Get out and help me - Andreas

Alastor Moody à Poudlard. Il y a des années qu’il n’a plus mis les pieds au château et pour être tout à fait honnête, il n’avait jusqu’alors jamais eu la moindre envie de le faire. S’il est là aujourd’hui, c’est parce qu’il ne peut pas attendre plus longtemps. Les affaires sont urgentes : l’Auror pense avoir découvert un repère de Mangemorts, ou du moins utilisé régulièrement par plusieurs d’entre eux. Mission solitaire tout à fait en dehors de son travail pour le Ministère, il n’a personne avec lui sur ce coup et il se doit de s’en remettre au meilleur briseur de sorts qu’il connaisse pour l’aider à percer les défenses de la cache : Andreas Underwood, mec bizarre que Moody apprécie pourtant pour ses airs originaux et ses problèmes de vie sociale. Et accessoirement, Underwood est aussi professeur d’arithmancie à Poudlard.

Voilà toute l’histoire de comment un croûton bourru tel qu’Alastor Moody se retrouve à arpenter les couloirs d’un château qu’il n’a plus visité depuis belle lurette, après en avoir informé Dumbledore, sous les regards mi-impressionnés, mi-inquiets d’étudiants tous plus ou moins jeunes. Quant à ceux qui ne le reconnaîtraient pas, ils évitent soigneusement son regard. Il faut dire que Moody peut être effrayant avec son visage lacéré de cicatrices et sa démarche claudicante mais néanmoins déterminée. Et après tout, que fait un Auror à Poudlard ? De quoi ébruiter de petites rumeurs dans toutes les salles communes. Au moins, ces gamins se montreraient vigilants pendant trois jours, pense-t-il, un peu exaspéré.

Le cours d’arithmancie n’est pas terminé, Moody attend donc sagement à la sortie, frappant du pied sur la pierre froide, faisant les cent pas. Il n’a pas le temps pour ça, mais Dumbledore a été strict à ce sujet : il peut recruter Underwood pour cette mission si et seulement si ce dernier a terminé sa journée. « Cette cachette ne changera pas de place, Alastor », lui avait-il dit, et Alastor avait par conséquent acquiescé un peu par dépit, conscient qu’il ne ferait pas changer d’avis le chef d’établissement aussi facilement. Long soupir. Les minutes ne passent pas. Et soudain, une horde d’élèves se jette hors de la salle de classe. Moody attend qu’elle se vide entièrement, une minute de plus ou une de moins, avant de s’y engouffrer et de refermer bruyamment la porte derrière lui. Il s’appuie à cette dernière et pointe sa baguette sur le professeur.

- Underwood, l’interpelle-t-il. Cette fois où tu t’es retrouvé sur le terrain malgré toi, tu te rappelles ? On s’est fait ralentir par une saloperie de créature magique, laquelle ? Laquelle ?!

On n’est jamais trop prudent, quand on s’appelle Alastor Moody.

Ce cours d’arithmancie avait été très fastidieux pour le professeur, les élèves l’écoutant à peine et préférant s’échanger des messes-basses et des notes qu’ils pensaient discrètes. Andreas n’appréciait pas le bruit, surtout lorsqu’il devait expliquer pour la troisième fois qu’elle était la différence – pourtant si simple – entre nombre d’expression, nombre intime et nombre de réalisation. Il avait haussé le ton à une seule reprise, et le calme était revenu enfin, ce qui lui avait permis de terminer le cours dans un silence relatif. Il leur avait ensuite demandé de se mettre par groupe de deux et de rendre pour la semaine d’après un dossier complet et clair sur les trois nombres de leur binôme. Pressés de sortir, les quelques élèves le saluèrent brièvement avant de quitter la salle de classe du cinquième étage, aussi confortable que minuscule. Il poussa un soupir et passa une main dans ses cheveux, bien soulagé que la journée soit terminée.

Alors qu’il se servait de sa baguette pour animer le chiffon et effacer le tableau, la porte s’ouvrit avec grand fracas et se referma tout aussi bruyamment, ce qui fit sursauter Andreas qui en perdit sa concentration, le chiffon retombant de fait mollement sur le sol. Un homme d’une quarantaine d’années que le professeur connaissait, il n’oubliait jamais un visage, pointait sa baguette vers lui. Heureusement que Dumbledore l’avait prévenu de la venue de l’Auror, sinon l’on aurait retrouvé l’arithmancien en boule dans un coin de la salle. Ce n’était pas la première fois que les deux hommes se croisaient, il était donc assez habitué à sa paranoïa. Tant est qu'Andreas pouvait s'habituer à qui que ce soit. « Moody. Lorsque nous sommes allées sur le terrain le 18 août 1974, nous avons été ralentis en effet. Mais il y a un piège dans votre question, car ce n’est pas un mais deux Grapcornes qui nous ont attaqués, très vraisemblablement un couple et pour le moins enragés. Dois-je apporter plus de détails ? » il n’y avait là aucune ironie dans sa voix, tout d’abord car il aurait été bien incapable d’en faire mais aussi car il respectait cette facette de la personnalité de l’Auror. Andreas ne pouvait se plaindre d’une telle précaution alors qu’il imposait ses manies à tous. Qu’il disposait par exemple d’un thé spécifique à chaque occasion, qu’il se devait de répéter plusieurs fois les phrases dans sa tête avant de les dire et qu’il ne pouvait quitter sa chambre certains jours du mois.

« Albus Dumbledore m’avait prévenu de votre arrivée. Il n’a cependant pas pu me révéler la raison de votre visite pour des questions de … Sécurité. Que .. que puis-je faire pour vous ? » Andreas butait régulièrement sur ses mots, surtout lorsqu’il ne maîtrisait pas son environnement ou le sujet. Mais le professeur s’adossa à son bureau, le corps toujours trop droit et tendu, et créa un sort de protection autour de la petite salle, pour que personne ne les entende ou ne vienne les déranger. « Je vous écoute. »  

Moody acquiesce, convaincu. Underwood et précis, méthodique, rien d’étonnant pour un professeur d’arithmancie aux anxiétés multiples, de quoi combler toutes les attentes de l’Auror. D’un hochement de tête, il signale son approbation, rangeant sa baguette à l’intérieur de son long et épais manteau, sans pour autant quitter son poste. Droit comme un piquet devant la porte de la salle de classe, il ne se détend pas pour un sou.

- Ce ne sera pas nécessaire.

Le temps presse et Alastor n’a pas le temps de faire de chichis maintenant qu’il est assuré qu’il s’adresse à la bonne personne. Evidemment que Dumbledore l’a prévenu, Dumbledore prévient toujours et il valait mieux qu’il le fasse, en ce qui le concerne. Moody peut être brusque, imprévisible – c’est un peu ce qui le caractérise -, et réussir à envoyer son interlocuteur se balancer sous une table avec les deux mains sur les oreilles aurait bien été la dernière chose dont il ait besoin.

- J’ai besoin de tes talents de briseur de sorts, Underwood. J’ai trouvé ce qui pourrait être une planque de Mangemorts au Pays de Galles et tu es le mieux placé pour m’aider à faire sauter les protections de ce trou à rats. L’air grave, Moody toise le professeur du regard, lui laissant comprendre qu’il n’a pas beaucoup d’options possibles. Autant te dire que je ne peux pas accepter un refus et que tu me suis.

L’Auror est déjà en train d’ouvrir la porte, d’ailleurs, s’engouffrant à l’extérieur. Un portoloin les attend déjà à la lisière de la forêt interdite, exceptionnellement autorisé par Dumbledore pour l’occasion.

- Tu viens, ou tu comptes prendre racine ?

Ce n’était pas la première fois que l’on faisait appel aux talents de l’arithmancien en matière de maléfices et de sorts. Andreas avait d’ailleurs suspecté que s’il avait été aussi facile pour lui de devenir professeur c’était parce qu’Albus Dumbledore souhaitait avoir un briseur de sorts à ses côtés en cas de nécessité. Après tout, le mage ne laissait aucune chance au hasard et prenait chaque décision après mûres réflexions. « Il me faudrait savoir combien de temps cette expédition risque de nous prendre, et ensuite je vous suivrai Moody. » il aurait dû savoir que cette question agacerait l’Auror, mais il ne pouvait en être autrement pour Andreas. C’était une demande inutile puisqu’il l’accompagnerait quoi qu’il en soit, mais c’était aussi la seule manière pour lui de se rassurer et de quitter les murs de ce Château si réconfortants. Ce n’était pas pour rien qu’il avait choisi un poste de stratège plus que de guerrier dans cette guerre qui se préparait. « Très bien. »

L’Auror ouvrit la porte, déjà prêt à partir alors que le professeur continuait calmement de mettre de l'ordre dans ses affaires. Il poussa un soupir, ferma les yeux et récita une formule qui termina le rangement à sa place. « Mais je ne peux pas prendre ra… » Les métaphores et autres allégories n’étant pas son fort, Andreas s’était néanmoins entraîné à ne pas tout prendre au pied de la lettre et se rattrapa de justesse avant de passer pour un idiot fini devant Alastor. « Oh oui. Excusez-moi, je vous suis. »

Ils marchèrent en grandes enjambées jusqu’à la lisière de la forêt interdite où un Portoloin les attendait. En quelques minutes à peine ils se retrouvèrent devant la pierre qui aurait pu passer pour normale aux yeux de tous les étudiants, mais qui leur aurait donné l'irrépressible envie d'aller réviser leurs cours s'il s'était trouvé à proximité d'elle. « Bel enchantement !Mais, où allons-nous précisément ? » Il était hors de question pour lui d’utiliser un objet de transportation express sans savoir exactement son lieu d’arrivée.

Malgré toutes ses questions un tantinet agaçantes, Andreas ressentait une once d’excitation tandis qu’une odeur d’aventure emplissait ses poumons. Briser des maléfices lui manquait même s’il n’osait pas se l’avouer et qu’il n’aurait pu être sorcier d’action à temps plein comme c’était le cas pour Moody. « Allons y. »  

Moody lève les yeux au ciel, visiblement déjà agacé par le besoin urgent de précisions de la part de son équipier. S’il a besoin de son aide et s’il apprécie le personnage, leurs deux personnalités peu compatibles risquent à terme de monter à la tête de l’Auror qui se devra de faire preuve de patience, une qualité dont il manque cruellement. Il ne répond pas tout de suite et se contente de déambuler dans le labyrinthe d’escaliers du château. La démarche rapide, il ne prête pas la moindre attention à son interlocuteur qui peine probablement à le suivre jusqu’à son arrivée devant le Portoloin créé par ses soins.

Il hoche la tête, remerciement silencieux au compliment prononcé par le professeur. Moody, être à l’ego surdimensionné, sait qu’il est doué. Il apprécie qu’on le remarque. Pourtant, il n’en a jamais fait de tonnes, se contentant d’une satisfaction silencieuse. Il se retourne vers Underwood qui semble enfin prêt à s’en aller et, après un hochement de tête approbatif, ils s’évanouissent dans la nature, à plusieurs centaines de mètres de leur destination finale.

- Nous nous rendons dans une ancienne ferme à présent à l’abandon, pas loin d’une route abandonnée à une vingtaine de kilomètres de Swansea. À première vue, les sorts utilisés sont très puissants, je n’ai pas réussi à en venir à bout après plusieurs essais, c’est pour cette raison que je suis venu te chercher.

Alastor jette un regard satisfait au professeur qu’il sait parfaitement qualifié pour la tâche. II continue son discours tout en marchant à vive allure :

- Sois tranquille, cette cache est probablement abandonnée depuis plusieurs mois. J’ai passé des jours à la surveiller et je n’y ai remarqué aucun passage. Mais j’ai des raisons de croire qu’elle contient des informations très importantes qui permettraient de prouver l’identité de plusieurs Mangemorts. Il s’arrête alors, lançant un coup de menton vers le bâtiment qui se dresse devant eux. C’est là. Qu’est-ce que tu en penses ?