[flash-back] the break up | Hestia

La situation devenait hors de contrôle en Angleterre, et les Prewett en bon traîtres à leur sang qu'ils étaient, étaient les premiers informés de la situation. Gideon bossait pour Dumbledore au sein d'une armée secrète, et la plupart de leurs amis risquaient la mort chaque pour ne pas avoir le bon type de sang. Si ce n'était que ça, Fabian ne pouvait pas se vanter d'avoir une vie parfaite en dehors de la guerre qui grondait dans le monde magique. Hestia était distante, et il n'avait aucune idée de la raison qui pouvait la pousser à agir ainsi. Gideon était insupportable avec elle, et si Fabian essayait de tempérer son frère et ses remarques continuelles, il avait l'impression que la brune gérait ça bien mieux que lui cependant. Hestia avait appris avec le temps à envoyer paître son jumeau, se fichant pas mal de son avis sur leur relation puisqu'ils étaient heureux tous les deux. Fabian comprenait donc encore moins, cette situation qui semblait s'éterniser. Si il avait réfléchi davantage, il aurait sûrement fait plus attention aux signes, aux indices déguisés laissés par sa fiancée. Elle l'avait questionné souvent à propos d'un départ potentiel, qu'il avait finalement bien vite exclu, incapable de laisser Gideon et Molly se battre contre une armée de Mangemorts, pendant qu'il coulerait des jours heureux ailleurs avec sa jolie brune. L'idée avait bien vite était mise de côté, et Fabian n'avait pas réalisé que ça n'avait pas forcément été le cas pour Hestia. Aussi, alors qu'il confectionnait une potion dans son atelier, il ne pouvait pas s'empêcher d'être distrait. La potion prenait une couleur qu'elle n'aurait pas du prendre, et l'expert s'en agaça, tentant de focaliser son esprit sur le liquide pour rattraper les dégâts causés par son évident d'attention. L'arrivée d'Hestia dans le cabinet n'améliora cependant pas les choses, et le liquide prit rapidement une couleur verdâtre qui ne présageait rien de bon.

Je ne me sentais pas très bien. C’était pire qu’après une soirée trop arrosée, car au moins dans ce cas-là, je pouvais prendre une potion anti-gueule de bois. Il n’y avait aucun remède à ce que je pouvais ressentir ; seulement la proposition du Directeur de mon département sur laquelle je méditais depuis plusieurs jours déjà. Alors au lieu de rentrer directement après le travail, j’avais erré durant des heures dans le Londres moldu en espérant m’aérer un peu et combattre toutes les pensées négatives qui tournaient constamment dans ma tête. Pourtant, même ce côté de Londres n’arrivait plus à m’apporter du positif. La vie ici devenait de plus en plus insupportable. Ce n’était certainement pas celle que je m’étais imaginée quelques années plus tôt, alors que la menace des mangemorts n’était encore qu’un vague murmure lointain auquel personne ne prêtait d’intérêt. Sauf que ces monstres étaient bien réels, et il ne se passait pas une seule journée sans que je ne m’inquiète pour mes proches. Mais aussi et surtout pour Fabian. Dès que je quittais notre nid, je me passais en tête les pires scénarios. J’avais peur de rentrer le soir sans trouver personne dans ce cabinet où il faisait ses potions. J’avais peur que ce soit son double qui vienne me trouver, en m’annonçant une funeste nouvelle. Alors bien entendu, je n’arrivais pas à me concentrer sur mon travail. Un travail que j’adorais pourtant, avec une carrière qui aurait dû décoller il y a bien longtemps. Je n’arrivais même plus à croire aux belles paroles de la personne que j’aimais le plus au monde, comme si des détraqueurs se trouvaient constamment sur mes pas, volant toute once de bonheur ou d’espoir. Fonder une famille ici et maintenant ? Ce n’était clairement pas une option envisageable ; impossible de m’imaginer en belle robe blanche aux côtés de Fab. Comme si tout ce dont nous avions toujours rêvé n’était qu’un mirage. Mon autre moitié avait sans aucun doute remarqué la distance que je mettais entre nous, quant bien même ce n’était pas fait intentionnellement. Fabian était l’amour de ma vie ; et je ne souhaitais certainement pas qu’il se sente malheureux à cause de moi. Chaos professionnel et personnel, rien n’allait plus dans les deux mondes.

Finalement de retour, je poussais la porte du cabinet afin d’y pénétrer, après avoir posé mes affaires à l’entrée. Fabian était bien entendu aux fourneaux, en train de préparer une potion. Un mince sourire aux lèvres à cette vision, je réduisais la distance qui nous séparait. Je glissais mes bras autour de sa taille, afin de l’enlacer avec tendresse. « Hey you » dis-je doucement, en déposant un rapide baiser sur la joue de mon fiancé. Un rapide coup d’œil à la mixture qu’il préparait m’indiquait que je n’étais pas la seule à être perdue dans mes pensées ce jour-là. « Doesn’t look very good dear » je constatais avec une légère grimace, en parlant bien évidemment du contenant du chaudron. Je me lovais dans le dos de Fabian, un moyen comme un autre de repousser l'échéance d'une discussion qui s’annonçait probablement tout sauf agréable. J'avais besoin de croire à notre vie pendant quelques minutes encore, comme si tout allait parfaitement bien.

« Fabian, we need to talk » finis-je par articuler sans grande conviction pour le moment. Je me détachais à contre cœur de l'homme de ma vie, qui allait sans aucun doute me distraire par sa proximité. « On ne peut pas continuer comme ça, à faire comme si de rien n’était. » Un pas en arrière, je mis encore quelques centimètres de plus entre nous. « Cette vie… Londres… tout devient trop difficile à supporter. Le danger guette et je n’ai pas ton courage pour vivre sans y prêter attention. J’ai peur pour toi à chaque seconde où je ne suis pas à tes côtés, et encore plus lorsque tu décides de passer du temps avec un frère qui n’hésitera pas à se jeter dans le feu de l’action. » J’inspirais profondément, avant de terminer ma longue tirade : « Fab, let’s leave. » Nous en avions déjà discuté. Sauf que cette fois-ci, ce n’était plus une proposition ou une idée à méditer ; plutôt un ultimatum. Début de la fin, sans que je ne me rendre compte encore de la portée de ces mots.

Fabian se laisse faire lorsque Hestia l'enlace. Mais il abandonne surtout rapidement l'idée de sauver le liquide infâme qui se présente devant lui, ce qui arrache un commentaire à sa compagne, évidemment. Hestia le connaît mieux que personne, et les potions ratées ne sont pas vraiment dans les habitudes du médicomage, qui n'est pas non plus à son premier coup d'essai en ce qui concerne les potions anti gueule de bois. Alors il hausse les épaules. Il est distrait, et elle le sait très bien. Elle aussi est distraite, et la communication est plus que difficile ces derniers temps. Beaucoup de non dits, beaucoup de peur aussi. Fabian est un garçon réservé sur ses sentiments, tout l'inverse de Gideon qui est très expansif, et qui n'hésite pas à briser la glace à coup de discussions directes qui leur évitent bien souvent de tourner autour du pot finalement. Avec Hestia les choses sont différentes, plus complexes. Les deux sont définitivement sensibles à l'angoisse et à l'anxiété, ce qui ne les incite pas à forcément communiquer lorsqu'il en auraient besoin. Et si tout ça explique très probablement leur goût pour les joints de mandragore, ça ne les aides très certainement pas à régler les soucis qui se présentent à eux.

Quand Hestia, lui annonce qu'ils doivent parler, Fabian est donc aussi surpris que sur ses gardes. L'expression torturée arborée par sa future femme ne lui dit rien qui vaille, et un instant une lueur de panique vient animer ses yeux clairs. La conversation qui s'ensuit n'est pas franchement plus rassurante, et lorsque Hestia évoque l'idée de partir, Fab se raccroche au bois de son établi. Ce n'est pas la première fois qu'elle lui parle de partir, mais quelque chose dans son regard lui indique que l'issue de cette conversation là sera bien différente de toutes celles qu'ils ont eues auparavant. « J'ai toujours passé beaucoup de temps avec Gid. Lui non plus n'a pas très envie que je rejoigne l'ordre si tu veux tout savoir. J'ai un boulot à St Mungo, les mangemorts savent très bien où me trouver c'est vrai, mais on est pas moins en sécurité que nos amis. Ted & Andromeda risquent dix fois plus que nous, Gid aussi. Je sais ce que tu penses de mon frère Hestia, mais lui et moi on a jamais été séparés. Je ne pourrais pas me regarder dans une glace si je m'enfuyais comme un lâche pendant qu'il se bat ici. » Fab se doute que ce n'est pas la réponse qu'elle attendait, mais l'idée d'abandonner son frère ici, lui est difficile à envisager. C'est un Gryffondor, et si les temps son durs pour tout le monde, fuir ne réglerait pas le problème.

Il était difficile de continuer à se convaincre que tout allait bien dans le meilleur des mondes ; que tout allait bientôt s’arranger. La guerre s’éternisait, avec chaque jour de nouvelles victimes. On n’entendait jamais parler de la mort d’un Mangemort, seulement de ceux qui les combattaient au péril de leur vie. Encore un peu, et l’Ordre triompherait de son ennemi… Ces mots répétés encore et encore, ne me suffisaient plus à aller de l’avant. Il fallait faire un choix : survivre ainsi que je le faisais, telle une âme en peine, mais aux côtés de mon fiancé ; ou partir, aussi égoïste et lâche que cela paraisse, afin de profiter à nouveau pleinement de la vie. J’osais encore croire à une issue favorable. Une infime possibilité que Fabian se range de mon côté, et qu’ensemble, nous partions loin des affrontements, dans un endroit où l’on ne se retrouverait pas pris au milieu de deux feux. Notre position ambiguë n’était probablement d’aucune aide pour diluer toutes ces pensées sombres : non membres de l’Ordre, néanmoins proches ; travaillant au Ministère au contact des Mangemorts, sans pouvoir y faire grand-chose. Il était tellement facile de choisir la neutralité, sans se rendre compte de toutes les implications qui entouraient cette ligne de conduite.

Malgré moi, toute cette anxiété se répercutait inévitablement sur Fabian, que je ne parvenais plus à épargner. Pourtant, de nous deux, il avait beaucoup plus à perdre : Gideon en premier lieu, mais aussi son beau-frère Arthur, sa sœur Molly… une liste bien trop longue, et qui faisait pencher de façon inévitable la balance de leur côté. Si je m’inquiétais aussi pour eux, c’était surtout à nous que je songeais finalement. Accepte. S’il te plaît, s’il te plaît, accepte. Supplication intime que je contenais avec peine, dans l’attente d’une réponse de sa part.

Réponse qui ne tarda pas à arriver, et ce n’était pas celle que j’avais espéré entendre. Je déglutis difficilement en l’écoutant juger aussi sèchement cette proposition, qui, une nouvelle fois, se soldait par un échec cuisant. Ses arguments se tenaient, j’étais d’accord sur le fait que nous n’étions pas ceux qui prenaient le plus de risques ici. De plus, un ancien Gryffondor ne se laisserait pas prendre par les sentiments s'il s'agissait de fuir l'affrontement. Je soupirais lourdement devant cette impasse. « Au fond, je sais déjà tout ça Fab… mais j’espérais quand même que nous puissions nous éloigner du danger. Est-il seulement possible de concevoir encore un avenir ici ? » Contrairement à Fabian, je me sentais prête à abandonner l’Angleterre... à tout abandonner. Je ne tentais même pas de croiser son regard, alors que je m'apprêtais à lui faire une annonce déterminante, et qui sonnait probablement le glas de cette relation. « Le directeur du département m’a proposé un poste à New York. Et j’ai accepté, Fabian. Je pars. Avec ou… sans toi. » Le dire à haute voix me fendait le cœur bien plus que je me l'étais imaginée. Il n'y avait néanmoins plus de retour en arrière à présent, seulement le regret de ne pas avoir prolongé notre étreinte quelques minutes supplémentaires.

Fabian comprend qu'il est maintenant impossible de fuir la situation comme il l'a fait de trop nombreuses fois ces dernières semaines. Derrière les suppliques d'Hestia se cache un ultimatum inévitable qu'il est bien obligé de regarder en face maintenant qu'il est posé. Dans le fond il sait qu'elle a raison. L'avenir qui se profile est loin d'être radieux pour les nés-moldus et les traîtres à leur sang de son acabit, mais abandonner sa famille est au dessus de ses forces. Gideon, Molly, Arthur et leurs enfants ont besoin de lui, et il est évidemment frustré qu'Hestia ne saisisse pas forcément l'importance du sacrifice qu'elle lui demande de faire. Le calme Fabian s'emporte, faisant quelques pas de recul, après avoir digéré la nouvelle information qui vient de tomber. Elle a accepté. Sans lui en parler. Pas de façon claire en tout cas.

Il se laisse tomber tomber dans le fauteuil le plus proche pour prendre sa tête entre ses mains. « Tu as accepté. C'est donc un ultimatum Hestia ? » Il prend une inspiration, submergé par toutes les émotions qui l'assaillent maintenant que le sujet est définitivement sur la table. « Ca fait combien de temps que tu gardes ça pour toi, juste comme ça ? » Fabian secoue la tête, sans la laisser répondre tout de suite à sa question. Il est fâché, désespéré, et ne sait décidément pas comment prendre la nouvelle. « Je sais que la situation ici à Londres n'est pas idéale, mais elle ne s'améliorera pas si on se contente de fuir comme des lâches Hestia ! Toute notre famille est ici, et toi tu voudrais qu'on parte ? Tu ne crois pas quand même pas qu'il va s'arrêter au Royaume-Uni. On aura l'air de quoi dans notre appart à New-York quand un hibou viendra nous apprendre qu'on a perdu nos parents et amis ? » Il soupire et passe une main nerveuse dans ses cheveux roux. Ce n'est pas possible, tout ça n'est qu'un mauvais cauchemar.

«  Je ne peux pas faire ça Hestia. Je ne peux pas. » Il secoue la tête, agité par une vive panique. Il sait très bien que le refus aura des conséquences sur sa relation, mais les visages de Molly, Gideon, et des petits Weasleys se bousculent dans sa tête à un point ou il devient difficile de simplement les chasser. Il ne comprends pas. Hestia et lui ont pourtant toujours été sur la même longueur d'onde...

La proposition de mutation aux États-Unis était une opportunité inestimable pour l’ambitieuse Serdaigle que j’étais, en même temps qu’il s’agissait d’une précieuse échappatoire à la guerre. Et pourtant, Fabian voyait tout cela différemment. C’était sans aucun doute la première fois que nos points de vus divergeaient de la sorte, comme si nous étions d’irréconciliables opposés, ce qui ne manquait pas de me fendre le cœur. Pour la première fois depuis de nombreuses années, il perdait son calme. Je déglutis péniblement, chaque mot prononcé nous éloignant toujours un peu plus l’un de l’autre. Je ne parlais pas, me murant dans un silence duquel je n’osais pas sortir. D’autant plus qu’il n’y avait rien qui ne me venait à l’esprit pour répondre d’une façon suffisamment convaincante face à de telles paroles ; car selon lui, partir ainsi, c’était fuir comme des lâches. Effondré dans le fauteuil, la tête entre les mains, Fabian refusait une nouvelle fois de partir précipitant ainsi cette relation vers sa fin. Une fin inévitable sans aucun doute, qui pesait depuis quelques semaines déjà au dessus de nous, telle une épée de Damoclès.

« Je suis désolée Fabian. Je n’aurais jamais dû te demander de choisir entre ta famille et… moi » murmurais-je d’une voix cassée, tout comme mon cœur allait se briser, d’un instant à l’autre. Ces mots me blessèrent profondément ; parce qu’après toutes ces années ensemble, j’en étais venue à considérer Fabian comme ma famille. « Comme tu l’as dit, il ne s’arrêtera pas au Royaume-Uni, et peut-être qu’il est possible de le combattre autrement depuis un autre endroit, depuis New York. Ce n’est pas impossible à envisager, de même que partir ne signifie pas que nous n’aurions pas pu revenir, d’une manière ou d’une autre… » Nous étions des sorciers après tout, et ce n’était certainement pas les moyens de locomotion qui nous manquaient. Et pourtant, pas même la magie n’était susceptible d’être un argument suffisamment fort pour persuader Fabian. « J’ai… j’ai juste besoin de m’éloigner d’ici. Traites-moi de lâche ou d’égoïste si tu veux, mais je ne peux plus rester ici. Je ne me reconnais pas, tellement la situation actuelle m’angoisse. Alors oui, je préfère partir, même si… même si… » même si cela signifie être sans toi et même si je t'aime. Je n’arrivais pas à achever ma phrase, parce que le dire à haute voix était bien trop douloureux. Parce que je ne m’étais jamais imaginée autre part qu’aux côtés de Fabian Prewett. Je détournais la tête. Des larmes silencieuses coulèrent le long de mes joues, la souffrance si réelle.

Fabian n'était pas du type lâche, il ne l'avait jamais été. Il n'était pas non plus de ceux qui règlent les conflits avec d'excellents talents de communication. D'aussi loin qu'il s'en souvienne, il avait toujours eu, et contrairement à son frère Gideon, cette tendance maladive à éviter les conflits, repousser les discussions qui s'imposent jusqu'à ce qu'elles explosent sans qu'il n'ait le moindre contrôle sur celles-ci. La situation dans laquelle il s'était embarqué avec Hestia aujourd'hui, n'était pas une grande première, et pourtant cette dispute là allait engendrer des répercussions auxquelles le médicomage ne s'était pas entendu. Ses prunelles claires dans les siennes, Fabian affichait une mine inquiète que son front plissé par la contrariété venait souligner doublement. Les mots d'Hestia le heurtaient. Ils étaient maladroits sans nul doute, mais il ne put s'empêcher de pousser un soupir de frustration en marmonnant alors qu'elle continuait son monologue. « Tu es ma famille au même titre que Gideon ou Molly » Il secoua la tête. La conversation n'allait nul part, le mal avait été fait, l'ultimatum était posé. Hestia ne pouvait pas revenir sur ses paroles comme si de rien était. Encore moins comme ça.

Croiser son regard lui était définitivement insupportable. Il ne l'avait pas remarqué jusqu'à présent, mais alors qu'il prenait le temps de la regarder droit dans les yeux, l'évidence le frappait de plein fouet. Derrière la tristesse et la tristesse et le désespoir, il remarqua ce qu'il avait refusé de voir pendant toutes ces semaines passées à éviter la conversation. La décision d'Hestia était prise depuis longtemps. Elle partirait avec ou sans lui. Ce n'était pas quelque chose qu'il pouvait changer.

Fabian passa une main nerveuse dans ses cheveux. Les pensées se bousculaient dans sa tête et lui donnaient la nausée. Les choses auraient certainement été différentes si il s'était contenté de partager ses craintes avec Hestia. Si il avait pris le temps de considérer la situation, d'étudier l'idée sans la rejeter, d'argumenter son point de vue calmement et accompagné d'une bonne bierraubeurre. .. La prison que représentait son esprit à cet instant l'en empêcha cependant. Il se ferma alors à la discussion, ne partageant finalement que l'essentiel de son débat intérieur. « Je comprends. » Il ajouta, comme pour l'empêcher de s'enfoncer davantage dans des explications dont il n'avait pas réellement besoin. « Mais moi je vais rester ici. »

Obnubilée par un discours qui ne faisait que creuser un peu plus le fossé entre nous à chaque mot prononcé, la remarque de Fabian se perdit dans ce flot sans fin. Quand bien même j’y aurais fait attention, qu’est-ce que cela aurait changé ? Plus grand-chose, à présent. Le point de non-retour avait été franchi dès l’instant où la nouvelle de mon départ était tombée ; se faufilant, tel un poison invisible, et mettant ainsi un terme à de longues années de vie commune. De longues années à filer un amour parfait, avec un homme qui avait toujours été là à mes côtés. J’aurais dû savoir que les « always » n’étaient réservés qu’aux contes de fées. Ils n’étaient certainement pas faits pour un monde où un phénomène aussi malfaisant que Voldemort continuait à prendre de l’ampleur, avec des conséquences terribles pour tous ceux qui n’adhéraient pas à la vérité qu’il prêchait.

Un regard fuyant, la nervosité visible à l’œil nu pour une habituée. Rien pour me rassurer, pour me dire que finalement, j’avais raison, et que nous trouverions un moyen de continuer, malgré tout. Fabian ne laissait absolument aucune place pour un éventuel compromis, l’espoir de trouver une solution à deux, même si la décision avait été prise par une seule personne, sans jamais consulter l’autre ; ou du moins, pas ouvertement. Peut-être était-ce ce qui nous avait manqué : l’honnêteté, la franchise. Le timing était particulièrement mauvais, l’annonce maladroite, si ce n’est désastreuse.

Ses deux mots finirent par m’achever. Sans même argumenter en retour, dans une vaine tentative de sauver ce qui nous restait, il comprenait. Pourquoi était-ce aussi simple pour Fabien ? Pourquoi ne pouvait-il pas partager son débat intérieur avec moi ? La frustration était entière, la déception se mêlait à la tristesse ; un cœur en brisé en mille morceaux, en somme.

L’attachement profond que j’éprouvais à l’égard du rouquin m’empêcha fort heureusement de répéter les deux mêmes mots si pénibles à entendre. Ç’aurait été de la méchanceté pure et simple, qu’il ne méritait pas. Responsable, je l’étais résolument, et j’allais en assumer les conséquences aussi terribles qu’elles soient.

Il restait, je partais.

« Très bien. » Non, il n’y avait rien de bien dans le déroulement de cette conversation. Je regrettais déjà d’avoir franchi le seuil de l’appartement. Comment allais-je faire pour sortir de cet endroit, dans cet état de détresse émotionnelle dans lequel j’étais soudainement plongée ? Des repères perdus, Fabian perdu. Des certitudes bousculées, une vie entière chamboulée ; des plans d'avenir annihilés en l'espace d'une seule conversation. Il n'y avait clairement rien de bien, contrairement à ce que je m'étais forcée à dire.

Avais-je seulement le droit de vaciller en face de lui, alors que l’égoïste que j’étais venait de précipiter cette relation vers une fin amère ? « Je… » L’idée de devenir des étrangers l’un envers l’autre acheva de briser toute volonté de garder contenance. Les larmes continuaient de couler, et elles ne s’arrêteraient probablement pas pendant un bout de temps. Mon cerveau ne fonctionnait plus correctement, et je ne savais pas ce que je devais faire à présent. Quitter la pièce sans un mot ? Lui dire adieu ? Récupérer mes affaires du lieu de vie commun et partir comme une voleuse ? Non, il ne le méritait pas. Pas Fabian. « Je serais partie avant la fin de la semaine... » Un coup de baguette de magique et mes bagages seraient pliés. Et en attendant le fameux jour, j'allais rester chez mes parents, mon dernier refuge. Un endroit sans Fabian.

Les deux se regardaient, au milieu du joyeux bordel de leur appartement désordonné. Il n'y avait plus grand chose à faire désormais. Hestia avait pris la décision de partir, Fabian celle de rester envers et contre tout. Pour la première fois depuis bien longtemps, leurs mondes s'opposaient, se déchiraient. La communication qui aurait pu les sauver était rompue, envoyée sur les roses comme toute promesse d'avenir commun. Fabian procédait l'information affichant une expression énigmatique qu'il aurait été bien difficile d’interpréter. Il aurait dû la retenir, s'excuser platement d'avoir réagi de façon si abrupte. Ils auraient pu discuter, s'asseoir une minute. Il aurait servi deux Bierraubeurre et passé un bras rassurant autour de ses épaules. Il l'aurait suppliée de reconsidérer la situation, il lui aurait promis que tout irait bien. Ils auraient ajouté quelques sortilèges de protection autour de l'appartement, ou ils auraient décidé de partir pour New York en toute connaissance de cause. Beaucoup de solutions auraient pu être envisagées, beaucoup de compromis, mais le choc l'avait cloué sur place, et il n'avait été capable que d'un mur de silence. Il comprenait oui, argumenter ne servait pas à grand chose. Il vivait avec ce sentiment d'insécurité constant lui aussi, il admettait sans problème qu'il devienne invivable. Mais il avait des engagements familiaux, quelques chose au fond de lui d'éternellement Gryffondor. Il resterait jusqu'au bout, jusqu'à la fin. Et maintenant qu'elle avait décidé de partir, la mort ne lui faisait plus tellement peur non plus.

Alors il ne la retint pas, hocha la tête solennel, abattu. Son courage légendaire ne s'étendait pas à ce type de confrontation. Douloureusement risible sans doute, pour un homme prêt à se sacrifier pour une cause. « Comme tu voudras, il n'y a sûrement rien qui puisse te faire changer d'avis. » Il haussa une épaule, fuyant son regard pour se concentrer de nouveau sur sa potion. Le stress rendait ses gestes moins précis, moins efficaces. Le liquide se troublait, s'agitait. Il n'en ferait plus grand chose maintenant. Tout au mieux, l'affaire occupait ses mains tremblantes. Lorsque son regard croisa de nouveau celui d'Hestia. La détresse qu'il perçut dans le regard de son ex fiancée l'encouragea cependant à tenter une approche. Maladroite, probablement. « Je ne suis pas fâché, j'espère que tu trouveras ce que tu cherches à New York. » Lui continuerait de soigner mangemorts et alliés à Sainte Mangouste. Il ne se rendait pas compte de l'impression qu'il pouvait donner à Hestia en ayant l'air si résigné. Si le rouquin se protégeait surtout derrière ce prétendu manque d'émotions, l'autoprotection n'épargnait pas celle qu'il aimait pourtant tendrement.

La défaite était accablante, la rupture encore plus. L’heureux couple que nous étions était en train de vivre ses derniers instants, au milieu des effluves délétères d’une potion vraisemblablement ratée. Le néant s’infiltrait dans mon esprit embrumé ; ni passé, ni présent, ni avenir. Plus rien, si ce n'est un tiraillement douloureux dans la poitrine. Quand bien même tout était résolument de ma faute, quand bien même tout était limpide, assimiler ce qui venait de se produire était une tâche ardue. Quelques minutes auparavent, j’étais entrée dans cette pièce, avec l’intention de faire infléchir le rouquin, de le persuader de s’éloigner de Londres et du danger. Ce n'était certainement pas pour rompre.

À présent, tout était terminé. Et je ne savais pas ce qui me faisait le plus souffrir : le fait que Fabian ait refusé tout compromis ; ou bien peut-être sa mine résignée, alors qu’il ne tentait même plus de lutter pour nous, pour toutes ces années passées ensemble. « Non, rien. » La décision était prise. Malgré les conséquences terribles de celle-ci. Malgré les regrets qui ne s’étaient pas fait attendre. L’opportunité enchanteresse de travailler aux États-Unis était une bien maigre consolation face à l’immensité de la perte subie. Il ne me restait à présent que les si, pour le reste de mon existence.

Le regard fuyant, Fabian reprit la préparation. Comme si de rien n’était, en apparence tout du moins. Je fis mine de ne pas remarquer ses gestes imprécis, le tremblement de ses mains. Finalement, cette situation le touchait plus qu’il ne le montrait, même s’il n’était pas aussi expansif que je l’étais, avec mes larmes et ma soudaine incapacité à former des phrases un peu plus longues. Bien loin de l’éloquence dont j’avais fait preuve au début de cette discussion par ailleurs. Les mots du rouquin sonnèrent si lourdement, malgré le ton neutre et l’intention louable. « Je l’espère aussi. » Que pouvais-je ajouter ? Rien. Ou en tout cas, rien de bien. Certainement pas dans l’état où j’étais.

Alors je m’attaquais au dernier vestige de notre amour. L’anneau à l’annulaire glissa si facilement que mon cœur se serra un peu plus. Je l'aimais de tout mon être, au point de n'avoir jamais pu envisager un avenir sans lui à mes côtés. Il était mon tout, ma moitié. J'avais accepté de devenir femme avec une joie immense lorsqu'il m'avait fait sa demande. La preuve de son amour et de son engagement, je la portais chaque jour avec une certaine fierté. Fabian avait toujours été là pour moi. Et malheureusement, nos positions étaient irréconciliables cette fois-ci. Je déposais la bague de fiançailles sur la table de travail de celui qui était à présent mon ex-fiancé. Lui adressant un ultime regard empli de tristesse, je quittais la pièce. Je le quittais lui.