[flash-back] wicked games ϟ dalian

wicked games ϟ Bring your love, baby, I could bring my shame, bring the drugs, baby, I could bring my pain I got my heart right here, I got my scars right here. bring the cups, baby, I could bring the drank bring your body, baby, I could bring you fame and that's my words, too just let me motherfucking love you

“ Are we still on for butterbeer at the three broomsticks later? ” Le dortoir est presque vide, Sonia est occupée à se maquiller, essayant plusieurs teintes de rouge à lèvres en se retournant ponctuellement vers Dalia pour prendre son avis, celle-ci hoche la tête devant les teintes les plus foncées et la secoue devant les plus clair d’un air connaisseur quand bien même il est encore très rare pour elle de se maquiller. Peut-être parce qu’elle n’a pas le nombre considérable de palettes que possèdent certaines de ses camarades. Peut-être par désintérêt aussi. C’est différent aujourd’hui, comme souvent lors des sorties à Pré-au-Lard, elle utilise les quelques fards et l’unique crayon qu’elle a et s’amuse un peu devant son propre miroir. “ ’Course, when do you think you’ll be finished with your date? — Eric said he had to meet with his sister to get his mum's birthday present, so maybe around five? That'd leave us about an hour before we have to head back. ” Dalia hoche la tête en reposant son miroir sur son lit sur lequel elle se rallonge un peu brièvement. Elle se demande ce que ça fait d'avoir un rendez-vous galant, un date, de s'en voir proposer et d'être libre d'accepter. Sonia est sa meilleure amie depuis la première année, elles partagent beaucoup mais est encore des choses qu'elles ne peuvent pas tout à fait saisir l'une de l'autre, juste à cause d'un statut sanguin différent. Elle trouve ça un peu idiot. “ How do I look? ” Dalia fait mine de prendre son temps pour bien étudier sa silhouette mise en valeur dans sa jolie robe et sa cape doublée de mouton et son maquilla aussi parfait que d'habitude avant de sourire. “ Lovely as always. ” Sonia a l'air satisfaite d'elle-même et récupère son sac le temps que Dalia daigne se lever de son lit en arrangeant un peu les pans de sa robe sur ses cuisses.  “ Not too bad either Fawley. ” susurre-t-elle avec un sourire avant de soudain plisser des yeux. “ Meeting anyone special? ” Elle n'attend pas sa réponse pour lui envoyer un tube de rouge à lèvres que Dalia attrape de justesse. “ Here! You'll look banging. — I'm not meeting anyone other than Kira. ” Non pas que leur amie mutuelle ne soit pas spéciale, mais elle sait que ce n'est pas exactement ce que l'autre Serdaigle entendait. Si elle a une petite moue déçue, elle n'en dit rien.

Elles font le chemin de leur tour jusqu'aux grandes portes du château ensemble, se séparant pour que Sonia puisse retrouver son date sous le regard amusé de Dalia, celle-ci rejoignant leur amie qui lui attrape aussitôt le bras pour qu'elles se mettent en route jusqu'au village. Elles sont encore dans le parc quand un gamin de première année les approche, Dalia manquant de ne pas s'arrêter, s'imaginant mal que c'est elle qu'il vienne voir. “ Sorry little dude we can't take first years with us-, commence Kira, can you believe each year there's always one-  — A-are you Dalia Fawley?  ” Elle fronce les sourcils échange un regard confus avec son amie avant de hocher la tête. Il sort un morceau de parchemin plié en quatre de sa poche et le lui tend timidement, les doigts un peu tremblant. Elle se demande bien qui peut le lui avoir envoyé et ce qu'on a promis au gamin pour le faire s'exécuter. Elle attrape la note et le laisse filer sans demander son reste, regardant le papier toujours plié entre ses doigts, sentant le regard curieux de Kira sur elle. “ So? Open it! ” Elle s'exécute les sourcils un peu froncer, découvrant les deux lignes à peine, rédigées visiblement à la va-vite, déchiffrant la signature avec un air mi-confus mi-consterné. Kira a la décence de ne pas lire par dessus son épaule, mais c'est à peu près toute la retenue dont elle fait preuve.  “ So? What does it say? Who is it from? ” Dalia replie la note et relève les yeux vers son ami en la fourrant dans sa poche. “ Evan. ” fait-elle presque un peu incrédule. Il doit s'ennuyer à mourir pour vouloir gâcher son après-midi à Pré-au-Lard avec elle. Ou peut-être que c'est un pari avec ses amis, ou… “ What does he want? He wants to see you…? ” Kira a l'air presque aussi mitigée et méfiante qu'elle, quoiqu'un peu plus excitée. Elle n'aime pas Evan, mais elle aime l'idée que Dalia finisse heureuse en ménage. “ Yeah, whatever. ” Elle attrape le bras de son amie et esquisse un mouvement pour reprendre leur marche mais celle-ci résiste. “ You’re not going? ” Elle hausse les épaules. Elle ne sait pas si elle en a envie, même si elle pense que sa mère apprécierait, comme elle salue tous ses efforts pour apprendre à connaître son fiancé. Seulement, elle se méfie un peu de sa proposition et puis, ça vient à la dernière minute et elle a déjà des plans. “ You’re literally date-ready. ” Kira tend un doigt vers ses lèvres teintées de carmin, les touche presque. Dalia roule des yeux.  “ Are you just trying to get rid of me? —  Ugh, you’re the worst I’m literally trying to make your romantic fantasies come true, sacrificing our amazing afternoon together… ” Dalia finit par rire et la repousser un peu. “ When and where? — He said to meet him by the post office in like… ” elle jette un coup d'œil à sa montre dont le bracelet de cuir est un peu usé, twenty minutes. ” Une moue déforme un peu les lèvres de Kira avant qu'elle ne finisse par sourire et lui attraper le bras pour la traîner à sa suite. “ No time to waste then if we want to at least visit Honeydukes real quick. ”

Dalia a encore le goût de sa suçacide dans la bouche quand elle arrive devant le poste sorcière, Kira plaquant une bise sur ses joues avant de filer quand elles repèrent Evan les mains dans les poches.  “ Have fun. ” La voix de son amie est presque moqueuse et la Serdaigle roule un peu des yeux en lui faisant un signe de la main, retenant de justesse le doigt qu'elle voudrait mettre en valeur avant de se retourner vers son fiancé.  “ Hi. ” Elle fronce presque aussitôt le nez en se rappelant son manque d'éloquence similaire lors de leur première rencontre officielle. “ That was pretty last minute. ” Ça ressemble à un reproche, mais Dalia n'est pas certaine que c'en soit un. Elle ne sait pas trop. Elle ne sait jamais trop avec lui. “ Almost missed your messenger too. ”

OH I WILL BE CRUEL TO YOU Ϟ It will stop your breath, how cruel I can be. But you understand, don’t you? You are clever enough. I am a demanding creature. I am selfish and cruel and extremely unreasonable. But I am your servant. When you starve I will feed you; when you are sick I will tend you. I crawl at your feet; for before your love, your kisses, I am debased. For you alone I will be weak.

C'est parce qu'il s'ennuie, ou alors c'est parce que le plomb que sa mère essaie de lui faire rentrer dans la tête depuis des années fait enfin effet. Mais c'est surtout parce qu'il s'ennuie. Parce qu'à Pré-au-Lard, il n'y a rien à faire, la bièreaubeurre n'est pas assez forte et amère et la plupart des boutiques ne le laisse plus entrer depuis sa quatrième année environ, ils savent que quand Evan ne fait pas une esclandre pour une raison aléatoire, il continue ses petits jeux sur ses camarades et ça a tendance à déraper rapidement. Il s'ennuie et puis quand il l'a vue cette année, Dalia, sa fiancée depuis longtemps, sa future femme, il a remarqué qu'elle avait changé. Il ne lui a jamais adressé un second regard (ne l'aurait jamais fait, même après le mariage; femme reléguée au second plan, oubliée, mise de côté, trompée et entretenue plus par obligation qu'autre chose) jusqu'à capter le rouge de ses lèvres, les formes de son corps qui ont changé.

Evan a demandé au premier première année qu'il a trouvé dans la salle commune d'aller la chercher — “ You know who she is? — N-no? — Blackest hair you'll see, red lips, from Ravenclaw. Find her. ” — et le gamin n'a même pas pensé à lui demander une récompense (sans doute sait-il que la récompense implicite est qu'Evan ne se soit pas mis à lui botter le cul quand il a tardé à se détourner pour aller courir chercher son date). Le parchemin a été écrit sur le bout de sa table de chevet: I want to see you. Let's spend the day together. Meet me in front of the post office at half-past. Evan Rosier. avant qu'il n'enfile quelques vêtements chauds et se dirige naturellement vers les portes du château, ne doutant pas une seule seconde qu'elle accepte. La lettre ne lui laisse pas grand choix et de toutes façons, elle voudra lui faire plaisir. Si ils sont promis l'un à l'autre, c'est surtout pour le bénéfice des Fawley; leurs deux familles le savent. Il serait malvenu de le contrarier.

Il aimerait avoir quelque chose de chaud dans les mains mais l'échoppe — ordinairement sur le Chemin de Traverse — qu'il aime bien et qui vend du bon café et du vin chaud à emporter n'a pas encore ouvert. Il déteste cette école, il préférerait vivre seul et pouvoir aller sur le Chemin de Traverse quand il veut, faire ce qu'il veut quand il veut. Bientôt, dans un an, il en aura fini avec tout ça. Il prendra la Marque et il sera son propre homme. Il a hâte.

Deux silhouettes s'approchent et les yeux d'Evan volent vers elle; c'est Dalia, accompagnée d'une amie lui semble-t-il — non pas qu'il la reconnaisse, mais vu la familiarité avec laquelle elle lui embrasse les joues avant de la laisser, il espère au moins qu'elles sont proches. “ Hi. ” Elle est jolie, Dalia, elle a mis du rouge à lèvres une fois encore et elle porte une jolie robe sous sa cape de sorcier dont il peut voir le trait sur ses cuisse. “ Hey. ” Il se demande si elle a demandé à toutes ses amies de lui prêter du maquillage quand elle a reçu sa lettre, si elle a fait ça pour lui, pour lui plaire. “ That was pretty last minute. ” Peut-être pas. Evan ne répond pas, hoche simplement une épaule, n'a pas l'air gêné pour un sou. L'important est qu'elle est là et, remarque-t-il avec satisfaction, au moins n'est-elle pas en retard. “ Almost missed your messenger too. ” À ça, un petit sourire en coin apparaît sur ses lèvres, si vivace qu'on dirait un mirage. “ But you made it, ” répond-t-il simplement.  “ Good. I think it's about time we get to know each other. ” Il pense, ne lui demandant pas son avis. Ça pourrait être intéressant pourtant, il pense. “ I know a place. They serve proper alcohol to students sometimes. ” Il se met à marcher sans l'attendre.

Ils font quelques pas, le gravier crissant sous leurs semelles. “ So. ” Il se creuse la tête pour poser une question, dire quelque chose qui pourrait l'intéresser lui et elle, avant de se rendre compte que ça n'a aucune importance, au fond, de se connaître quand on est mariés. Pas dans leurs cercles en tous cas. Ce qui compte, c'est l'obéissance de la femme, et leurs sangs purs. Rien d'autre. Un petit silence s'étire. “ Am I keeping you from your friends? ” demande-t-il, en lui jetant un regard en biais, peut-être pas la question la plus intéressante de tous les temps mais il aimerait en savoir plus sur son entourage, pour les comprendre, elle et son environnement, et pouvoir mieux les utiliser.

Dalia songe que ce doit être la première fois qu’Evan la regarde, la regarde vraiment, outre peut-être un court instant quand sa mère à lui les a présentés pendant leurs fiançailles — mais son regard était alors plus moqueur qu’autre chose. Il n’est pas moqueur aujourd’hui, même si elle ne saurait pas dire ce qu’il est non plus. Il ne s’empresse pas d’expliquer son envie subite de la voir quand ils ont jusque-là tous les deux très bien su vivre l’un sans l’autre. Il n’a pas l’air désolé non plus de l’avoir invitée à la dernière minute, a l’air même de s’en ficher complètement, de trouver ça normal. Sûrement qu’il s’imagine naturel que sa fiancée abandonne tout plan pour le voir. Un petit sourire agite ses lèvres, intriguant parce que si fugace, mais Dalia songe qu’elle aurait presque voulu rater son message et continuer sa journée comme prévu.  “ But you made it,” Sauf qu’elle ne l’a pas ratée, non, et que Kira était là et l’a poussée à venir et puis, elle sait que c’est ce que sa mère voudrait qu’elle fasse.  “ Good. I think it's about time we get to know each other. ” Il y a quelque chose dans sa voix et son ton et qui lui fait penser qu’il ne doit pas avoir l’habitude qu’on lui dise non, que ce qu’il pense, ce qu’il veuille, soit toujours respecté, que ses désirs ne soient pas les ordres d’un ou d’une autre. Elle se demande s’il l’aurait véritablement mal pris qu’elle ne vienne pas, il semblait l’attendre après tout, comme sûr qu’elle viendrait sans pourtant avoir reçu de réponse à sa note. Cela doit être agréable d’être toujours si sûr de soi. Elle aimerait qu’il sache qu’elle a failli ne pas venir. “ I know a place. They serve proper alcohol to students sometimes. ” Il ne l’attend même pas pour se mettre à marcher, Dalia fronce un peu les sourcils elle a tout juste dix-sept ans, mais ça lui semble encore étrange de boire en plein jour à Pré-au-Lard — même si elle l’a déjà fait, comme presque tout le monde — quand parfois les professeurs aussi profitent des sorties officielles pour visiter Pré-au-Lard, ce qu'elle ne comprend d'ailleurs pas, vu qu'à leur place, pourvue de leur liberté (et leurs permis de transplanage), elle en profiterait plutôt pour aller voir ailleurs. Elle se met en marche avec un petit temps de retard, le rattrape prestement ceci dit, essaye de deviner où il les emmène. Elle essaye aussi de comprendre ce que c’est que ça, eux, ce rendez-vous qui n’en est pas vraiment un, pas comme celui de Sonia avec Eric en tous cas. Elle sait qu'il n'a pas tort au fond, qu'il faut qu'ils apprennent à se connaître, mais ils auront toute une vie pour le faire quand ils seront mariés. Il doit s'ennuyer, décide-t-elle.

“ So. ” Elle tourne un peu le visage vers lui, s'attendant à tout et à rien de sa part ; elle ne le connaît pas. Il ne dit rien cependant, ne finit pas ce qui ressemblait à un début de phrase, peut-être qu'ils n'ont rien à se dire. Elle devrait faire un effort pour rompre le silence qui s'installe pernicieusement mais elle non plus ne saurait pas véritablement comment. Elle ne le connaît pas, mais elle le connaît un peu quand même. Comme tout le monde à Poudlard, elle le connaît dans la mesure où il est connu, sa réputation le précède et pas en bien. Pas aux yeux de Dalia en tous cas, même s'il ne lui a jamais rien fait à elle. “ Am I keeping you from your friends? ” Elle croise le petit regard qu'il lui jette en biais, se demande s c'est la première chose qui lui est passé par la tête ou si ça l'intéresse véritablement — elle doute que quoique ce soit l'intéresse lui chez elle ceci dit. Well duh, a-t-elle en vie de répondre et le ferait certainement si ça n'était pas lui. Elle est un peu vexée, réalise-t-elle, qu'il s'imagine qu'elle laisserait tout en plan pour venir le rejoindre. Pourtant ce serait probablement normal aux yeux de leur monde, de leur cercle à eux — ou celui de ses parents, pour ce qui concerne Dalia. Peut-être que ça devrait être le cas, mais ce n'est pas vrai pour elle. “ Well…yeah… ” fait-elle, progrès extrêmement infime par rapport à sa pensée initiale. Pense-t-il qu'elle n'a pas d'amis ? Qu'elle n'avait pas autre chose à faire ? Quelque chose de probablement mieux d'ailleurs. “ Though, ” elle est toujours un peu persuadée que Kira avait une raison cachée de changer leur plan initial. Elle s'est bien trop empressée de la pousser dans les bras de Rosier à son goût. “ She almost made me come. ” Elle ne devrait probablement pas lui dire ça, mais elle s'en fiche. Ils ne se connaissent pas, il veut apprendre à la connaître, autant qu'elle ne commence pas par un mensonge. Elle se demande si ça le déçoit, s'il aurait voulu qu'elle lui dise qu'elle mourrait d'envie de recevoir une note de sa part depuis l'année dernière et qu'elle a sauté de joie et couru pour le rejoindre. Elle espère qu'il se doute que ce n'est pas son genre. “ How about you? No one else was free for a drink? ” sa voix n'est pas vexée, juste détachée presque indifférente parce qu'elle pense savoir que ce doit être vrai.

Evan n'a jamais eu besoin avant de faire semblant de s'intéresser a quelqu'un. Il a toujours dit à qui voulait l'entendre qu'il s'en fichait, quoiqu'il arrive, et il ne s'est jamais gêné pour le dire; il y a une franchise incroyable qui découle du sang de sa mère, ils sont tous les deux brutaux et immédiats dans leurs sincérité, peu désireux de passer pour ce qu'ils ne sont pas. Evan ne s'embarrasser pas non plus des politesses du beau monde; c'est un effort incroyable qu'il fait en cet instant précis, il espère que Dalia le comprend te le remarque, parce que ça n'arrivera peut-être pas de si tôt. Ils vont bien devoir apprendre à sa connaître quoiqu'il en soit — ils ont toute une vie à passer ensemble après tout, des enfants à avoir, un mariage à entretenir. Et puis, Evan doit avouer qu'il est curieux de Dalia, au-delà du fait que la pauvreté de sa famille le laisse un peu dubitatif voire carrément méprisant du cadre duquel elle vient. Il se demande bien ce que les Fawley peuvent avoir proposer à son père pour accepter cette union. Mais au fond, Fawley ou non, Evan n'a pas envie de se marier et Dalia ne changera pas ça; il fait juste ça par obligation, ça ne change pas grand-chose à ses yeux. Elle reste une épine dans son pied de laquelle il aimerait se débarrasser facilement, idéalement en la forçant à faire quelque chose qui insurgerait son père au point de briser leur future union.

“ Well…yeah… ” Aucune culpabilité sur son visage, il a cru comprendre que Dalia avait beaucoup d'amis de ce qu'il a pu voir, qu'elle était populaire et avait sa réputation. Il ne s'est jamais intéressé au Quidditch (rien que le fait de regarder quelqu'un s'envoler sur un balai lui donne mal au ventre et transforme son sang en glace dans ses veines) mais il sait qu'elle en a fait pendant quelques années, tant mieux pour elle. Il ne connait pas grand-chose d'autre de son caractère, il a croisé son frère à plusieurs reprises (repas de famille obligent, et aussi parce qu'Evan pense qu'Abel voulait s'assurer de qui lui était, il a l'air du genre protecteur) mais ils ne se sont pas particulièrement entendus, il faut dire que la chose est difficile avec Evan.

“ Though. ” Il lui jette un nouveau regard en coin, sans cesser de marcher (on pourrait presque croire qu'il est agacé qu'elle reprenne la parole même si elle a déjà répondu à sa question, et qu'il n'en a pas posé de nouvelle). “ She almost made me come. ” Il comprend qu'elle parle de la fille qui l'a accompagnée jusqu'à lui. S'est-elle sentie forcée? Evan doit admettre qu'il est vexé et énervé et stupidement déçu qu'elle n'ait pas voulu le voir, même si il comprend bien son raisonnement. Il ne répond pas, détourne les yeux, un léger froncement de sourcils venant accentuer son visage pointu. Il se doute qu'elle n'a pas sauté de joie et qu'elle a dû effacer certains de ses plans, mais ce n'est pas très poli de la part de Dalia de dire ça (non pas que lui ait jamais été poli avec elle ou avec quiconque). “ How about you? No one else was free for a drink? — Yeah. ” Il a le mérite de ne pas lui mentir. “ I told you I think it's about time we get to know each other. ” Il s'arrête enfin devant l'auberge, la Tête de Sanglier, se tourne vers elle. “ I don't even like Hogsmeade that much anyway. ”

Il ouvre la porte et la tient ouverte pour elle, la laisse entrer en premier. L'endroit est vraiment sale et sombre, Evan n'est jamais venu qu'une paire de fois: une première fois pour rigoler avec Wilkes et Avery, quand ils étaient en première année. Manque de chance, quelqu'un les a reconnu et a informé son père qui a fermement interdit à Evan de revenir. La fois suivante, c'était pour utiliser une chambre à l'étage, et en bonne compagnie. Cette fois, il ne pense pas qu'il va finir sa journée comme ça (surtout avec Dalia), il n'apprécie même pas réellement cet endroit, il veut juste observer la réaction de Dalia qui s'est arrêtée. L'homme au comptoir est en train de nettoyer un verre avec un chiffon qui a l'air plus sale que propre, il y a deux-trois personnes qui se sont retournées en sentant le vent froid d'octobre s'infiltrer dans l'auberge, ils se sont détournés rapidement en les regardant. Ce qui doit être un demi-géant au fond de la pièce (ça fait froncer le nez d'Evan — quel affreux et immonde hybride) en revanche, ne les a pas lâché du regard.

Evan, quant à lui, après avoir rapidement observé la scène, tourne ses yeux sombre sur le profil de Dalia qui n'a toujours pas bougé. “ Got a problem? ” C'est un test, bien entendu, mais il s'exprime de la même voix que d'habitude, indifférente et légèrement distante, comme si la réponse ne faisait aucune différence pour lui au final. “ We can go to the Three Broomsticks if this place is not good enough for you. ”

Dalia se demande si elle l'a vexé, si c'est le cas elle devrait s'en vouloir mais ça l'amuse un peu, après tout elle aussi l'a été qu'il s'attende à ce qu'elle efface tous ses plans pour lui. “ Yeah. ” Et puis il est aussi sincère qu'elle quant au fait qu'elle ait été un choix un peu par défaut, par ennui, parce qu'il n'avait rien de mieux que prévu. Plutôt que de faire la moue sa sincérité a le mérite d'étirer le coin de ses lèvres. Elle a la vague idée que leurs mères détesteraient la teneur de leur interaction jusque-là. Ils ne s'insultent pas, mais ils ont définitivement laissé leurs leçons de politesse de côté.  “ I told you I think it's about time we get to know each other. ” Elle doit physiquement se retenir de rouler des yeux. Il s'arrête enfin, tout aussi brusquement que quand il s'est mis à marcher, Dalia relevant un regard curieux vers lui, puis vers l'auberge devant laquelle ils se sont arrêtés : la Tête de Sanglier. “ I don't even like Hogsmeade that much anyway. ” Elle est sur le point de lui demander pourquoi — n'est-ce pas assez chic pour Rosier ou est-ce que, comme elle, il a l'impression d'en avoir déjà fait le tour ? Elle referme la bouche toutefois quand il ouvre la porte et la tient ouverte pour elle. Ils ont beau eu s'arrêter, elle ne pensait pas véritablement qu'ils avaient atteint leur destination. La Tête de Sanglier est, de loin, le dernier endroit auquel elle songerait pour un date.

Sauf que ce n'est pas un date. Ils sont déjà fiancés et elle ne sait pas trop ce que c'est, mais ce n'est pas un date, juste pour lui un moyen de contrer l'ennui, pour elle de se donner bonne conscience. Elle cille à peine, et rentre la première inclinant légèrement la tête pour le remercier d'une galanterie qu'elle pense de toute façon ironique. Elle retient de justesse sa grimace une fois à l'intérieur ; elle en aurait certainement été incapable si elle n'était pas déjà venue. Le soleil brille encore à l'extérieur malgré le vent automnal mais on pourrait être au milieu d'une tempête de neige que la grande salle de l'auberge n'en serait pas mieux éclairée. Toutefois, elle pense qu'elle préfère encore qu'il fasse sombre et qu'elle ne puisse pas mesurer l'ampleur exacte de la saleté environnante. Elle pense qu'Evan se paye sa tête. Elle peut tout à fait l'imaginer traîner dans un endroit pareil avec sa bande pour comploter des choses pas nettes, ou prendre une chambre et y monter avec une des blondes que l'on voit souvent à son bras, mais l'emmener elle ici c'est une insulte. Elle sait au moins qu'il ne l'a pas emmenée ici par honte d'elle, qu'il le veuille ou non ils sont fiancés, ils se marieront à sa sortie de Poudlard à elle, c'est un fait et ce n'est pas un secret non plus. Elle ne croit pas qu'être vue avec elle soit le problème. Elle pense, ose espérer, qu'il a la décence de ne pas imaginer l'emmener à l'étage non plus.

Elle s'est arrêtée dans l'entrée machinalement, embarrassée par les regards qui se sont tournés vers eux, même s'ils se sont presque aussitôt détournés. Elle sent celui d'Evan sur son profil, se tourne vers lui le visage un peu fermé, attendant presque qu'il éclate de rire. Elle préfèrerait encore qu'il ne s'agisse que d'une blague. “ Got a problem? ” Ses sourcils tressautent: do you? ; il se paye forcément sa tête. Leurs mères les tueraient d'être dans un endroit pareil, la première fois que Dalia y est venue avec des amis c'était juste par envie de goûter à quelque chose d'interdit. Elle n'a pas trop aimé le fait de goûter à de la poussière aussi dans ces verres éternellement sales que sert le barman. “ We can go to the Three Broomsticks if this place is not good enough for you. ” Elle ouvre la bouche immédiatement pour répondre qu'elle s'en fiche, mais elle s'interrompt toute seule et plisse soudainement les yeux. Good enough for you. Elle se demande s'il est ironique. Sa famille n'est pas riche, elle est même pauvre comparée à celle d'Evan et beaucoup d'autres. Est-ce ça qu'il entend en l'emmenant ici ? Dans un endroit sale et mal fréquenté, parce qu'elle ne mérite pas mieux ? Elle n'est pas riche, mais elle n'est pas dépourvue de fierté. Au contraire. “ Are you trying to insult me? ” fait-elle de façon plutôt directe après un court instant, avant de croiser les bras contre sa poitrine. Good enough for you. “ Mind you this is better than that awful tea place, ” dont beaucoup de filles raffolent et qu'elle déteste et trouve d'un manque de goût absolu, “ but… ” Elle hait qu'on la regarde comme si elle valait moins que les autres. Ses parents parce que c'est une fille, les riches parce qu'elle ne l'est pas, les blancs parce qu'elle ne l'est pas non plus. Evan aime les blonde, elle imagine qu'il doit penser comme sa mère que ses traits et sa peau sont exotiques tout au mieux, une tare peut-être même. Elle s'interrompt elle-même de nouveau, agite la main l'air de dire que ça n'a pas d'importance et s'avance vers le bar. “ Where's Abelforth? ” demande-t-elle au sorcier qu'elle ne reconnaît pas qui nettoie avec un ennui absolu un verre que tous les chiffons du monde — et encore moins celui incrusté de graisse qu'il utilise — ne sauraient rendre propre. Le gérant, lui, a toujours su (les deux fois où elle est venu) lui donner un des verres à peu près acceptables, quoique jamais au standard d'hygiène du pays.

Dalia semble prête à répondre à chaud mais, au grand désespoir d'Evan, elle ne le fait pas; semble réfléchir, lui rend son regard observateur, alors que le visage d'Evan reste fermé et impavide. Pourtant, il ne la lâche pas des yeux, se demande si elle a entendu l'insulte en filigrane (good enough for you) (tout doit être good enough for her: elle n'a rien, les Fawley sont désargentés, pathétiques, ont perdu tout crédit et jusqu'au dernier Gallion). Certainement qu'avec la pureté de son sang, Dalia peut s'attendre à avoir mieux qu'un verre à la Tête du Sanglier; mais Evan n'a pas la générosité, ou l'envie, de lui offrir quoique ce soit de ce genre. “ Are you trying to insult me? ” Quelque chose agite la bouche d'Evan, comme un sourire qu'il ravale rapidement. Oui, c'est un peu une insulte, qu'elle ne mérite pas sans aucun doute. Evan aime bien insulter les gens, même si ça arrive rarement qu'ils le confrontent aussi directement qu'elle le fait.

Il finit par hausser une épaule — maybe so. “ Mind you this is better than that awful tea place but… ” Il n'a jamais entendu parler d'un salon de thé (il ne boit pas vraiment de thé, surtout dans des salons; parfois avant le dîner, quand il est obligé de travailler et n'a trouvé personne à martyriser pour le faire à sa place) dans Pré-au-Lard, non pas que ça l'intéresse. Au moins c'est mieux que quelque chose, cet endroit sordide (Evan n'ose même pas imaginer à quoi exactement ce salon de thé ressemble). Dalia ne finit par sa phrase, agite sa main d'un air désinvolte avant de se détourner pour s'avancer vers le bar, Evan sur ses talons la suivant en silence, amusé et curieux à la fois. Il en connait plus d'une qui aurait tourné les talons et quitter l'auberge sans demander son reste. “ Where's Abelforth? ” Ce n'est pas à lui qu'elle s'adresse mais au sorcier de l'autre côté du comptoir, qui se contente d'un grognement indiquant une réponse ni négative ni positive. Evan s'accoude au comptoir, les yeux toujours vissés sur Dalia. “ We'll have two pints of your strongest beer, ” fait-il, consentant enfin à glisser un regard indolent vers le barman. Celui-ci semble hésiter un peu, observe leurs vêtements, leurs visages un peu jeunes; Evan laisse cinq gros Gallions sur le comptoir, bien plus que toute consommation dans ce trou pourrait jamais coûter, et tourne aussitôt les yeux vers Dalia sans douter une seule seconde qu'ils seront servis.

Ça ne prend pas longtemps au sorcier pour empocher les pièces, s'essuyer ses mains sales sur son tablier encore plus sale, et leur servir deux énormes pintes mousseuses et à l'aspect... douteux. Evan s'empare de la sienne avec naturel pourtant. “ You're on a first-name-basis with the owner? ” Il pourrait rajouter: is this place where beggars meet? mais quelque chose l'en empêche. Peut-être les mots de sa mère: be nice to the girl. Evan apporte la pinte à son nez, machinalement, la renifle d'un air douteux (et il ne peut pas vraiment empêcher une légère grimace de s'installer sur son visage, impossible à réprimer) avant de jeter un regard noir au barman comme si c'était de sa faute. Finalement, il se détourne pour aller s'asseoir à une table.

La banquette a l'air particulièrement poussière et inconfortable (il croit qu'il voit un ressort sortir du tissu) et la chaise de l'autre côté de la table branlante semble sur le point de se casser si bien qu'après une hésitation, et avec précaution, Evan se sacrifie et prend place dessus du bout des fesses. “ Your friends, ” reprend-t-il, comme si il n'avait pas cessé d'en parler. “ What are their names? ” Il fait tourner son verre de bière dans sa main, en l'observant d'un air presque maussade; finalement, il prend sur lui et l'apporte à ses lèvres, en boit une timide gorgée. C'est immonde, bien entendu. Amer, beaucoup trop amer, et très alcoolisé. Il a fait un mauvais choix, lui-même ne peut pas apprécier cette pisse de gobelin. Il prend une autre gorgée. “ You're not trying it? ” demande-t-il avec un petit mouvement de menton en direction de la pinte à laquelle Dalia n'a pas touché. Il ne la blâme pas pour ça. “ I'm going to be the one feeling insulted now. ”

Le barman ne lui répond que d'un grognement qui ne veut rien dire et ne sert qu'à lui faire froncer les sourcils alors qu'Evan s'est accoudé au bar, pas aussi surpris qu'elle l'aurait cru qu'elle connaisse le nom du gérant. Elle sent son regard noir sur elle elle ceci dit, se force à continuer de ne lui montrer que son profil. “ We'll have two pints of your strongest beer, ” Il y a un temps d'hésitation comme si le sorcier avait le moindre remord à servir des adolescents pas forcément majeurs, Evan résout le problème en lui laissant cinq Gallions : bien plus que ce que vaudrait leurs deux consommations, ou n'importe quelles autres boissons d'ailleurs. Un gâchis d'argent, sans aucun doute, qui ne laisse pas Dalia de marbre. Elle se force à masquer ce qui s'apparenterait presque à du mépris sur ses traits, certainement pas la jalousie à laquelle on pourrait s'attendre, à laquelle, elle pense qu'il s'attend. Les pièces empochées, les pintes sont rapidement servies malheureusement pas dans les "bons" verres comme Abelforth l'aurait fait et Evan prend la sienne sans hésiter sous le regard un peu curieux de Dalia. Ça l'étonne un peu, de la part de quelqu'un qui claque cinq gallions pour deux misérables pintes, de boire ici justement sans au moins une grimace pour ce qui est beneath him. “ You're on a first-name-basis with the owner? ” Elle l'observe un instant, tournant enfin vraiment le visage vers lui, s'attendant à voir quelque chose dans ses yeux : moquerie ou curiosité. Mais quoi que ses prunelles noires veuillent dire, Dalia ne sait pas le lire. En revanche elle comprend sans mal aucun la grimace qui suit son reniflement près de son verre et le regard noir complètement irrationnel qu'il envoie au barman et qui la font presque un peu sourire derrière la paume de sa main. Quand il se détourne elle récupère sa propre pinte et le suit jusqu'à une table. Il lui laisse la banquette et elle est un peu méfiante quand elle s'y approche, s'imagine presque qu'il y a un piège — mais il n'y a rien d'autre que de la poussière et des trous dans le tissu. Elle s'installe avec une petite pensée pour sa cape, espérant ne pas la perdre aux éventuels doxys qui pourraient vivre dans la banquette. “ Your friends, ” elle pose sa pinte sur la table et relève le visage vers lui. “ What are their names? ” Sa surprise est lisible sur son visage, pense-t-elle, quoique vite remplacée par la même insolence qui est apparue quand il lui a demandé si elle avait un problème avec l'endroit. Do you care? Elle sait déjà que non, mais elle ne comprend pas ce qu'il peut chercher cette fois, ne comprend pas l'insulte, la critique, ou la blague derrière. À moins qu'il ne s'agisse de pointer du doigt le nombre d'impurs dans son cercle.

Elle fronce un peu les sourcils, l'observe étudier sa bière d'un air maussade avant de l'apporter à ses lèvres timidement et de visiblement regretter tous ses choix. Il en boit une autre gorgée ceci dit. “ You're not trying it? ” il esquisse un mouvement de tête vers son verre à elle, sur lequel elle n'a pas posé même un doigt depuis qu'il est sur la table. “ I'm going to be the one feeling insulted now. ” Elle roule des yeux malgré elle, observe un instant le verre, puis Evan. “ You look like you could vomit in your own glass from the taste of it — are you trying to poison me now? ” Elle est un peu moins agacée qu'en posant son autre question, à laquelle il n'a d'ailleurs pas répondu — elle imagine que c'est toute la réponse dont elle a besoin justement. C'est presque amusé cette fois. Un peu plus quand une risette effleure ses lèvres. “ That would be a good way to avoid the marriage. ” Elle hausse une épaule comme si ça ne la dérangerait pas tellement au fond d'y échapper elle aussi, alors que ça fait longtemps qu'elle s'y est résigné. De toute façon ses parents lui en voudraient trop si elle osait tout gâcher avec Evan, avec les Rosier. “ Why do you want to know about my friends? Tired of yours? ” Elle n'a pas besoin de lui demander le nom de ses amis à lui, elle les connaît déjà, Wilkes et Avery et d'autres aussi qui ne valent pas beaucoup mieux que lui. Dalia ne songe même pas à répondre à sa question, elle ne peut pas croire que ça l'intéresse véritablement d'une part (elle se demande s'il va répéter : I told you I think it's about time we get to know each other) et elle en a trop pour savoir desquels il parle et se lancer dans une liste complète (de laquelle elle omettrait les nés-moldus) d'autre part. Elle effleure l'anse de son verre du bout de l'index avant de s'en emparer et de porter son verre à ses lèvres grimaçant quand le liquide amer et simplement odieux se glisse dans sa gorge. Elle n'en prendra pas une seule autre gorgée. “ There, ” fait-elle en reposant sa pinte encore dégoûtée par ce qu'elle vient de boire. “ You can tell your mother I made an effort. ” Elle sourit un peu là encore, sous-entendant sans gêne qu'on l'a forcé à passer une après-midi avec elle — seule autre option que l'ennui pur et simple et le pari — et que ni l'un ni l'autre n'a véritablement envie d'être là, même si ce sous-entendu-là est un peu plus subtile. Ses leçons de politesse à elle ont du être plus longues que les siennes.

Dalia roule des yeux (elle n'a rien appris des leçons de politesse de sa mère, apparemment) d'un air exagéré, observant son verre comme si elle allait oser y boire, puis Evan qui ne lui offre toujours qu'un regard impavide, presque creux. “ You look like you could vomit in your own glass from the taste of it — are you trying to poison me now? ” Elle semble s'en amuser, rigolerait presque un peu, un sourire apparaissant timidement sur ses lèvres, qui trouve une réponse faiblarde sur le visage d'Evan, qui disparaît bientôt. “ That would be a good way to avoid the marriage. ” Il hoche la tête, c'est vrai que ce ne serait pas idiot, mais ce serait beaucoup de soucis pour rien, surtout auprès des Fawley. Trop de risques. Non pas qu'il y ait activement pensé. Mais peut-être un peu. “ That wouldn't be too smart of me, ” finit-il par dire, tout simplement, et avec un sérieux exemplaire. Ceci dit, il ne doute pas qu'en grandes quantités, cette bière serait bien capable de mortellement les empoisonner tous les deux.

“ Why do you want to know about my friends? Tired of yours? ” Au tour d'Evan de légèrement lever les yeux au ciel. Ses amis lui vont très bien; il a une bande de gens qui ont le même esprit que lui, les mêmes ambitions et les mêmes rêves d'avenir. Il a grandi avec Avery, bien entendu, le considère plus comme un frère que Luke. Il n'ignore pas que Dalia en a plus que lui, il sait aussi qu'ils viennent de... tous les horizons, pour ne dire que ça. Mais les gens avec qui elle traîne ne l'intéresse que moyennement, il aimerait juste en savoir plus sur le joli spécimen qui l'a accompagnée jusqu'à son rendez-vous galant. “ My friends are alright, ” dit-il simplement en réponse, abandonnant le sujet de discussion rapidement. Elle n'est pas très éloquente, Dalia.

Elle touche le verre avec un petit air de dégoût curieux, avant de l'apporter à ses lèvres sous le regard presque moqueur d'Evan qui sait déjà ce qui l'attend (il en a encore le goût qui pétille sur le fond de la langue, qui lui donnerait presque envie de vomir à vrai dire. La grimace qu'elle esquisse tord entièrement son visage, et achève de sculpter un sourire moqueur sur les lèvres de son fiancé. “ There. ” Il sourit encore plus en la voyant repose son verre d'un air dégoûté. “ You can tell your mother I made an effort. ” Dalia sourit elle aussi et la risette d'Evan meurt sur ses lèvres. Il n'y a pas de complicité entre eux. “ I don't think I'll tell her we went here, ” marmonne-t-il. Il y a de la complicité entre eux, ils vont partager ce secret maintenant, ce date (qui n'en est pas un) dans cet endroit horrible à la bière dégueulasse. Il aurait dû l'emmener à cet horrible salon de thé dont elle a parlé. Peut-être la fois suivante. “ I like your lipstick ” dit-il au bout d'un moment. Elle en a laissé un peu sur le verre, remarque-t-il en baissant les yeux. Il hausse une épaule et détourne le visage pour observer les autres clients, sans rien dire.

Le temps passe lentement. Il ne dit rien (il ne ressent pas le besoin de meubler le silence) et Dalia non plus (ce qui le surprend un peu plus, mais il apprécie la compétition). Les clients boivent, discutent à mi-voix, les observe parfois en retour. Le sorcier derrière le comptoir essuie et encrasse ses verres à la suite. Ni Evan ni Dalia ne touchent à leurs verres, qui eux aussi prennent la poussière comme le reste de cette salle apparemment. “ If you were smart, ” dit-il en finissant par se retourner vers elle (goût amer de défaite à l'idée d'avoir été celui à briser le silence) pour lui faire face, “ you would be the one poisoning me, but after the wedding, when you can claim all that money your family desperately needs. Well, I guess my father had a prenup drafted. But it'd be worth the try. ” Ses doigts pianotent sur la table. “ Give me the benefit of the doubt: maybe I'll be a good husband to you. ” Son sourire, appuyé contre son poing, semble pourtant indiquer que ce n'est qu'une blague et qu'il n'en pense pas un mot.

Il a l'air de trouver son sourire et sa boutade bien moins drôles que la grimace qui a déformé son visage après qu'elle ait bu de l'immondice que le barman ose appeler de la bière — non qu'elle aime ça, ordinairement même quand elle est "bonne" — à en croire la façon qu'à sa propre risette de disparaître en même temps que la sienne apparaît.  “ I don't think I'll tell her we went here, ” marmonne-t-il et elle ne sait pas déceler ce qu'il y a dans sa voix ; de l'agacement peut-être. Elle trouve ça plutôt amusant pour sa part, qu'il ait honte de l'endroit qu'il a lui-même choisi, même si elle ne doute pas de savoir désormais que ce n'était rien de plus qu'une façon de l'insulter. Joke's on him, a-t-elle au moins le plaisir de pouvoir penser et rire quand il déteste sa boisson autant qu'elle, de même que l'endroit. “ I like your lipstick ” fait-il après un instant de silence que Dalia n'a pas même songé à briser. Elle esquisse un petit sourire qu'elle ravale aussitôt comme si elle s'attendait à ce que ça ne soit qu'une moquerie. De toute façon, ce n'est pas son rouge à lèvre, même si elle en a un de presque la même teinte dans la trousse de maquillage qui traîne sur sa table de nuit. De toute façon, elle se moque de ses compliments quand bien même ils seraient sincères — et ils ne le sont sûrement pas — et ne manque pas de noter qu'il compliment un accessoire plutôt que ses traits. Ce n'est pas surprenant. Il hausse une épaule, ne semble pas attendre de réponse ou de remerciement quand il se détourne pour observer le reste de la clientèle. Elle le laisse faire avec indifférence, joue avec ses doigts sur ses genoux en tournant elle-même la tête pour regarder ailleurs, le silence s'installant lentement sans qu'aucun d'eux ne fasse le moindre effort. Elle finit par reposer les yeux sur lui, l'étudier un peu, elle a rarement l'occasion de le voir d'aussi près. Elle devrait probablement faire un effort pour parler, raviver une conversation qu'elle n'a pratiquement fait que shut down malgré ses questions à lui, mais elle ne dit rien. Ils passent du temps ensemble c'est déjà un effort, même si ça la rend un peu triste au fond, de se dire que sa vie future ressemblera à ça. Elle a du mal à s'imaginer mariée Dalia, à Evan comme à n'importe qui. Elle a l'impression que c'est dans longtemps de toute façon, même si elle se rend compte désormais que ça s'approche qu'ils le veuillent ou non, qu'ils soient prêts ou non. Ça lui fait un peu peur de voir qu'ils n'ont rien à se dire et ne s'intéressent pas l'un l'autre — mais si ce n'est pas exactement le cas pour sa part, il l'intéresse un peu, pas beaucoup, parce qu'elle est forcée mais pas que : il l'intrigue aussi. Elle se demande s'ils parleront quand ils auront leurs alliances aux doigts. Quand il se retourne vers elle elle détourne aussitôt les yeux, retourne à sa contemplation du bar. “ If you were smart, you would be the one poisoning me, but after the wedding, when you can claim all that money your family desperately needs. Well, I guess my father had a prenup drafted. But it'd be worth the try. ”

Elle serre la mâchoire, s'empêche tout juste de pincer des lèvres avec, agacée et furieuse et vexée qu'il mentionne leurs problèmes d'argent. Ce n'est pas un secret et elle sait qu'ils en ont honte, mais ça l'agace tellement tellement son sentiment de supériorité sous prétexte qu'il peut dépenser sans compter — et à en croire son attitude aujourd'hui, très stupidement. Elle songe à lui dire ça: why, so I can start spending galleons on drinks I'm going to let take the dust on a table? , elle ne le fait pas, sait que sa mère aurait été tout aussi ennuyée — mais un peu plus embarrassée — mais n'aurait rien dit non plus.  “ Nah, that wouldn't be smart at all, I'd be the first suspect. ” Elle n'est pas sa mère, ceci dit. “ Give me the benefit of the doubt: maybe I'll be a good husband to you. ” Elle doit serrer les dents très fort pour ne pas rouler des yeux de nouveau, sachant très bien comme sa mère — et beaucoup de gens — déteste ça. Pourtant, tout comme il enfonce un sourire équivoque dans son poing, elle sait qu'ils savent tous les deux qu'il n'en pense pas un mot. Elle fronce un peu du nez toutefois car si ce n'est pas surprenant c'est au moins embêtant qu'il soit si fier de lui promettre qu'il sera mauvais et, pense-t-elle deviner, qu'il ne fera aucun effort.  “ Look who's not even willing to try now. ” Elle essaye de les y voir, mariés, habitant ensemble ; elle ne sait pas s'ils partageraient une chambre, même si elle sait qu'ils devront partager un lit de temps à autre au moins. Elle se demande s'il arrêtera de traîner avec ses blondes, croit deviner que non, se sent presque insultée par avance. Elle devrait sûrement déjà s'en agacer au fond : tout le monde sait déjà qu'ils sont fiancés et pourtant il ne se fait pas discret avec ses amantes. Ça ne la gêne pas vraiment parce qu'elle ne le connaît pas et elle n'est certainement pas jalouse, mais elle trouve ça un peu rude quand bien même la société accepte ça sans problème — alors que d'elle, ce serait impensable. Elle grimace un peu rien qu'en y pensant.  “ If you're not going to tell your mother, and if you hate your drink and if we're not talking then what are we doing here Evan? ” Sa voix pourrait être moins douce et sincèrement curieuse, elle pourrait lui reprocher de lui faire perdre son temps — peut-être qu'il ne cherche rien de plus que ça. “ Seems to me you were fine not getting to know me before and after all what's the point if you're gonna be a terrible husband anyways? ” Le mot lui brûle un peu la langue, elle sait depuis longtemps qu'il sera son mari un jour et pour toujours et quand bien même elle a accepté ça, la réalité de la chose la dérange un peu.

“ Nah, that wouldn't be smart at all, I'd be the first suspect. ” C'est vrai, mais Evan est sûr qu'elle s'en sortirait: Dalia est intelligente après tout, même si il vient précisément de lui dire le contraire, tout en lui rappelant l'infortune de sa famille. Evan doit admettre qu'il a été un peu déçu quand il a grandi et appris que les Fawley n'étaient pas une famille qui forçait autant le respect que les Black ou les Malfoy — surtout quand il a compris les enjeux économiques de l'union entre leurs deux familles. Bien entendu, les mots sifflants de sa mère à propos de l'héritage houleux de celle de Dalia n'ont pas aidé, même si ils ont eu tendance à le laisser froid. Du moment qu'elle est pure, il s'en fiche un peu de ce à quoi elle ressemble: elle ne sera que sa femme, rien d'autre. Ils partageront une vie, une maison et un lit, son nom à lui et leurs enfants à eux, rien d'autre. “ Look who's not even willing to try now. ” Evan sourit un peu plus contre ses doigts repliés, détournant le regardant pour se calmer un peu et reprendre un visage sérieux et serein. Il n'a jamais prévu d'essayer depuis qu'il est en âge de comprendre que le mariage, ça l'ennuie et ça sert à rien. Il aimerait bien briser cette union mais il sait que ce serait pire que tout si il apportait l'opprobre sur les Rosier. Il va devoir trouver une solution plus subtile qu'une crise de nerfs.

“ If you're not going to tell your mother, and if you hate your drink and if we're not talking then what are we doing here Evan? ” Les mots de Dalia ont le don de rendre un visage lisse à Evan, qui la regarde de nouveau — ses yeux n'ont de cesse de faire des allers-retours entre son environnement et le joli minois de sa fiancée, comme si il avait peur de se brûler en la regardant si longtemps. “ Seems to me you were fine not getting to know me before and after all what's the point if you're gonna be a terrible husband anyways? ” Sa main retombe sur la table, joue silencieusement avec le bois du bout des doigts. “ I don't hate my drink, ” finit-il par dire, l'amenant une nouvelle fois à ses lèvres en réprimant une grimace de dégoût.

Evan en avale la moitié d'une traite, comme si c'était de l'eau. Evan repose la pinte à moitié vide un peu brutalement. “ I don't like being challenged. ” Il est compétitive, maladivement, et il n'aime pas qu'on le reprenne ou le questionne. Son regard est un peu plus sombre, similaire à celui qu'il porterait sur elle en tant que mari, dans quelques années, deux en fait. C'est si près, c'est si loin. Evan a du mal à imaginer à quoi ressemblera la réception et surtout, les jours, les semaines, les années suivants... “ You got pretty over the summer. I'd be surprised if I was the only one to notice. ” Le goût dégueulasse de la bière lui donne envie de vomir, il se force à avaler posément, à presser sa langue sur son palais quand il prend une pause entre deux phrases. Il regrette amèrement d'avoir liquidé la moitié de la boisson, mais sa fierté n'aurait pas pu s'en remettre. Et puis il a payé une prix d'or pour ces poisons. Avec un peu de chance, la fierté de Dalia sera piquée et elle retentera aussi. Il en doute.

“ I don't want you fooling around with some other guy. ” Il pense qu'elle ne le ferait pas mais on ne sait jamais. Il veut la claim d'une certaine manière. Ils sont promis l'un à l'autre depuis longtemps et ça se sait; il veut juste le rappeler au monde (même si il ne se dérange pas pour faire ce qui lui chante avec d'autres filles, quoiqu'il ait promis à sa mère d'essayer d'être plus discret (comme son père)). “ And now you're old enough to be of interest. ” Intérêt physique ou social, c'est impossible de dire tant le visage d'Evan est lisse, fermé. “ Should I be worried that you're not a virgin? ” Ça l'énerverait tellement. Elle est sienne, après tout. Depuis presque six ans maintenant. Mais ça, il ne le montre pas. Il sait que ce serait déplacé, et lui-même s'étonne de la fougue de ses sentiments. Il sait ceci dit que ça n'a rien à voir avec elle, et tout à voir avec le fait qu'il est maladivement possessif de tout ce qui lui appartient — et c'est le cas de sa virginité.

La main d'Evan se repose sur la table, dévoile son visage désormais impassible, sous le regard toujours curieux de Dalia. “ I don't hate my drink, ” et comme pour relever un défi et lui prouver qu'elle a tort il en avale la moitié d'un seul coup ; sa fiancée en aurait presque de la peine pour lui. Il doit être très compétitif et un peu mesquin pour faire une chose pareille ; elle sait qu'il déteste sa boisson, parce que ce serait le cas de tout humain avec des papilles gustatives, ce qui devrait être son cas. Ça amuse un peu plus Dalia que ça ne devrait. “ I don't like being challenged. ” Il y a quelque chose qu'elle ne connaît pas dans ses yeux quand il les repose sur elle et elle hausse une épaule sans réfléchir. Elle s'en fiche complètement qu'il n'aime pas qu'on le reprenne ou le questionne. Peut-être qu'elle ne devrait pas ; elle sait que beaucoup pensent qu'une femme doit être obéissante envers son mari et elle ne doute pas que ce doit être le cas d'Evan, mais ils ne sont pas encore mariés. Et si on peut l'obliger à passer du temps avec lui, on ne la forcera pas à renier complètement ce qu'elle est; une maladive empêcheuse de tourner en rond. “ You got pretty over the summer. I'd be surprised if I was the only one to notice. ” Ça ressemble à un compliment ; ça lui fait l'effet d'une insulte. Elle ne sait pas pourquoi. Il la trouve jolie, ça devrait lui faire plaisir, objectivement, ils vont se marier après tout, autant qu'il ne la trouve pas laide à en mourir. Elle rosit un peu malgré elle et ignore pourquoi parce que son esprit est loin de s'attarder sur ce mot-là, essayant déjà de décortiquer le reste. Le compliment sonne presque comme un reproche, elle croit, mais elle ne saurait pas l'expliquer. “ I don't want you fooling around with some other guy. ” Elle hausse les sourcils sans pouvoir sans empêcher, surprise et agacée à la fois ; Evan semble doué pour provoquer cette combinaison d'émotions en elle. Elle est surprise, d'abord qu'il aborde le sujet comme si c'était naturel (elle comprend mieux le reproche toutefois). Surprise, ensuite aussi qu'il trouve ça nécessaire parce que malheureusement ça semble évident qu'elle n'est pas censée se laisser la même liberté, s'offrir les même plaisirs que lui. Agacée, enfin, par cette réalité injuste et le fait qu'il se permette de lui donner ce qui a l'air d'un un ordre. Elle pense savoir qu'il lui rirait au nez si elle osait formuler la même chose. Ses poings se serrent légèrement sous la table.

“ And now you're old enough to be of interest. ” Là encore il y a une insulte derrière les mots, un compliment dont elle ne veut pas. “ Should I be worried that you're not a virgin? ” Si elle avait été en train de boire Dalia aurait sans aucun doute tout recraché sans grâce aucune. Si la bière n'avait pas été immonde elle se réfugierait certainement dans son verre, pour tenter de masquer ses joues un peu rouges et le mélange d'émotions qui déforme ses traits et assombrit son regard. “ Should I? ” offre-t-elle pour toute réponse en soutenant l'obsidienne de ses yeux. Ils ont ça en commun — au moins un trait dont leurs enfants (idée absurde) sont sûrs d'hériter — même si le sien est différent trouve-t-elle, il est plus sombre que tout ce qu'elle a jamais vu d'une façon dérangeante. Elle pose la question avec ironie évidemment, elle sait que non seulement la réponse est évidente, mais en plus la question n'a pas de sens. La virginité d'Evan, en tant qu'homme, ne compte pas. On s'en moque, valide implicitement son comportement, le félicite peut-être même en privé, quoique la bienséance voudrait qu'il se fasse discret, n'embarrasse pas la femme à laquelle il est officiellement lié non plus. Mais l'on se fiche qu'il ne soit pas intact. Pour elle en revanche, c'est impensable qu'elle ne soit pas intouchée, immaculée pour sa nuit de noces, l'idée n'a pas besoin d'être formulée pour que l'on sache que c'est ce qu'on attend d'elle. C'est sa virginité que ses parents ont offert à Evan avec le contrat de fiançailles, sans lui laisser le choix. C'est normal et ça a toujours été comme ça et sera toujours comme ça sûrement, pour les gens comme eux, mais Dalia trouve ça injuste. Injuste qu'on lui demande de détourner le regard quand une autre fille est à son bras alors qu'on s'insurgerait qu'elle en fasse de même, injuste qu'il puisse s'offrir à qui il veut, quand ce serait la disgrâce pour elle. Peut-être ne se rendrait-elle pas compte de tout ça si ce n'était pas si différent pour les autres, les non-purs, les "inférieurs" — les gens normaux parfois pense-t-elle. Peut-être qu'elle n'y verrait pas un problème si elle ne les voyait pas eux suivre leurs instincts et leurs désirs. Ou peut-être que c'est elle le problème, quand elle envie les impurs. “ One cheap beer and we're already talking about sex, is that how you manage to get all these girls? ” Un moue presque déçue étire vaguement ses lèvres l'espace d'un instant. Elle espère qu'elle ne flatte pas trop son égo en mentionnant le fait qu'elles soient nombreuses. Elle espère qu'il comprend qu'elle fait précisément ce qu'il lui a demandé de ne plus faire — qu'elle le challenge, lui reproche son hypocrisie de façon un peu injuste peut-être car ce n'est pas tant la sienne que celle de leur monde. Elle tend les doigts pour effleurer son verre de nouveau le pousse un peu vers lui, “ Here if you don't hate it you can have mine. ” Son ton est moqueur, c'est un défi ouvert cette fois. “ Is that a page from you book, ” elle se penche un peu en avant et baisse la voix comme sur le ton de la confidence, “ getting them drunk? ”

Les yeux d'Evan se plissent quand un capharnaüm d'émotions se succèdent sur le visage de Dalia. Il essaie de repérer de la culpabilité, de l'embarras, de la fierté ou de l'inquiétude mais il n'y arrive pas, il ne la connait pas assez pour déduire lui-même la réponse avant qu'elle ait eu le temps d'ouvrir la bouche. “ Should I? ” Il ne devine pas l'ironie dans la voix de Dalia, bien entendu, mais ça ne l'empêche pas d'arquer un sourcil presque interrogateur, il semble prêt à lui demander: tu penses que je me contente d'embrasser ces filles? mais à la place, répond sincèrement: “ I'm not a virgin. ” Il n'a aucune bonne raison de lui mentir, et ce serait un peu ridicule quand elle semble savoir qu'il a un bon nombre de conquêtes déjà, certaines plus fréquentes que d'autres, à Poudlard et ailleurs.

Ça n'a jamais posé un problème pour les hommes, ceci dit. Comme son père — avec le temps, Evan a reconstitué sa mémoire, a compris ce qui s'était passé ce jour-là il ya des années quand il a surpris son père en train de frapper une femme qui a cessé de bouger. Sa maîtresse, dans leur propre maison, alors que sa mère était dans une autre pièce. Et sa mère, anxieuse non pas que l'infidélité de son mari soit découverte, ou triste à cause de ça; redoutant juste qu'Evan parle du corps inerte de la troisième femme. Les cris qu'elle a poussé en mourrant hantent encore son sommeil, déformés par le temps et la mémoire, plus dévastateurs à mesure que les années passent.

Ça n'a jamais posé un problème pour les hommes, mais ils savent tous les deux que si elle n'était pas vierge lors de leurs nuits de noces, leurs parents seraient... contrariés, pour ne dire que ça. Et lui aussi sans doute, un peu. “ One cheap beer and we're already talking about sex, is that how you manage to get all these girls? ” Un nouveau sourcil qui se arque, il ne comprend pas pourquoi elle ne répond simplement pas à sa question. Il serait jaloux et en colère, certes, mais il préfère savoir plutôt que de le découvrir au dernier moment. Elle pousse son verre vers lui et le geste rend Evan encore plus confus. “ Here if you don't hate it you can have mine. ”

Les yeux qui relèvent vers elle brûlent d'un feu noir de colère. “ Thanks, ” dit-il néanmoins d'une voix tendue. “ Is that a page from you book, getting them drunk? ” Elle s'est penchée et il s'est reculée contre le dossier de sa chaise, qui a grincé sous son poids et le changement de position; il aimerait mieux qu'elle ne se brise pas sous lui, en plus d'être embarrassant, ça risquerait de lui faire mal. “ I don't need them to be drunk to get with them. As you'll learn soon enough, I know how to fuck well. ” Il lui offre un sourire qui a perdu la chaleur légère de l'amusement d'avant; c'est une risette sculptée, glaciale, presque menaçante. Avec un froncement de nez, il finit son propre verre (il a envie de vomir) avant d'attraper celui de Dalia pour commencer à l'attaquer lui aussi. “ I'm comfortable talking about sex, cheap beer or not, and you should be too. You and I are going to have sex in the future. You do not need to be shy with me about it. ” Il n'y a rien de vraiment glamourous à leurs futures ébats, du moins Evan a du mal à l'imaginer. “ If you're not a virgin... ” Il pince des lèvres, avale une gorgée de la pinte de Dalia, qui fait s'agiter quelque chose dans son estomac. Il va sûrement être malade; mais il préférerait être en train d'agoniser plutôt que d'avoir sa fierté écorchée. “ I'll help you lie after our wedding night. I'd rather that you were of course. ” Il repose la pinte, incapable de continuer à boire. “ But if you're not, they will never know. ”

Dalia peut voir qu'Evan n'apprécie pas ses boutades et ne doit pas beaucoup aimer non plus qu'elle ne lui ait pas répondu. I'm not a virgin, sa réponse à lui est venu rapidement avec un naturel et une aise sans pareils qui prouve exactement tout ce que sous-entendait Dalia et qu'apparemment il n'a pas compris. Ça l'agace évidemment, mais au moins se satisfait-elle un peu du regard noir qu'il lui offre quand elle lui tend son verre et de la façon qu'il a de se reculer sur sa chaise quand elle-même s'approche. Il n'a plus l'air aussi à l'aise et en contrôle que quand ils sont arrivés et elle ne se rend compte d'à quel point ça lui importait que précisément quand elle lui a volé tout ça. C'est une maigre victoire sans aucun doute mais Dalia a appris à toujours les accepter quelque soit leur taille ; il n'y a pas beaucoup de trophées pour les gens comme elle. “ I don't need them to be drunk to get with them. As you'll learn soon enough, I know how to fuck well. ” Une part d'elle est incroyablement gênée — Evan gagne du terrain de nouveau, c'est certain — mais ce n'est étonnamment pas celle qui l'emporte, l'adolescente éclatant d'un rire qu'elle étouffe aussitôt derrière sa paume, quoiqu'il continue silencieusement quelques instants. Ce pourrait être une preuve d'embarras, mais pas vraiment c'est presque moqueur devant l'arrogance de son fiancé. Elle n'aime pas tellement le rappel As you'll learn soon enough ; elle n'est pas certaine d'avoir hâte de découvrir si sa confiance en lui est justifiée ou non — pense plutôt que non. Elle n'aime pas leur sujet de conversation tout court en réalité, même si elle y trouve visiblement de quoi s'amuser, devant presque se retenir rouler des yeux parce qu'elle le trouve ridicule. Elle ne saurait même pas dire pourquoi, sait juste que c'est le cas et s'en contente largement parce qu'au fond mieux vaut rire de sa situation que d'en pleurer. Le sourire qu'Evan lui offre est froid dépourvu de l'amusement qu'elle tente tant bien que mal de réprimer par égard pour a bienséance, mais c'est difficile quand il fronce le nez avant d'avaler le reste de sa bière d'une traite avant de récupérer son offrande à elle. Elle n'a pas sous-estimé son tempérament compétitif et mesquin, elle le trouve un peu (beaucoup) stupide de se rendre malade juste pour ne pas la laisser avoir raison.

“ I'm comfortable talking about sex, cheap beer or not, and you should be too. You and I are going to have sex in the future. You do not need to be shy with me about it. ” Il y a quelque chose de presque clinique à la façon qu'il a d'évoquer leur sexualité future et ça, ça la gêne incroyablement. Ce n'est pas qu'elle soit timide, pas vraiment, pas avec les bonnes personnes en tous cas, n'ayant pas hésité à poser des dizaines de questions à celles de ses amies qui ont pu laisser libre cours à leurs désirs nouvellement éveillés. Mais ce n'est pas pareil avec lui qu'elle ne connaît pas, ça ne lui donne pas envie quand il en parle comme ça, comme l'obligation que ça sera pour eux un jour. Dans pas si longtemps d'ailleurs. Elle se demande s'il en parle comme ça avec les autres, imagine que non, elles il les prend parce qu'il les désire, elle ce sera parce qu'il le devra. Mais ils n'y sont pas encore, elle a deux ans de répit et n'a aucune envie d'en discuter avec lui avant que ça ne devienne nécessaire. “ If you're not a virgin... ” Il pince des lèvres et elle l'imite ; n'arrive pas à croire qu'il doute encore, quand ils savent tous les deux qu'elle n'a pas le choix de l'être. Elle parvient à sourire un peu quand il prend une nouvelle gorgée de sa pinte à elle, s'inquiéterait presque pour lui de boire tant de ce poison, mais n'en dit rien. S'il meurt sans que ce soit de sa faute à elle, au moins sera-t-elle libre…d'être fiancée de force à quelqu'un d'autre. Aucun intérêt. “ I'll help you lie after our wedding night. I'd rather that you were of course. ” Cette fois la surprise est évidente sur ses traits. Elle s'attendait à une menace de sa part, la cherche presque derrière ses mots, mais ne la trouve pas, fronçant des sourcils visiblement confuse. “ But if you're not, they will never know. ” Il parle de leurs parents, ceux pour qui elle se préserve plus encore que pour lui. Dalia doit s'admettre quelque chose qui la dérange affreusement; pour une fois, elle ne comprend pas. Il a l'air sincère aussi étrange et même impossible que ça puisse paraître. Peut-être qu'il n'est pas si…horrible que ça. Sauf qu'elle ne peut pas le croire. Il doit mentir, chercher à la piéger, lui arracher une confession qu'il s'empresserait d'aller répéter.  “ It didn't occur to me that I had a choice. ” Fait-elle après un instant, sans savoir comment elle parvient à être froide quand tout ce qui l'agite encore c'est un mélange de curiosité et de confusion. “ Although it would be nothing but fair… ” Juste qu'elle puisse profiter de sa liberté elle aussi, s'amuse, découvrir ce dont elle a envie comme ses amies (la plupart en tous cas), ne pas réprimer ses hormones à chaque fête et chaque fois qu'on l'approche. Elle doute que ce soit une vraie proposition que lui fasse Evan ceci dit. “ I am. For now. ” Mais elle veut bien se prêter au jeu. “ Maybe by the time we get to our wedding night I will be able know whether those blonde training wheels of yours really made you good at fucking. ”  Elle a l'impression de pouvoir sentir à distance toute la désapprobation de sa mère si elle l'entendait parler aussi crûment, ce doit être l'effet Evan le fait que ce soit pour leurs parents qu'ils soient là, parce qu'elle n'a pas de remords à parler comme elle l'entend devant ses amis. Même si elle aurait trop peur qu'il mente et la vende à leur parent et qu'elle gâche tout et se fasse haïr par sa propre famille, même si elle n'a pas encore trouvé quelqu'un qui lui retournait l'estomac de la façon que Sonia lui a décrit, même si la première fois qu'elle a embrassé un garçon juste pour essayer en secret à une soirée ça ne lui a pas donné envie d'aller plus loin — même si c'était agréable —, il y a une part de vrai dans ses propos, une critique là encore. C'est injuste par principe qu'elle doive tout découvrir avec lui, se contenter de lui pour le reste de sa vie quand lui pourrait tout tester, avant savoir ce qu'il aime et ce qu'il n'aime pas, et lui imposer toutes ses envies.

Elle a ri et réveillé quelque chose dans l'estomac d'Evan, quelque chose qui se tord dans tous les sens comme un feu par grand vent. C'est stupide, bien entendu: elle cherche juste à l'énerver, à appuyer sur ses boutons... et ça fonctionne et il déteste ça. Elle ne peut pas le comprendre comme ça. Elle n'a pas le droit. Il la déteste, la déteste vraiment, et pourtant, il lui propose de l'aider, si elle n'est pas vierge. C'est stupide, sans doute, et peut-être qu'il devrait se contenter de récolter l'information pour la rapporter à ses parents — sûrement qu'ils y prendraient outrage et demanderaient aux Fawley d'annuler leur future alliance. Il peut déjà entendre la voix de sa mère: bien entendu, à quoi pensais-tu, Richard, les gens comme eux sont comme ça! et celle de son père: je suis sûr que nous pourrons nous arranger avec eux. S'arranger, toujours s'arranger. Evan n'a pas la même âme de diplomate que son père ou son frère. Il préfère frapper jusqu'à avoir ce qu'il veut. “ It didn't occur to me that I had a choice. ” You don't. Pas vraiment. Evan ne répond pas. “ Although it would be nothing but fair… ” Il sourit à ça, en coin, roulant comme si ce qu'elle venait de dire était ridicule. Ça l'est. Nothing is fair, jamais, pour personne. Mais il comprend ce qu'elle veut dire; lui aussi trouverait ça injuste, à sa place. “ I am. For now. ” Le début le rassure; la suite le contrarie, il fronce légèrement les sourcils dans sa direction. Il espère qu'elle va le rester.

“ Maybe by the time we get to our wedding night I will be able know whether those blonde training wheels of yours really made you good at fucking. ” Evan fait légèrement la moue — elles ne sont plus vraiment de l'entraînement à ce rythme, pour être honnête: Evan les enchaîne, il a l'impression que la baise est la seule manière de le réveiller, vraiment le réveiller, à l'intérieur. Amant demandeur et intense, fougueux et impatient, il a le mérite de ne jamais regarder par-dessus son épaule quand il s'en va. “ I'd rather that you were, ” répète-t-il avec froideur. “ Would save me the trouble. ” Ses doigts pianotent sur la table et puis brutalement, il se lève, avec suffisamment de force que la chaise semble sur le point de se briser sur elle-même. “ I'm sure you'll come to enjoy my fucking, Dalia. But we'll have to try that another time. Enjoy your day, ” fait-il d'une voix tendue, tapotant nerveusement son poing sur la table comme pour lui dire au revoir, avant de quitter l'auberge.

THREE WEEKS LATER Ϟ Ça a lui a pris quelques jours pour se calmer, il a été dans une humeur noire sans l'expliquer à personne, Avery et Wilkes souffrant de ses sautes d'humeur sans se plaindre — sachant pertinemment que ça n'aurait servi à rien de lui poser des questions ou de proposer de l'aider. Il a fini par se calmer et il a trouvé le nom de ses amies — Kira, celle qui l'a accompagnée et Sonia, de son dortoir. Il ne se rappelle plus pourquoi il a fait ça, mais deux semaines après leur (plutôt désastreux) premier date, il a envoyé un petit colis à Dalia: un tube de rouge à lèvres de la marque que lui a conseillé Sonia, ainsi qu'une note écrite à la va-vite (bien qu'il ai passé près de dix minutes dessus en réalité, malgré son court contenu:) Disappointed on how our first date went. Belated birthday gift. Sonia told me it'd look great on you. You don't have to wear it on Saturday. - Evan Rosier et puis une seconde lettre, qu'il a écrite celle-là au dos de sa serviette à table et aurait pu tout aussi bien la lui envoyer à travers la Grande Salle ce matin-là: Forgot to ask, what are you doing on Saturday? I'd like it if we saw each other again. I'll be waiting in front of the post office. - Evan Rosier.

Il a fait un effort. Il a dit à sa mère, en lui passant les détails et la fin plutôt abrupte de leur date, qu'ils s'étaient vus, Dalia et lui, et Crescentia a été ravie, vue la longueur de la lettre qu'elle lui a envoyé en retour, lui détaillant ses premiers dates avec son père: ses parents ont connu le même destin que lui et Dalia, fiancés jeunes, mariés trop tôt. Evan se demande comment sa mère peut se souvenir de tout ça avec joie quand elle semble à certains moments détester son père. Quant à faire, lui aimerait ne pas vivre dans le passé quand il aura son âge.

Il a donc fait un effort, s'est un peu coiffé et a frénétiquement rasé l'ombre de bas sous son nez (sous l'oeil amusé de Wilkes, à la pilosité un peu plus avancée que lui déjà), portant même une veste de meilleure facture qu'avant. Il faudra bien ça pour fit in à l'endroit auquel il a pensé aujourd'hui. Il attend dans le froid de ce début de novembre sans rien dire, se demandant si Dalia va venir — il n'a pas mis d'heure sur sa note, et elle n'a même pas répondu. Ça devrait être telling et pourtant, Evan est là, et attend sans rien dire, faisant crisser le gravier sous ses pieds en essayant de tuer l'ennui. Il a froid, il aurait dû préfère un bon blouson à la place de cette veste ridicule. Il en serait presque soulagé quand il voit que Dalia le rejoint du coin de l'oeil. Le bleu de sa robe de sorcier fait ressortir le rouge de ses lèvres. Evan ignore si c'est celui qu'il lui a offert ou non; il n'espère pas. C'était un véritable cadeau d'anniversaire (même si les Rosier ont bien entendu déjà fait une offrande, envoyée le trois septembre, au nom de toute la famille; un somptueux collier valant certainement une fortune auquel Evan a à peine jeté un regard quand on le lui a présenté) de sa part, et peut-être un peu une excuse. “ Thanks for meeting me, ” dit-il, un peu stiff et maladroit. Il a l'air embêté tout d'un coup. Il a l'impression de sembler trop... keen. “ Fancy a cup of tea? ”

Une petite moue déforme les lèvres d'Evan, manque détirer vaguement les lèvres de Dalia, qui se retient toutefois pour ne pas le vexer plus qu'il n'a déjà l'air de l'être. Ce n'était pas tout à fait une insulte, ou peut-être un peu ; une façon de dire qu'elle doute de ses prouesses, ce qui est ridicule quand elle-même n'a aucune expérience et donc aucun point de comparaison quand bien même il lui montrait ce qu'il sait faire.  “ I'd rather that you were, ” Il se répète, elle fronce un peu les sourcils, elle doit l'avoir beaucoup vexé vu la froideur de sa voix. Elle devrait peut-être s'excuser, même si elle n'est pas vraiment désolée, pas du tout même. Elle ne comprend pas qu'il le prenne à cœur après tout elle parle sans savoir, il n'a qu'à lui répondre ça. “ Would save me the trouble. ” De toute façon Dalia ne croit pas qu'elle tentera sa chance en lui faisant confiance pour qu'il mente pour elle. Elle n'est pas aussi naïve que ça et elle se méfie de lui en particulier. Il n'a rien à gagner à mentir pour elle et elle ne le sait que trop bien, raison pour laquelle sa proposition lui laisse encore un goût étrange sur la langue. Son fiancé se lève d'un coup, la chaise craque un peu à cause du mouvement brusque et elle-même sursaute, l'observant sans masquer sa surprise. “ I'm sure you'll come to enjoy my fucking, Dalia. But we'll have to try that another time. Enjoy your day, ” Il tapote son poing sur la table et la laisse en plan, quittant l'auberge sans se retourner ni lui laisser le temps de répondre. L'adolescente reste clouée sur la banquette un instant ses yeux fixé sur les portes qu'il vient de passer, choquée de cette fin abrupte à leur rendez-vous. Elle ne sait pas ce à quoi elle s'attendait de la part d'Evan quand il l'a invitée, mais certainement pas à ça. Après un instant, elle bat des cils, se rend compte que certains clients l'observent en coin — certain avec pitié, ils ont l'air de croire qu'elle s'est faite larguer, (s'ils savaient!) — et elle éclate d'un rire un peu nerveux mais aussi presque victorieux.  “ What a fucking baby, ” le décrit-elle plus tard à ses amies quand elle les retrouve aux Trois Balais autour d'une Bièraubeurre, Kira ayant déjà eu le temps d'expliquer à Sonia pourquoi elles n'ont pas passé l'après-midi ensemble. Elles sont un peu déçues, mais pas Dalia.


THREE WEEKS LATER Ϟ Elle n'a pas vraiment compris le sourire amusé de Sonia pendant deux jours deux semaines environ après leur sortie à Pré-au-Lard, ni sa surprise clairement exagérée quand Dalia a reçu un paquet de la part d'Evan, un tube de rouge-à-lèvres qu'elle est absolument certaine qu'il n'a pas pu choisir seul. Disappointed on how our first date went. Belated birthday gift. Sonia told me it'd look great on you. You don't have to wear it on Saturday. - Evan Rosier De toute façon il a lui-même vendu Sonia. “ Don't talk to him, ” a-t-elle fait à son amie (puis à Kira, au cas où), le about me étant, pense-t-elle, sous-entendu ; parce que, à part si c'est pour lui dévoiler des choses sur elle et l'aider de quelque façon que ce soit à rattraper la façon qu'il a eu de la laisser en plan dans un endroit obscur, elle s'en fiche qu'elles lui parlent. Elle n'a pas répondu à sa lettre, détestant sa mention d'un rendez-vous comme implicite alors qu'il ne lui a de nouveau rien demandé et ne semble pas lui laisser le choix. Elle a mis le tube de maquillage dans sa trousse sur sa table de nuit, mais n'y a pas touché, a plutôt jeté la note à la poubelle. Elle aussi peut être rancunière. Une serviette de table lui parvient le même jour : Forgot to ask, what are you doing on Saturday? I'd like it if we saw each other again. I'll be waiting in front of the post office. - Evan Rosier. Toujours pas de réponse de sa part, même si elle préfère largement la formulation, fait l'erreur de montrer la note à Sonia qui ne la laisse pas oublier :  “ Come on, I really think he's sorry. ” Dalia en doute, elle pense toutefois qu'il se sent peut-être un peu coupable; après tout si leur premier rendez-vous était une branche d'olivier au moins un peu sincère la façon dont ça s'est terminé les fait presque revenir en arrière. Elle ne croit pas non plus qu'il soit déçu comme il l'a pourtant écrit ; s'il avait vraiment voulu que leur rendez-vous — il a appelé ça un date et ses doigts se sont un peu crispés autour du parchemin — se passe bien il ne l'aurait pas emmenée à la Tête de Sanglier.  “ I WISH Eric would ask my friends what colour lipstick would suit me. ”  Et ça n'arrête pas, si bien que Dalia finit par l'utiliser son cadeau avec réticence, même si elle trouve aussi que ça lui va plutôt bien et décide de passer par l'office de poste ce samedi-là, au cas où : de toute façon il n'a pas donné d'heure et elle n'a pas dit oui et elle est juste curieuse de voir s'il l'attend.

C'est le cas. Dalia doit s'avouer surprise — presque agréablement. Il porte une veste qu'elle soupçonne de ne pas être appropriée pour le vent, elle-même resserrant un peu les pans de sa cape par-dessus sa robe bleue quand elle s'approche de lui. Son écharpe aux couleurs de sa maison cache le fait qu'elle a décidé de porter les deux cadeaux qu'elle a reçu des Rosier cette année ; le rouge d'Evan et le collier qu'elle soupçonne sa mère d'avoir choisi. Elle ne l'a jamais porté avant — sa mère à elle lui a recommandé de le garder pour une occasion spéciale dans la lettre qu'elle lui a envoyé la semaine suivant son anniversaire. Dalia n'a rien dit à Alessandra du premier rendez-vous, ni du second, préfère attendre de voir comment ça se passe avant que sa mère ne se fasse des idées et ne la force à passer du temps avec Evan, mais elle se doute qu'elle considérerait cette nouvelle tentative comme une occasion spéciale. “ Thanks for meeting me, ” Elle se demande si ça fait longtemps qu'il l'attend, il a l'air tendu, pas si content que ça de la voir, mais ce n'est pas comme si elle s'attendait à un accueil chaleureux. “ Fancy a cup of tea? ” Elle hoche lentement la tête, tout sauf l'odieuse bière qu'ils ont bu la dernière fois, mais s'arrête brusquement. Ils peuvent boire du thé aux Trois Balais, mais étrangement elle a comme l'impression que ce n'est pas là qu'il compte l'emmener. Normalement, elle pourrait dire que c'est un effort de sa part, une recommandation de Sonia peut-être même ; beaucoup d'étudiantes adorent le salon de thé de Madame Pieddodu, il est même plein à craquer pendant la Saint-Valentin, elle pourrait au moins lui laisser le bénéfice du doute et penser qu'il cherche vraiment à se rattraper si elle n'avait pas elle-même dit pendant leur premier date que ce salon de thé était pire encore que la Tête de Sanglier. En y repensant c'était peut-être une exagération — le thé lui-même  n'y est pas mauvais et les tasses ont le mérite d'être propres — mais tout de même. Sorry my ass. Elle semble sur le point de lui dire qu'il peut garder ses excuses et ses tentatives pour lui, s'il ne fait que se payer sa tête, ils n'ont qu'à se dire au revoir et se retrouver à l'autel. Mais elle est venue après tout et elle n'est pas un bébé : “ Sure. ” Et ils se mettent en marche sans plus attendre. “ I like your jacket. ” Il cherche peut-être à l'agacer avec son choix de lieu mais il fait un effort, elle pense quand même, et elle devrait en faire un elle aussi — surtout si ça lui permet ensuite, quand ce date-là aussi sera raté, de dire que tout est de sa faute à lui. “ Thanks for the gift. ” Elle n'a pas envie de le remercier pour quoi ce soit et elle ne sait pas pourquoi il est allé voir Sonia (It's soooo romantic.) ni pourquoi il lui a même offert quoi que ce soit et ce n'est rien par rapport au cadeau officiel qui doit probablement valoir son argent de poche de l'année si ce n'est même plus, mais au moins ça vient de lui. Elle pense en tous cas. Espère un peu, même si elle sait combien c'est stupide d'espérer quoi que ce soit de sa part.

Dalia a l'air d'hésiter et pendant un instant, Evan se demande si elle était juste en train d'aller déposer une lettre à la poste et qu'il s'est malheureusement trouvé sur son chemin; mais non, au bout d'un moment infini, du bout des lèvres, elle prononce: “ Sure. ” Et un peu de la tension dans les épaules d'Evan s'évapore, difficilement, et il hoche sèchement la tête, se mettant à marcher dans Pré-au-Lard comme si l'endroit lui appartenaient. Direction le salon de thé de Madame Pieddodu, il a cru comprendre que Dalia n'aimait pas cet endroit mais Sonia a insisté: oh no, poor girl doesn't know what she is saying, it is the best place in town! alors Evan a décidé de la croire, puisqu'elle semblait sincère. Il est parvenu à ne pas la menacer pour s'assurer que c'était le cas, grand effort pour lui. “ I like your jacket. ”

Evan cligne des yeux sans comprendre, tourne le regard vers elle pour la regarder en coin en fronçant un peu plus les sourcils. Elle a remarqué, ou alors elle se moque de lui parce qu'elle n'est pas de saison et qu'il a l'air ridicule. Ou alors elle est juste polie. Elle ne l'était pas, pourtant, la dernière fois qu'ils se sont vus. “ Thanks for the gift. ” À ça, en revanche, Evan détourne les yeux, grommelle d'un air mal à l'aise: “ don't mention it. ” Il fait rarement de cadeaux, surtout sans vouloir quoique ce soit en retour; nouvelle offre de paix, sans doute la dernière, il ne sait pas trop. Peut-être qu'il se sentait effectivement mal de la fin de leur premier date; peut-être que c'était pour son anniversaire. Ça n'a pas d'importance, il n'a plus le temps de le regretter maintenant. “ Is it the one you're wearing? I didn't do that for that, ” précise-t-il. Il est satisfait, ceci dit, qu'elle porte son rouge à lèvres, mais ça personne ne le sait que c'est lui qui le lui a offert. Ce n'est pas un power move, ce n'est pas une manière de la manipuler, ça ne sert à rien de décortiquer ses intentions pour une fois.

C'est juste un cadeau.

Il arrive devant le salon de thé et Evan, comme trois semaines plus tôt, en ouvre la porte pour laisser Dalia entrer; elle semble essayer de masquer ses émotions, garder un visage impassible et Evan espère que Sonia avait raison et qu'elle est en réalité joyeuse à l'idée chez Madame Pieddodu. Il ne sait pas trop à quoi s'attendre quand il rentre à son tour dans le salon, mais certainement pas à tout ça. Evan devient rapidement livide en sentant l'étonnante odeur sucrée qui flotte dans l'air, voyant le comportement des autres couples, la petite cloche qui vient d'annoncer leur arrivée. “ Fuck that, let's go somewhere else, ” marmonne-t-il, attrapant le bras de Dalia pour la tirer dehors alors que déjà, une hôtesse d'accueil s'approche d'eux avec un sourire de démon: “ how can I help you to-- ”

Il relâche Dalia une fois dehors, il a les joues un peu roses d'embarras. “ I understand what you meant by awful. Sonia said... picturesque. ” Il fait la moue, déçu que son idée n'ait pas marché. “ I'm starting to think maybe I shouldn't rely on her opinion. She seems nice but... ” Il plisse des yeux. “ I think she has the wrong idea about us. ” Non pas qu'ils soient quoique ce soit de spécial, tous les deux.

Il ne répond pas à son compliment, elle pince un peu des lèvres parce que ce n'est pas très poli et puis elle était sincère au fond et elle sait qu'il l'a entendue parce qu'il a tourné les yeux vers elle. Peut-être qu'il regrette son effet — ses efforts — peut-être qu'il n'a plus envie de passer un bout d'après-midi avec elle. Elle trouve quand même en elle de le remercier pour son cadeau, provoquant enfin une vraie réaction de sa part même si ce n'est pas forcément celle qu'elle voudrait. “ don't mention it. ” se contente-t-il de grommele et elle pourrait presque le croire mal à l'aise. Il doit regretter, c'est certain, il n'a pas l'air d'avoir envie d'être là et ça agace un peu Dalia qui lui fait une faveur quelque part, lui laisse une seconde chance que rien ne l'oblige à lui donner. Ça l'agace, mais elle ne dit rien, pince de nouveau des lèvres et détourne le regard. “ Is it the one you're wearing? I didn't do that for that, ” Il l'avait déjà précisé dans sa lettre et Dalia n'est même pas sûre de comprendre ce que ça veut dire: elle sait juste que généralement les gens aiment voir qu'on apprécie leur cadeau en les utilisant. De toute façon il est très bien ce tube, elle n'a pas de souci à se l'avouer puisque de toute façon c'est Sonia qui l'a choisi. Ce qu'elle salue au fond de la part d'Evan c'est l'intention, rien d'autre. “ I know ” fait-elle doucement, “but yet it is. ” Ça allait bien avec sa tenue et elle n'a pas trois milles autres teintes dans sa trousse, pas besoin de chercher plus loin. Dalia essaye de masquer un peu son dégoût quand ils arrivent devant le salon de thé et qu'il lui tient la porte. Elle hait vraiment tout à propos de cet endroit, de la couleur des murs, jusqu'aux cupidons qui y volent (heureusement que le weekend de la Saint-Valentin) en passant par les couples qui se roulent des pelles dans un coin on se font des déclarations larmoyantes. Elle hait l'odeur trop sucrée aussi et la gérante trop…trop. Elle ne dit rien ceci dit même si elle sait qu'Evan le fait exprès, elle se doute que ça ne sera pas agréable pour lui non plus, au moins peut-elle se satisfaire de ça. “ Fuck that, let's go somewhere else, ” Elle ne croit pas avoir jamais été plus soulagée de sa vie que quand il lui attrape le bras et la tire à l'extérieur alors que l'hôtesse les approche déjà. Le fantôme d'un sourire flotte sur ses lèvres, même si elle fait mine de secouer un peu son bras quand il le lâche, comme s'il lui avait fait un peu mal, ce qui n'est pas le cas. Il a les joues un peu ose, elle ne comprend pas vraiment ce qu'il se passe; lui qui déteste perdre et qui a bu beaucoup trop d'une bière immonde juste pour ne pas perdre la face devant elle, recule maintenant devant le salon de thé qu'il a pourtant choisi pour l'agacer ?

“ I understand what you meant by awful. Sonia said... picturesque. ” À la mention de Sonia le sourire de Dalia se perd. Elle ne comprend pas tout à fait la moue sur les lèvres d'Evan mais elle croit comprendre en revanche que c'était un vrai effort de sa part. Sonia aime le salon de thé et Sonia pense que ce qu'elle aime vaut pour tout le monde donc Dalia n'est pas surprise, pas pour ça. Elle l'est en revanche, beaucoup, qu'il ait demandé ça aussi à sa meilleure amie et un peu agacée que celle-ci ait gardé le secret quand elle aurait pu lui dire il y a des jours ce qu'Evan avait prévu (et alors elle ne serait sûrement pas venue). Elle est…un peu flattée aussi elle croit, ou touchée plutôt, vaguement, que son effort ait été réel, qu'il ait voulu bien faire aussi étrange et presque invraisemblable cela puisse-t-il lui paraître. “ I'm starting to think maybe I shouldn't rely on her opinion. She seems nice but... ” Dalia aimerait qu'il ne parle pas à ses amis, qu'il les laisse tranquille parce qu'Evan d'abord n'est pas quelqu'un de gentil, ensuite parce qu'elle ne lui fait pas confiance, enfin parce qu'elle n'a pas envie qu'ils lui racontent quoi que ce soit sur elle. Elle n'aime pas beaucoup l'idée qu'il parle à Sonia — ni qu'il l'a trouve gentille, c'est son amie à elle et elle n'a pas envie de les voir traîner ensemble — même si elle sait que c'est censé être une bonne chose (Honestly I'm just saying if Eric had talked to you he wouldn't have gotten me those hideous earrings last time) c'est censé être appréciable. Elle pense qu'elle apprécie un peu…c'est juste qu'elle ne comprend pas. Ils n'ont pas besoin de s'entendre, ils n'ont pas besoin d'être amis encore moins de s'aimer, il trouve son plaisir ailleurs et un jour elle tombera enceinte de lui et portera son nom et c'est tout. Il n'y a que Sonia (et un peu Kira) pour rêver à de la grande romance pour elle. “ I think she has the wrong idea about us. ” Elle penche un peu la tête de côté ; elle sait que Sonia se fait des idées. Rien que d'avoir pu dire qu'Evan est, ou ait fait un jour dans sa vie, quelque chose de romantique prouve bien qu'elle ne sait pas comment ça fonctionne entre eux. Elle est un peu déstabilisée par l'usage du nous ceci dit, elle n'a jamais pensé à eux comme une entité, comme un duo, comme quoi que ce soit, sauf au futur et de loin et sans s'y attarder longuement. “ At least she tried. ” Elle sait que Sonia ne pensait pas à mal et au moins Evan est du même avis qu'elle sur le salon de thé et il lui a fait échapper à cette torture. Dalia est à la fois plus détendue et un peu gênée, presque nerveuse aussi, maintenant qu'elle sait que ce n'est pas qu'une immense blague ou une énième façon de se moquer d'elle. “ Let's go somewhere you like. I'm sure it'll be fine. ” Elle ne se reposerait pas beaucoup plus sur son opinion que sur celle de Sonia, mais non seulement ils sont censés apprendre à se connaître, c'est pour ça qu'ils sont là et ça doit passer par apprendre un peu de ses goûts songe-t-elle, mais en plus il a fait plusieurs efforts et même si c'est vrai qu'il avait de quoi s'excuser, elle peut bien le lui rendre un peu. Elle esquisse un sourire qui pourrait presque passer pour complice. “ Can't be worse than this place anyways. ” Elle glisse une mèche de cheveux qui lui masque un peu les yeux derrière son oreille avant de relever les yeux vers lui, faussement suspicieuse. “ Wait is that why you wanted to know the names of my friends last time? ” Elle en doute sincèrement ; ça voudrait dire qu'il pensait déjà à second date alors qu'ils étaient à peine assis à la table de leur premier, mais contrairement à l'autre fois elle n'a pas envie de laisser de silence s'installer, enchaînant les mots sans trop y penser, peut-être parce qu'elle n'a pas envie de penser justement de réfléchir au changement si étrange d'attitude d'Evan et au fait qu'elle se plaint soudain nettement moins d'être venue.

Us. Ils sont un item, un duo, un futur couple, un futur mariage. Étrange, pourtant, de s'associer à quelqu'un qu'on connaît à peine, si peu, si mal; étrange, aussi, de ne pas trouver ça si dérangeant que ça. Après tout, ils vont devoir commencer à s'y habituer tous les deux, à être liés l'un à l'autre d'une manière qui outrepasse les rumeurs et les "on dit." Ses amis Avery et Wilkes ont eu vent de leur premier date et eux aussi se sont fait la mauvaise idée, quoique pas la même que Sonia Evan pense: ils pensent qu'il veut juste la lutiner, comme l'a dit Hercules (faisant au passage pouffer ses deux amis) avant l'heure. Ça ne dérangerait pas Evan, mais il n'est pas attiré par elle comme ça, ce n'est pas son objectif. “ At least she tried. ” Il ne peut pas s'empêcher d'être déçu, il n'aime pas quand les choses ne se déroulent pas comme il le voulait. Il est presque sur le point de la planter là et de rentrer au château pour bouder sa frustration quand elle parle, relance presque leur second date qui aurait pu tout aussi bien être avorté: “ Let's go somewhere you like. I'm sure it'll be fine. ”

Il n'y a pas grand chose qu'Evan aime. Certaines choses il apprécie, d'autres il supporte, certaines il méprise. C'est tout. Elle a un petit sourire sur les lèvres en le regardant, Dalia, presque complice et familier, comme si ils partageaient quoique ce soit si ce n'est qu'un contrat. “ Can't be worse than this place anyways. ” Ou que la Tête du Sanglier, sans aucun doute. On peut difficilement faire pire que ce qu'ils ont fait jusque là tous les deux ensemble. “ Wait is that why you wanted to know the names of my friends last time? ” Evan grogne en détournant le regard. “ Yes. ” Il ne s'encombre pas d'un mensonge pourtant (à quoi bon? Evan n'a jamais peur de la conséquence de ce qu'il dit ou fait, quoique ce soit), même si il est teinté d'embarras à l'idée qu'elle se fasse des idées.

Il se met à marcher sans l'attendre, satisfait d'entendre ses pas crisser sur les graviers derrière lui. “ I think it's important we get to know each other in an informal setting. ” On peut rarement faire une description plus clinique d'un date. “ We're going to be married. We're going to spend our life together. I'm curious of what you like and what you're like. I don't dare hope that I'll be the perfect husband for you, or anything you're looking for, or what your friends seem to believe I'll be but- ” il s'arrête brusquement face à leur destination, “ -I don't want to be like my father. ”

Et il ne le sera jamais.

Enfin, si. Il la trompera et il boira parfois un peu trop et il prendra la Marque et il dédiera sa vie au Seigneur.

Mais le reste? Les cris et les coups et les insultes et les assiettes qui volent et les sorts et la haine? De ça, il n'en veut pas. Il n'a pas l'énergie pour ça. Il ne veut pas que ses fils grandissent en redoutant leur père. Il ne pense pas qu'il sera un bon père, ceci dit, ou même quelqu'un de présent et de patient et de généreux dans une maison bien entretenue et agréable à vivre (c'est du ressort de sa future femme, tout ça). Mais il ne veut pas non plus être comme son géniteur.

Evan ouvre à Dalia la porte du second salon de thé, peut-être pas l'endroit qu'il préfère mais qu'il apprécie quand même. Il n'y a que des hommes à l'intérieur, des sorciers de tous les âges: les femmes n'y sont pas conviées, sauf si elles sont accompagnées. Et même encore cela semble rare, vus les regards appuyés qu'on laisse traîner sur elle. L'air est lourd d'une odeur de tabac magique qui donne un peu mal à la tête d'Evan, alors qu'il se dirige vers une petite table entourée de quatre fauteuils, dans l'un desquels il s'effondre dramatique. Il cherche Avery ou Wilkes du regard mais à son grand soulagement, ils ne sont nulle part. “ Do you like gambling? I do. ” Il fronce du nez. “ Well, no, I guess you don't, ” se corrige-t-il, sans grande délicatesse, c'est sur un pari dangereux que les Fawley ont perdu leur fortune. Il tire le petit tiroir de la table entre eux pour sortir des dominos sorciers avec un air sérieux.

Il n'y a pas d'autres femmes dans la pièce que Dalia, sauf la serveuse, qui se dirige vers eux avec un petit sourire poli. Evan la connaît bien. Il la connaît très bien, même, et un sourire en coin s'étale sur ses lèvres quand elle le reconnaît et se met à rougir malgré elle. En temps normal, il essaie sûrement de se retrouver un chemin avec elle dans la backroom du salon, sous les sourires et regards encourageants de Wilkes et Avery; mais là il est en bonne compagnie et surtout, il ne voudrait pas embarrasser Dalia. “ How can I help you today? — We'll have a pot of black tea and some teacake, ” commande-t-il sans demander son avis à Dalia. “ Do you think you could clear the air for us? ” Elle agite sa baguette, les enveloppe dans une bulle d'air frais qui les éloigne de la fumée du reste du salon. Il ne la remercie pas, se détourne à la place (mais lui lance quand même un regard en coin, à ses longues jambes surtout, quand elle tourne les talons pour partir) et finit par relever les yeux vers Dalia pour lui proposer de jouer; il s'arrête en remarquant qu'elle a retiré son écharpe. Il arque un sourcil, un léger sourire revient éclairer son visage. “ I was wondering how it'd look on you, ” dit-il, sans lui offrir de compliment ceci dit, même si il apprécie ce qu'il voit.

Evan grogne et détourne le regard, parvenant une nouvelle fois à surprendre un peu Dalia. “ Yes. ” Elle ne pensait sincèrement pas avoir vu juste. Ceci dit vu la façon qu'il a de lui répondre sans hésiter ça ne doit pas vouloir dire grand chose — certainement pas ce que Sonia irait s'imaginer. Elle se demande si elle devrait lui rendre la pareille, aller voir Avery et Wilkes pour leur demander des choses sur Evan; elle ne saurait pas quelle question poser ceci dit. Il marche sans prévenir et sans l'attendre comme la première fois et elle le suit avec une petite moue, le rejoignant rapidement. “ I think it's important we get to know each other in an informal setting. ” Elle se demande s'il a lu la définition d'un date dans un dictionnaire et est en train de la lui réciter. Ce n'est clairement pas l'idée que c'étaient faites ses mais. Dalia elle, ignore ce qu'elle s'était imaginée; rien, donc elle n'est pas trop surprise ni embêtée. Elle hoche un peu la tête parce qu'il n'a pas tort même si elle n'est pas pressée de penser à leur futur commun, ni de s'y préparer. “ We're going to be married. We're going to spend our life together. I'm curious of what you like and what you're like. I don't dare hope that I'll be the perfect husband for you, or anything you're looking for, or what your friends seem to believe I'll be but- ” Le dernière fois il lui a quasiment promis qu'il serait loin d'être parfait voire carrément mauvais, donc elle s'imagine que c'est un progrès. Elle fait la moue ceci dit, elle espère bien qu'il ne croit pas qu'elle se fait les mêmes idées que ses amies. “ -I don't want to be like my father. ” Elle ne sait pas ce que ça veut dire, mais elle pense savoir que c'est une bonne chose. Rosier Senior lui fait un peu peur même si elle ne le connaît pas et qu'il ne lui a jamais adressé que trois fois la paroles et toujours brièvement il n'a jamais été mauvais avec elle. Pour préserver l'alliance certainement. Dalia n'a pas envie de se demander quel genre de mari Evan sera exactement, elle n'a rien envie de se demander du tout, préfère laisser ces questions à plus tard parce que tout ça lui fait peur au fond, elle a peur du jour où la porte de leur maison sera refermée sur eux et où elle lui appartiendra: ce que le mariage veut vraiment dire. Elle ne veut pas imaginer, mais c'est le cas un peu malgré elle et sa vision est assez flou parce qu'elle ne le connaît pas au fond, ce qu'elle sait en revanche c'est qu'elle n'arrive pas à se voir heureuse.

Dalia ne reconnaît pas l'échoppe devant laquelle Evan s'arrête cette fois en lui ouvrant de nouveau la porte et elle est surprise découvrir un autre salon de thé dans lequel elle n'a jamais mis les pieds. C'est un peu enfumé, mais ça lui semble mieux que le précédent, quoi qu'elle remarque bien vite qu'elle fait tâche, comme étant la seule femme présente outre une serveuse. Beaucoup de regards se tournent vers elle et y reste et elle s'embarrasse légèrement, se tourne machinalement vers Evan comme pour y chercher du soutien avant de se rappeler de qui il est. De ce qu'ils sont. Lui-même se dirige apparemment connaisseur vers une petite table flanquée de quatre fauteuils et se laisse tomber avec un peu trop d'emphase sur l'un d'eux, Dalia prenant place en face de lui bien plus gracieusement. “ Do you like gambling? I do. ” Elle le regarde comme si elle considérait très sérieusement l'idée de se lever et de le planter là mais il se reprend tout seul: “ Well, no, I guess you don't, ” Malgré son manque de délicatesse ça n'a pas l'air d'avoir été une remarque intentionnelle et elle ne s'en formalise pas. Elle pense de toute façon que les jeux d'argent sont idiots, qu'elle ait des pièces dans sa bourse ou non. Elle découvre que la table possède un tiroir quand Evan le tire vers lui et sort des dominos sorciers sous son regard confus. Il s'est corrigé, mais compte quand même jouer ? Dalia n'a pas d'argent à miser certainement pas dans des proportions qui seraient intéressantes, ni aucune envie de s'y essayer quoi qu'il en soit.

La serveuse vient vers eux, leur adresse un sourire poli qui trouve étonnamment échos sur le visage d'Evan, même si sa risette à lui est différente: en coin et apparemment pleine de sous-entendu. Dalia fronce un peu les sourcils, d'autant plus quand la serveuse rougit. Elle est blonde. Ce doit être son type. Elle se demande si elle est même plus que ça. Agacée, elle se détourne pour retirer sa cape et son écharpe et les poser sur le bras de son fauteuil. “ How can I help you today? — We'll have a pot of black tea and some teacake, ” Il ne lui adresse par un regard, ne lui demande pas ce qu'elle veut et son visage se plisse un peu plus. “ Do you think you could clear the air for us? ” Sur ça au moins elle est d'accord, un peu soulagée quand l'air autour d'eux s'apure grâce à la bulle que la serveuse a incanté. Elle force ses traits à se lisser quand Evan tourne le visage vers elle sans remercier l'autre sorcière qui finit par s'éloigner, sous le regard visiblement appréciateur d'Evan. Quand il relève les yeux vers elle Dalia est l'indifférence faite femme. Elle se moque complètement de ce qu'il vient de se passer et pourtant elle y pense peutêtre un peu trop parce que quand il arque un sourcil et esquisse un sourire pour une fois par ironique ou trop froid elle ne comprend pas tout de suite. “ I was wondering how it'd look on you, ” Elle baisse les yeux pour suivre son regard, ses doigts effleurant machinalement le collier alors que ses propos font enfin sens. Sa formulation est curieuse, elle suppose que son sourire veut dire qu'il n'est pas déçu du résultat, mais elle n'en sait rien. Elle s'en moque, elle l'a porté pour être polie, rien de plus. “ Were you wondering how her legs would look on me too? ” fait-elle presque innocemment en le regardant droit dans les yeux, sans ciller, l'agacement pourtant bien présent dans ses prunelles noires. C'est idiot et ce n'est pas de la jalousie, mais c'est impoli de sa part de reluquer une autre en sa présence et c'est vexant aussi pour elle qui a fait un effort. Un peu. (Sonia lui a fait essayer au moins cinq tenues avant de la laisser quitter le dortoir.) Elle n'attend pas qu'il réponde, se doutant qu'il ne saura pas le faire comme elle le voudrait, en s'excusant de son impolitesse et enchaîne plutôt, ses doigts retombant sur ses genoux: “ Give my thanks to your mother, it's really pretty. ” C'est déjà ce qu'elle a écrit dans sa note de remerciement elle doute que la mère d'Evan en ait quoi que ce soit à faire et elle doute qu'il lui transmette son message mais peu importe. “ You could at least pretend while we're on a date, you know. ” Elle se doute qu'il ne s'arrêtera jamais d'aller voir ailleurs pour elle, peut l'imaginer continuer même quand ils seront mariés, mais elle ose espérer qu'à ce moment-là il saura se faire plus discret. Elle n'aimerait pas que ses enfants voient leur père flirter avec une autre. Elle n'arrive pas à croire qu'elle vient de penser à avoir des enfants avec lui — même si c'est précisément ce qu'on attend d'elle, la pensé est trop étrange. Elle sait que ce n'est pas un date-date. Mais quand même. “ So what is this place? ” enchaîne-t-elle finalement, décidant que le sujet l'ennuie, même si ce n'est pas vrai. Elle n'a juste pas envie d'être humiliée quand bien même elle pense savoir qu'elle sera qu'i se montre avec ses maîtresses ou non. Son honneur sera teinté à ses yeux à elle au moins, quand bien même c'est acceptable pour le reste de la société.

“ Were you wondering how her legs would look on me too? ” Evan ne s'attendait pas vraiment à ça et si il ouvre la bouche pour répondre, il la referme rapidement d'un air confus, comprenant avec un temps de retard qu'elle parle de la serveuse. “ Give my thanks to your mother, it's really pretty, ” reprend-t-elle rapidement sans lui laisser la chance de répondre, ce qui agace un peu Evan qui lui aurait bien dit qu'en fait, c'est autour de lui qu'il imaginait les jambes de la jolie blonde. Pas besoin d'imagination quand il a ses souvenirs, ceci dit; mais ça, il ne le dira pas à Dalia, ce serait malvenu et même si Evan s'embarrasse rarement de politesse, il essaie de faire un effort avec elle. Ce qui est déjà beaucoup parce comme presque tous les gens de sa vie pourraient en témoigner, Evan n'essaie jamais.

Il hoche la tête en réponse, le sourire disparaissant de son visage, il est agacé maintenant — elle a ce don-là, semble-t-il, de l'énerver, le vexer, l'agacer en un clin d'oeil. Il ne se souviendra certainement pas de remercier sa mère, non pas que ça ait la moindre importance. Dalia est juste trop polie, c'en est presque lassant. “ You could at least pretend while we're on a date, you know. ” Mais justement, il fait de son mieux, il prétend; il aimerait mieux qu'elle ne le voit jamais quand il vient ici avec Wilkes et Avery, c'est bien différent de son comportement en cet instant précis. Evan a l'impression de se plier en quatre pour Dalia et elle trouve encore de quoi se plaindre. Il pince des lèvres. “ So what is this place? ” Il se redresse un peu sur son siège, distribue les dominos avec habilité. “ Some place me and my friends found during our fifth year. They don't serve alcohol but you can make some good money if you're good at cards or dominos. ” Il fronce un peu les sourcils sans la regarder, concentré sur ses doigts autour des dominos. “ We used to try and steal cigars from older wizards but we never managed, ” marmonne-t-il, le souvenir l'agaçant pour quelque raison.

Il a fini de distribuer les dominos et relève les yeux vers elle. “ Let's not bet, ” fait-il après une hésitation. Il n'aime pas particulièrement jouer quand il n'y a pas d'argent mais il ne ferait pas à Dalia l'affront de lui proposer un peu du sien, se doutant qu'elle ne peut pas se permettre d'en perdre comme lui l'entend. L'argent n'a pas vraiment de valeur aux yeux d'Evan, sa famille est plus que fortunée et les Gallions ne sont que des pièces, rien d'autre, des tokens qui ouvrent des portes mais n'ont pas de véritable valeur. “ I won't hold back though. ”

Ils jouent en attendant que le thé arrive et Dalia lamine Evan, dont le visage entier est froncé dans une grimace contrariée à la fin de leur première partie. “ Well, fuck me, ” marmonne-t-il après avoir rapidement compté les points. Il lui en reste au moins cinq alors qu'elle s'est débarrassée des siens sans s'arrêter. Ça a au moins le mérite de ne pas lui faire tourner le regard vers la serveuse, il se contente de grommeler quelque chose d'incompréhensible, détournant seulement ses yeux du jeu pour attraper un teacake qu'il enfonce dans sa bouche avec un air furieux, ses doigts s'occupant ensuite de défaire leur chaîne de jeu pour redistribuer les pièces.

“ I can't promise you I'll be faithful, ” dit-il sur le ton de la conversation, sans lâcher ses doigts du regard, quand ils sont de nouveau seuls. “ I won't. But I won't make a show out of it either. ” Il n'a pas de doute qu'il ne sera pas du tout satisfait de leur vie sexuel, alors au moins veut-il être sincère avec elle. Il serait plus que contrarié si elle lui disait la même chose, ceci dit. “ I'm pretending right now. If I was not, ” il relève enfin les yeux vers elle, il y a une lueur provocante dans son regard, “ I would have excused myself and asked for you to wait for me as I'd have gone to the backroom to get that girl her fix. Would have come back a mess, acted like nothing had happened, like you didn't know what I did. ” Il a fini de distribuer les pièces, apporte sa tasse de thé à ses lèvres sans lâcher Dalia du regard. “ You could at least pretend yourself. To have fun. ”

Dalia peut bien voir que ses remarques l'ont agacé mais elle n'a pas ça en elle de s'en vouloir le moins du monde; elles sont parfaitement justifiées. Il a fait des efforts jusque-là et elle suppose qu'elle devrait être reconnaissante, plutôt que de demander plus, mais elle estime qu'il s'agit du strict minimum que de ne pas regarder ostensiblement une autre quand il est avec elle. Même s'ils ne sont pas un couple et que ce n'est pas un vrai date. Il ne lui répond même pas, se redresse plutôt sur son fauteuil et distribue finalement les dominos qu'il a sorti sans lui laisser le choix de jouer ou non apparemment. “ Some place me and my friends found during our fifth year. They don't serve alcohol but you can make some good money if you're good at cards or dominos. ” Elle fronce les sourcils en même temps que lui même s'il ne la voit pas, concentré qu'il est sur les pièces de leur jeu. Elle se demande s'il y a une raison pour laquelle il n'y a pas d'autres femmes qu'elle parmi les clients, si c'est une espèce de convention que celles-ci n'ont pas leur place ici, si c'est un problème qu'elle soit là — elle s'en ficherait un peu ceci dit. “ We used to try and steal cigars from older wizards but we never managed, ” Son front se lisse un peu, elle le regarde avec un peu de curiosité brusquement même si elle n'est pas tellement surprise de cette aveu, il y a quelque chose dans l'agacement avec lequel il en parle qu'elle trouve amusant. Comme s'il avait si peu l'habitude des échecs qu'il était prêt à traîner leurs souvenirs — et l'agacement aussi frais qu'au premier jour — avec lui pour toujours. “ Let's not bet, ” fait-il quand il relève enfin les yeux vers elle après avoir arrangé les dominos sur la table. Elle fronce un peu du nez, se doute que ce n'est pas vraiment une insulte, plus une façon de lui éviter un quelconque embarras, mais ça l'embête malgré tout, elle préfèrerait ne pas jouer du tout. “ I won't hold back though. ” Mais il a l'air si sûr de lui qu'elle ne songe pas à lui dire de tout ranger; ils vont jouer et voir si elle aurait mieux fait de parier pour lui dérober un peu de sa fortune.

Elle aurait du ; elle est bien meilleure que lui. La moue contrariée d'Evan est la plus belle des récompenses ceci dit, elle espère qu'il ne voudra pas prendre sa revanche, il a l'air suffisamment boudeur pour ne plus jamais vouloir jouer. “ Well, fuck me, ” elle sourit malgré elle, non seulement elle l'a battu mais en plus c'est un mauvais perdant mais en plus il n'a pas accordé un regard à la serveuse quand elle est venue les servir. “ Not before our wedding night, come on. ” Plaisante-t-elle dans un murmure, avant d'attraper sa tasse de thé. Elle n'aime pas beaucoup le fait qu'il ait commandé sans lui demander son avis, mais elle doit admettre qu'elle préfère son thé noir elle aussi, donc elle est plutôt contente de son choix — même si elle aurait pu demander à la serveuse de ramener du lait juste histoire de montrer à Evan comme il fait tout de travers. “ I can't promise you I'll be faithful, ” elle perd son sourire, mais ce n'est pas grave puisqu'il ne regarde que ses propres doigts. Elle retient une moue un peu agacée, elle n'est pas étonnée ni déçue, mais elle trouve ça assez peu nécessaire d'en parler. “ I won't. But I won't make a show out of it either. ” Une promesse comme une autre, c'est un peu mieux que ce qu'elle aurait pu rêver de pire, mais elle est à peine soulagée, pas du tout même. Il est littéralement en train de lui promettre qu'il la trompera avant même de l'avoir essayée elle, avant même de savoir si elle pourrait le satisfaire, avant même qu'il ne lui ait passé la bague au doigt. Il lui promet ça avec tout le naturel du monde et il y a tout un monde il semble à Dalia entre le fait qu'elle se doute que ça a de grandes chances d'arriver et la promesse par avance qu'il ne sera pas fidèle. À ce stade, le fait qu'il fera en sorte de ne pas se montrer en spectacle avec ses maîtresses est une bien maigre consolation. “ I'm pretending right now. If I was not, ” elle soutient sans mal le regard provocateur qu'il relève vers elle, des petits éclairs brillants dans ses yeux à elle. “ I would have excused myself and asked for you to wait for me as I'd have gone to the backroom to get that girl her fix. Would have come back a mess, acted like nothing had happened, like you didn't know what I did. ” S'il avait fait ça elle serait partie sans se retourner et leur prochain rendez-vous aurait été à l'autel. Il y a beaucoup que Dalia ne tolère pas vraiment, n'accepte pas du tout, mais supporte malgré tout parce que c'est comme ça et qu'elle n'a pas le choix. Elle ne supportera pas en revanche d'être humiliée par Evan. Elle s'apprête à lui proposer d'aller faire ce qu'il vient de lui dire justement et de se dire au revoir dès maintenant puisqu'il ne prend finalement rien de tout ça au sérieux — elle non plus ceci dit, mais elle préfère le blâmer lui et puis au moins elle ne fait pas un spectacle de reluquer d'autres hommes.

“ You could at least pretend yourself. To have fun. ” Sauf que ça, ça ne fait pas parti de leur arrangement, de l'arrangement qu'on a signé pour eux. On s'en fiche complètement qu'ils passent de bons moments ensemble, ou qu'ils s'entendent bien pourvu qu'ils présentent une fois marié une face acceptable au monde et produisent des héritiers. Elle n'a aucune obligation de faire semblant de quoi que ce soit et de toute façon il est le seul responsable de la perte de son sourire. Elle repose lentement sa tasse de thé, le regarde un moment sans rien dire avant de prendre une voix censée ressembler à celle de Crescentia Rosier, un accent plus posh que celui qu'elle a pris de son père. “ Why, I'm absolutely delighted to be here dear, can't you tell? I'm having the most fun in my life hearing all about you promising me you'll be unfaithful. ” Elle porte une main à son cœur faussement dramatique. “ And oh! What a strong man you are refraining yourself from going after that waitress while I'm here, just for me! ” Le dos de sa main trouve son front comme une grande comédienne et puis elle la laisse tomber sur ses genoux et son visage se referme. “ I'll up my game if you up yours. ” propose-t-elle avec le plus grand sérieux du monde, laissant planer le doute quant à ce dont elle parle exactement, des dominos, ou d'eux. “ Give me the benefit of the doubt Evan: maybe I'll be a good wife to you. ” souffle-t-elle en se penchant un peu en avant, récupérant une mignardise au passage, lui répétant mot pour mot (excepté son prénom presque doux sur sa langue) ce que lui-même lui a offert avec toute l'ironie du monde. Elle, elle est presque sérieuse, elle sait qu'elle pourra, devra, fera même sûrement des efforts, mais seulement si lui aussi en fait.

Le visage de Dalia s'est rapidement fermé et Evan ne peut que la regarder sans comprendre. Ne peut-elle pas mettre de la valeur sur sa sincérité au lieu de se vexer, comme il a l'impression qu'elle le fait? Il ne sait pas dans quel monde il vit, quels illusions ont entretenu ses parents. Les maris trompent leurs femmes, c'est dans leur nature, c'est inscrit partout dans leurs gênes. Il pourrait lui demander de questionner son père, si elle pense que ce n'est pas le cas. Et il ne sait pas trop à quoi elle s'attendait de sa part. Elle repose sa tasse de thé sur la table entre eux, en silence, et Evan attend le retour de flamme avec une drôle d'impatience. Rien ne peut la préparer à ce qui arrive ensuite.

“ Why, I'm absolutely delighted to be here dear, can't you tell? I'm having the most fun in my life hearing all about you promising me you'll be unfaithful. ” Pendant un instant, les yeux d'Evan s'écarquillent jusqu'à prendre la forme et la taille de Mornilles. Elle se moque de lui, non, plus précisément, elle se moque de sa mère (sujet sacré s'il en est). L'accent posh est exagéré, mais on point doit-il l'avouer, tout comme l'aspect dramatique de la main qu'elle pose sur son coeur (il peut imaginer sa mère faire ça). “ And oh! What a strong man you are refraining yourself from going after that waitress while I'm here, just for me! ” Evan se mordille la lèvre inférieure. Il n'aime pas qu'on se moque de sa famille, mais il doit avouer que ça l'amuse un peu aussi — il a une relation complexe avec eux — et que Dalia a... raison, même si il ne l'avouerait jamais à haute voix. Le dos de sa main se pose sur son front, comme le ferait une femme victorienne sur le point de s'évanouir.

Et puis le rideau tombe, et elle redevient sérieuse brutalement, alors qu'un sourire éclaire toujours le visage d'Evan sans vraiment tordre ses lèvres, mordues et pincées résolument. “ I'll up my game if you up yours. ” Dalia ne parle pas des dominos, du moins Evan ne pense pas. “ Give me the benefit of the doubt Evan: maybe I'll be a good wife to you. ” Cette fois le sourire apparaît brièvement, même si il baisse la tête pour le cacher, en se penchant lui aussi pour attraper sa tasse de thé et l'apporter à ses lèvres, se cachant un peu derrière. “ Good acting, ” dit-il en reposant sa tasse. “ Come on, ” fait-il en désignant les dominos. “ I won't let you win this time. ”

Dalia l'écrase une nouvelle fois, même si Evan s'est un peu amélioré en ne gardant qu'un seul domino en sa possession; il a quand même l'air véritablement déçu quand il soupire, un peu dramatiquement lui aussi, en se laissant retomber contre le dossier de son siège. Il se passe une main sur le visage, se pince l'arête du nez. “ Don't make an habit out of that, I don't like it, ” marmonne-t-il d'un air bougon, en sachant pertinemment que parce qu'il n'aime pas ça, Dalia continuera sans aucun doute de l'écraser aux jeux à la moindre chance. “ Maybe we'll be good to each other. Maybe. ” Peut-être semble être le mot d'ordre entre eux. Evan a encore du mal à savoir si il apprécie Dalia ou si elle l'agace plus qu'il ne la supporte. Il sait juste qu'elle est un peu moins soumise qu'il ne le pensait et que ça l'étonne, l'énerve, lui plaît tout en même temps. “ I think you make me want to make an effort. ” Il a un petit rictus en finissant sa tasse de thé, la remplissant — et celle de Dalia, en second — de nouveau par habitude. “ I think, ” reprécise-t-il au cas où elle se fasse déjà des illusions. “ And what did your mom say again? ” À son tour de prendre un accent, bien trop prononcé pour être celui de la mère de Dalia, mais il croit qu'il atteint son objectif en l'agaçant prodigieusement alors qu'il fait rouler les lettres dans sa gorge en empruntant l'accent le plus dago, comme dirait sa mère à lui, de tous les temps: “ and you'll have such wonderful, beautiful children, you are going to look so great together! That's a match made in heaven, sí ” Il secoue la tête, sourire ironique sur les lèvres. “ My own mother was saying something else as you'd imagine. But I think we have something to live up to. An ideal. ” Il penche la tête sur le côté. “ What's your ideal marriage? ”