Substitution feat. Arthur Selwyn

D’une main assurée, Rabastan réajuste le nœud de sa cravate tout en scrutant attentivement le reflet que lui renvoie un miroir plein pied que sa mère avait cru bon de placer dans sa chambre dès son plus jeune âge. Il se souvenait encore des réveils au beau milieu de la nuit, à quatre ou cinq ans, l’impression que les reflets dans le miroir étaient mille créatures prêtes à le griffer… Terreurs nocturnes. Il en avait depuis aussi longtemps qu’il se souvenait bien qu’il prétende depuis de nombreuses années déjà que ce n’était plus le cas. Se penchant sur le miroir, Rabastan glisse ses longs doigts dans sa barbe soigneusement taillée, puis dans ses cheveux brun clair. Jusqu’à ce qu’une voix l’appelle, en bas des marches. Ça aurait dû être celle de sa mère. Mais c’est plutôt celle d’un de ses cousines qu’il entend. Ça le fait sourire. Nul doute que la matriarche des Lestrange avait envoyé cette cousine à sa place et bien contre son gré !

Il décide donc de ne pas plus faire attendre les invités… qui ne devaient de toute façon pas l’attendre puisque Rodolphus était déjà là avec, à son bras, sa parfaite petite femme. Parfaite aux yeux de bien trop peu de sorciers, tous milieux confondus, mais une femme exceptionnelle aux yeux de Rabastan. Il jalousait son frère d’avoir fait un tel mariage et peut-être sentait-il un brin de mépris en comprenant doucement qu’il ne semblait pas y attacher autant d’importance qu’il aurait dû ! Descendant les escaliers, Rabastan réalise que sa cousine a déjà disparue. Et elle est remplacée puisqu’il voit passer une silhouette courte, mais imposante à sa façon. C’était le charisme de cet homme, mais aussi ses airs de chien de garde qui lui donnaient cette prestance. Ça l’amusait. Et il sourit en croisant son regard.

« Bonsoir, Arthur. », salut respectueusement Rabastan, avec toutes les meilleurs manières que l’éducation Lestrange avait pu lui donner. Il ne se forçait pas pour dégager cette apparente noblesse. Comme tous les Lestrange, il l’accueillait à bras ouvert ! Les apparences étaient importantes pour Rabastan et il n’en souffrait guère. « Je soupçonne ma mère d’être dans le boudoir, si tu veux éviter de rencontrer une énième fois une de mes cousines. »

Sa mère croyait dur comme fer qu’un Sang Pur de 39 ans pas encore marié, c’était une vraie tragédie et essayait donc de régler ce petit problème à sa façon. Rabastan préférait mourir qu’être encore célibataire à 39 ans. Il avait un lignée à faire perdurer, n’en déplaise à Arthur Selwyn ! Mais, il comprenait bien pourquoi l’homme aurait aimé fuir la matriarche le plus possible aussi. S’arrêtant lorsqu’il atteint le bas des marches, Rabastan observe l’homme avec amusement. La relation entre eux était particulière. En public, il essayait de rester le plus noble et poli possible, ce qui était parfois mis à rude épreuve par les petites pique que se plaisait à lui envoyer Arthur pour le décontenancer ! Mais il n’y avait qu’eux dans le hall d’entrée, présentement. La soirée s’était transportée rapidement au boudoir pour les femmes et au salon pour les hommes.

« Quoique… », commence lentement Rabastan tout en jetant un coup d’œil à sa gauche. La cousine qui avait crié son nom du bas des escaliers était non loin d’eux, traînant un peu des pieds et désirant de toute évidence être abordée par Arthur. Mais elle file en réalisant qu’elle avait été prise la main dans le sac. Ça fait ricaner Rabastan, pour le coup ! « On se sent comment en tant que vieille croûte désirée par une jeune fille en fleur ? »

Ce disant, Rabastan reprend son air noble. Son père passait rapidement près d’eux… et voyait d’un mauvais œil sa complicité avec Arthur. En même temps, s’il arrêtait de le comparer à Rodolphus deux secondes, ça lui laisserait peut-être la chance d’apprendre à mieux le connaître…

« Si tu pars maintenant, je te jure que je t'arrache la tête et que je te crève les yeux. »

Arthur menace Antonin, mais ce dernier l'abandonne en un froissement de cape et un sourire amusé, le laissant seul avec la jeune femme qui cherche visiblement à obtenir de lui bien plus qu'un simple échange verbal. Elle le toise, s'approche, glisse une main dans le bas de son dos et se met sur la pointe des pieds afin de lui murmurer quelques mots à l'oreille. Même si Selwyn n'est pas du genre à se montrer courtois pour bien paraître, il se doit néanmoins d'être relativement poli avec les filles de la famille Lestrange. Après tout, il se trouve bel et bien au sein de leur manoir. Il glisse une main dans son dos afin d'attraper le poignet féminin, laisse son autre main se poser dans le creux de son cou afin de la rapprocher de lui.

« Trouve quelqu'un de ton âge. »

C'est loin d'être une proposition puisque Selwyn fait rarement dans la suggestion. Il ordonne.

Elle est jeune, sensuelle et particulièrement attirante, mais si le mangemort sait déjà qu'il pourrait s'amuser avec elle le temps d'une soirée, ce n'est pas ce dont il a envie, ce soir. À vrai dire, il avait prévu autre chose aujourd'hui - torturer un certain bâtard, par exemple - et la lassitude le gagne déjà à l'idée de devoir rester tranquille et de faire bonne figure devant la haute bourgeoisie sorcière. Néanmoins, la réputation de sa famille est trop importante à ses yeux pour qu'il se permette de tout gâcher et lorsque la jeune femme tente une nouvelle approche en effleurant son cou de son souffle et en mordillant sensuellement le lobe de son oreille, Arthur la laisse faire quelques secondes avant de la repousser d'un geste blasé et mécanique.

« Retourne à tes poupées. »

Il tourne les talons et l'abandonne sans aucune cérémonie, rejoint le bas des escaliers alors que Rabastan y fait justement son apparition.

« Rabastan. »

Il incline la tête afin de le saluer et lui offre même un sourire qui aurait pu se faire rare ce soir-là. Il lui plait, ce gosse. Non seulement il lui a déjà montré ce qu'il vaut, mais en plus, tous deux semblent avoir noué un lien particulier et Arthur ose bien espérer que le cadet Lestrange n'est pas suffisamment sot pour le trahir un jour. Ce serait dommage de devoir se débarrasser d'un Sang-Pur.

Un rire froid quitte ses lèvres lorsque Rabastan reprend la parole afin de lui parler de sa mère et de sa manie à vouloir le caser.

« Je la comprends de vouloir un Selwyn dans la famille. Faut bien remonter le niveau. »

Son ton n'est ni amusé, ni sérieux et c'est sans doute assez difficile - comme toujours d'ailleurs - de deviner si Arthur s'est enfin laissé allé à une blague de mauvais goût ou s'il pense chacun des mots qu'ils prononce. Un peu des deux, probablement. L'aîné Selwyn fronce d'ailleurs les sourcils et suit le regard de Rabastan jusqu'à poser ses iris sur une femme encore plus séduisante que l'autre. Décidément, le mangemort avait oublié à quel point les femmes étaient belles dans cette famille et ce n'est pas pour lui déplaire puisque la vue est agréable et que ses prunelles sont satisfaites.

« Une ? J'en vois déjà deux. » lance-t-il à la volée avant de reporter son attention sur son jeune protégé. « Elles peuvent toujours essayer. Mais je ne suis pas un romantique et je les préfère un peu plus persévérantes. Moins lâches. »

Un euphémisme pour dire qu'il ne fait pas dans la dentelle, probablement. Une façon de lui révéler qu'il n'est pas doux et qu'il ne compte pas l'être non plus. La fille a détalé lorsqu'elle a compris que son petit jeu avait été mis à nu et Arthur appuie son épaule sur le mur, nonchalant, lorsque le père Lestrange passe à proximité.

« Ton paternel ne m'aime toujours pas. Il devrait en parler à ta mère. » Elle finirait bien par le lâcher et offrir ses nièces en pâture à quelqu'un d'autre. « Je compte rendre visite à Walsh demain, je parie qu'il sera vraiment heureux de me voir. Tu m'accompagnes ? »

Kieran Walsh. L'ancien amant sang-mêlé de sa soeur, avec qui elle a eu une gamine qui se trouve présentement à Poudlard. Arthur profite de cette situation pour obliger le propriétaire de bar à libérer son établissement pour les rencontres et les réunions importantes entre les mangemorts ; la menace de s'en prendre à la fille de Walsh s'avère d'autant plus réelle en sachant que le mangemort n'a absolument aucun scrupule à tuer les enfants si c'est pour faire passer un message clair. Oups.