, rituel devenu pour ainsi dire sacré quand ils se rendaient au moins une fois par an en famille au bord de cet étang rafraîchissant. Les fins rayons du soleil traversent l’eau claire mais Jamie a beau faire tout ce qu’il peut pour en sortir il n’y parvient pas, sent son rythme cardiaque qui battait à tout rompre au creux de sa poitrine se mettre à ralentir pendant qu’il suffoque. Pendant qu’il se noie de la plus horrible des manières, agressé subitement par une fraîcheur glaciale jusqu’à ce que tout devienne complètement noir.
Sa gorge le brûle tout comme l’intérieur de ses poumons à l’instant où il crache l’eau coincée dans un gargouillis des plus ignoble, se tournant instinctivement de profil. Il tousse à s’en arracher le cœur et exploser les vaisseaux de ses rétines. Allongé à même le sol vert, l’adolescent frissonne et tremble pendant de longues secondes, en proie à l’angoisse qui le reprend. «
Ca va aller, c’est terminé. » que rabâche sa mère en attrapant son visage entre ses mains, juste avant qu’une nouvelle échappée d’eau ne quitte ses lèvres pour s’affaler une nouvelle fois dans le sol. A deux pas de là, le père observe, une lueur inquiète dans les prunelles mais pas suffisamment discrète pour que Jamie n’aperçoive pas ce qu’il regarde en réalité. Ce que le Nott semble analyser du regard n’est autre que la silhouette de sa sœur aînée, adossée un peu plus loin contre un arbre et qui fait semblant d’avoir pleuré à chaudes larmes. Il n’en faut pas plus au cadet pour savoir et pour comprendre que la guerre serait à jamais déclarée entre eux deux, et qu’elle n’aurait jamais aucune pitié.