Homesicked - Andie ♥

Charleroi, Belgique – mai 1978.

Trois mois se sont écoulés depuis que les Tonks ont fui Londres avec leur fille pour rejoindre la Belgique, terre d’accueil de fortune dont ils n’avaient jusqu’à présent entendu que du bien – la bière et les frites ayant fortement influencé le choix de la destination. Ils n’avaient pas été déçus de l’accueil que leur avaient réservé les belges, logeant dans un appartement peu coûteux, de fait peu confortable également mais dont la propriétaire était à leurs petits soins. Et sous l’appartement, comme une évidence, l’un des seuls pubs sorciers de la région, un pub irlandais aux lumières tamisées permettant à la petite famille de passer incognito au milieu des francophones. La vie londonienne était devenue bien trop dangereuse, l’agression de Ted dans les locaux de la BBC avait fait déborder un vase déjà bien rempli et ils avaient dû s’en aller bien vite, loin de tout, sans prévenir personne d’autre que les parents de Tonks et leurs boulots respectifs.

Pourtant, assis à cette table, dans ce pub sombre, Ted soupire. Dora est bien assise sur ses jambes et sirote une boisson chaude. Le blond dépose un léger baiser sur le haut de son crâne et les cheveux de la demoiselle se colorent instantanément d’un rose qu’il ne voit plus assez apparaître à son goût, signe selon lui que Nymphadora souffre également de la situation. Tonks veut rentrer. En réalité, il n’a plus le choix. Et si son mal du pays est si présent, ce n’est pas cette excuse qu’il prend pour convaincre sa femme.

- Ma mère m’a contacté, soupire-t-il, frottant sa barbe mal taillée dans un geste las. La BBC me réclame. Ils sont prêts à offrir mon poste à mon remplaçant si je ne rentre pas.

Ted n’est plus que l’ombre de lui-même. Cheveux laissés longs dans une coupe qu’il est seul à trouver sympathique, barbe qui le vieillit d’au moins dix ans, son mal-être est bel et bien visible. Si la Belgique leur a offert une belle opportunité de souffler, rester loin de sa famille le rend malade. Il ne peut s’empêcher d’imaginer les scénarios catastrophes où l’un ou l’autre mangemort s’en prendrait à eux faute de trouver mieux à faire et tous les sortilèges protégeant la demeure familiale ne suffisent plus à calmer ses angoisses. Ces peurs additionnées aux menaces de la BBC ont raison de lui.

- On doit rentrer, Andie. Je sais que c’est mieux pour Dora d’être ici, mais on peut trouver des solutions. On est partis sur un coup de tête et on se planque, et tout va bien comme ça, mais la guerre continue. Je veux pouvoir garder un œil sur ma famille. Reprendre le boulot. Aider. Je veux dire, la Belgique, c’est bien – c’est même très bien -, mais…

Mais Ted Tonks n’est pas fait pour être isolé et Ted Tonks, fidèle à lui-même, veut se battre quand le monde entier lui crie de fuir. On ne le changera plus.

Et il laisse échapper un nouveau et long soupir.

Ils le savent, ce n'est qu'une question de temps avant qu'ils ne rentrent au Royaume-Uni. Partir avait été une bonne idée après l'agression de Ted. Ils avaient pu profiter du calme et de la bière sans craindre pour leur vie le temps de quelques mois trop courts, mais force est d'admettre que ça ne les empêche pas de s'inquiéter pour leurs proches, de se sentir coupables aussi. Coupables d'avoir fui comme des lâches en laissant leurs proches mourir à leur place. Si leurs amis ont compris leur décision, il reste difficile pour Ted et Andromeda de faire comme si tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes alors que Voldemort sévit toujours de l'autre côté de la Manche. Ils le savent, la tolérance peut coûter une vie, et manger des frites dans un pub belge en se fichant de ce qui peut arriver à leurs proches n'est pas quelque chose qui leur ressemble finalement. Un simple regard sur leurs avant-bras suffit à relever toute l'ironie de cette lâcheté. Il est temps de rentrer.

Des conséquences, il y en aura, c'est plus que certain, mais la traître à son sang et son sang de bourbe de mari ne peuvent décidément pas passer leur vie à se cacher. La nouvelle d'un ami tombé au combat avait achevé de les convaincre ou presque. Le look négligé de Ted avait fait le reste.

« Je sais. » Andromeda répond sans chercher à le contredire. Un sourire à la fois moqueur et tendre s'esquisse au coin de ses lèvres « T'as aucune intention d'aller chez le coiffeur ici de toute façon ? » Autant limiter les dégâts. La fille Black n'est pas sûre d'apprécier le nouveau look de son mari. « Je suppose que tu ne me laisses pas vraiment le choix. » Ils échangent un regard, il sait qu'elle est d'accord avec lui. « On se contentera de Peroni dans ce cas. »

Ted rit doucement. S’il trouve un certain charme à son nouveau look de fugitif, il ne convient apparemment pas à sa femme – et le monde entier sait que les épouses finissent toujours par obtenir ce qu’elles veulent. Mais il n’est pas l’homme qu’il était en quittant le Royaume-Uni et non, bien sûr que non, il n’imagine pas une seule seconde se couper les cheveux et se tailler la barbe tant qu’il aura les pieds sur le sol belge. Prendre soin de soi, c’est réservé au Tonks londonien. Pas au carolo.

- T’aimes vraiment pas que je fasse ressortir mon côté hippie, mmh ? Dommage.

Il hausse les épaules, Dora toujours sur ses genoux. S’il se prend à plaisanter, c’est un goût amer qui reste malgré tout dans le fond de sa gorge lorsqu’il pense au temps qu’ils perdent à se cacher au fin fond de la Belgique alors que la guerre fait rage dehors. Andie semble d’accord avec Ted, cependant, comme si l’un attendait que l’autre confirme son ressenti avant d’oser le partager. Le visage du blond s’illumine un peu, un semblant de sourire s’y formant.

- On rentre, alors ?

Dora lève la tête.

- On rentre, maman ? Dis oui ! J’aime pas ici, c’est moche !

Tonks rit, comme animé à nouveau.

- Promis, je me couperai les cheveux. Peut-être.

Andromeda arque un sourcil, elle ne sait pas d'où Ted tire l'idée que son look ait quoi que ce soit à voir avec un look hippie. A une époque il aurait pu tout à fait la berner, mais plus maintenant que le monde moldu n'a plus de secret pour elle. Tout ce dont il a l'air, c'est d'un baraki qui se laisse un peu trop aller à son goût. Le complexe d'infériorité vis à vis de Lucius doit cesser au plus vite. Et puis sans les frisettes le look Hippie n'a que très peu de charme selon la fille Black. « Je préfère ton côté Punk, et la BBC a un faible pour ton côté BCBG. Je croyais que tu voulais récupérer ton job. » Elle précise en lui donnant un petit coup de coude affectueux. Le charmant Ted de la télévision au sourire colgate  et aux cheveux soyeux prend cher ces derniers temps.

Amusée par la réaction disproportionnée de Dora, Andromeda secoue la tête avant de répondre aux deux Tonks. « On rentre oui. » Le regard de la brune croise celui de Ted qui promet de se couper les cheveux. « Bien, je ferais pareil que toi. Il n'y a plus qu'à préparer notre entrée théâtrale maintenant. »  Elle avale une gorgée de bière, en songeant qu'il faudra remplir les valises de bières belges avant de retourner au pays des petits pois pas cuits, juste histoire de rincer tout le monde avant de retourner à le Peroni. La traversée sera longue, surtout si elle doit tenir les cheveux (trop longs) de Ted à cause d'un mal de mer plus que prévisible. Très Punk of them de redécorer le ferry d'ailleurs. « Un dernier cornet de frites et on rentre faire les valises ? » Quand même. Qu'il y ait quelque chose à vomir à l'idée de recroiser Dolohov au moins.