Chronologie
3 décembre 1936 – Mariage de Simon Ledoux (moldu) et Hélène Beauregard (sorcière).
15 juillet 1942 – Naissance à Lourmarin, village provençal. Cadette d’une fratrie de cinq enfants, deux garçons et trois filles.
1942-1953 – Enfance malheureuse.
1953– Entrée à Beauxbatons (
Anecdote n°1)
Juin 1960 – Diplômée, 4 « O » au compteur.
1960-1968 – Etudes supérieures dans l’Etude approfondie des moldues.
1969 – Voyage solitaire et initiatique autour du monde.
1970 – Entrée dans le corps professoral de Poudlard, Professeur d’Etude des Moldus (
Anecdote n°2)
1971 – Rencontre de Lust Whitaker. (
Anecdote n°3)
Juin 1972 – Rupture et départ pour la France, enceinte.
Décembre 1972 – Naissance de Eydis Ledoux (Whitaker). (
Anecdote n°4)
1976 – Retour en Angleterre, reprise du poste de Professeur à Poudlard.
1977 – Hélène Ledoux diagnostiquée : tumeur au cerveau.
♚♚♚
Entrée à Beauxbâtons, entre limites et libertés
6ème année. La pire ou la meilleure.
Assise sur la porcelaine froide du lavabo des toilettes des filles, je froissais entre mes doigts oblongs le parchemin libérateur qui venait d’arriver. Un hibou inconnu, à l’air fier et hautain, m’avait tendu une patte dédaigneuse pour que je délivre le précieux sésame. La lettre était signée d’une écriture presqu’illisible et italique que je ne connaissais pas, pourtant, elle était porteuse d’une douce félicité et je chérissais secrètement l’anonyme qui m’annonçait si bonne nouvelle.
« Miss Cassandra Ledoux,
J’ai le regret de vous informer que votre père, dans le coma depuis plusieurs semaines déjà, a succombé cette nuit. Le rapport médical est à votre disposition, je peux, à votre demande, vous faire parvenir un double de celui-ci.
La raison médicale tenue est la suivante : overdose d’héroïne, drogue moldue.
Ne parvenant toujours pas, malgré mes nombreuses tentatives, à contacter votre mère ou l’un de vos frères et sœurs, je vous prie de me faire savoir par retour de hibou les modalités que vous souhaitez mettre en place pour l’enterrement du corps dans les plus brefs délais.
Je vous prie, Miss, d’accepter mes plus sincères condoléances,
Cordialement,
Horald Stuborn, Médicomage à Saint Mangouste »
Un sourire amer se dessina sur mes lèvres. Il était mort. Mon père. Mort. Des années qu’il levait la main sur moi, des années qu’il écrasait consciencieusement ses cigarettes sur mon corps, et voilà que la Faucheuse était venue réclamer son âme. Comme la meilleure des drogues, le bonheur et l’euphorie s’insufflèrent dans mes veines, libératrices. La haine trop longtemps contenue se transforma en satisfaction, la peur devint soulagement.
Avec minutie, je déchirai la bonne nouvelle et la laissai choir au fond d’une corbeille laissée là. Glissa du lavabo avec souplesse, je quittai les toilettes d’un pas léger. Quand j’arrivai dans le dortoir, Eulalie était déjà là. Allongée sur son lit, une cigarette à la bouche. Elle me jeta un bref coup d’œil en recrachant la fumée âcre et mentholée.
─
Où t’étais passée ? J’haussai les épaules et venant m’asseoir au pied de son lit. Ma bonheur humeur était contagieuse et bientôt, Lalie m’adressa un sourire amusé.
─
Je sais pas ce que t’as pris, mais t’as l’air d’être à milles lieues d’ici.─
Mon père est mort. Lalie ouvrit de grands yeux. Ma meilleure amie mit plusieurs secondes à réaliser, et soudain un cri suraigu s’échappa d’entre ses lèvres. Elle se précipita sur moi et me serra dans ses bras, à la manière d’une sœur, d’une mère peut-être.
─
C’est la meilleure nouvelle que j’entends depuis que Jaime McGrath a quitté Lana Storm pour son petit frère. J’éclatai de rire à mon tour et c’était comme si tout ce bonheur contenu ces dernières minutes, explosait sous les rires cristallins d’Eulalie. Et Merlin que ça faisait du bien, de rire. De savoir que plus jamais, je n’aurai à craindre mon retour à la maison. Plus jamais mon père ne m’attendrait à l’entrée de ma chambre, une ceinture à la main. Plus jamais il ne me demanderait d’allumer ses cigares pour mieux les écraser sur le creux de mes reins, de ma gorge, de mes jambes.
Bien sûr, ce bonheur arrivait trop tard. J’étais déjà devenue celle que je n’aurais jamais voulu être. J’avais hérité du vice de mon père drogué et de ma mère prostituée, mais qu’importait. C’était trop tard. La bonne nouvelle, c’était qu’à présent, je ne dépendais plus d’aucun homme. Quand aux autres, ceux qui espéraient secrètement entrer dans mon cœur et dans mon lit, ils seraient ma vengeance. Ceux qui subiraient mon enfance difficile et mon adolescence de débauche.
♚♚♚
L'Angleterre, renaissance
Le directeur n’était pas l’un de ces hommes qui se laisse impressionner par un décolleté pigeonnant ou des cils un peu trop longs, un clin d’œil égaré ou une main effleurée. Il était charismatique, grave, sérieux, et fascinant. Ses yeux dans les miens me donnaient la chair de poule, moi qui avais pour habitude d’étonner, j’étais à présent absorbée par cet homme qui semblait être bien plus qu’un directeur d’école.
«
Bien, Miss Ledoux, nous savons tous les deux pourquoi vous êtes ici et très sincèrement, votre passé inhabituel n’est pas en votre faveur. »
Je restai muette. Mon passé de toxicomane n’était pas passé inaperçu, quant à savoir s’il était extralucide ou juste un peu trop bien renseigné, le mystère demeurait entier.
Songeuse, je réfléchis un instant à ma réponse, avant d’enfin me lancer.
«
L’avantage avec le passé, c’est qu’on y découvre des erreurs à ne plus renouveler. Je suis consciente de ce que je vous demande. Un poste dans votre établissement... bien sûr c’est sans doute ce que demande des centaines de candidats, mais j’ai travaillé très dur pour y arriver, je crois que vous devriez me laisser une chance. J’en suis intimement convaincue en réalité… »
Sans doute l’un de mes pires défauts, j’étais bien trop sûre de moi. Cependant, je n’avais pas menti. J’avais travaillé de longues années au perfectionnement de mon niveau magique, dans l’unique but d’intégrer cette école en tant que professeur. J’avais beaucoup à enseigner à mes élèves, je voulais ce poste, à tout prix.
«
Pourquoi vous et pas une autre ? »
«
Pourquoi une autre et pas moi ? répondis-je au tac-au-tac, un air mutin sur le visage. » J’haussai finalement les épaules et soufflai-je à demie voie «
Je suis issue d’un couple mixte et connais parfaitement le monde des moldus. »
«
Mais encore ? »
«
Parce que je ne suis pas comme les autres, mon passé justement m’a initié à bien des choses que les autres petits premiers de classes n’ont jamais vécu. Je saurais être proche de mes élèves, car je sais ce qu’ils vivent. Ne nous leurrons pas, l’adolescence est une période complexe et difficile, et je pense connaître le mal être de certains de ces ados assez bien pour pouvoir les aider à sortir plus grand de cette passe compliquée. Je ne prétends pas être Merlin, mais j’ai voyagé pendant de nombreuses années pour avoir le niveau de cette école, et je suis persuadée qu’il s’agit de ma vocation. »
«
Comment vous qualifieriez vous ? Quelles qualités, quels défauts ?»
Cette question me déstabilisa quelque peu. Comment je me qualifierai ? Je n’en avais pas la moindre idée, car si ces quelques années autour du monde m’avaient appris bien des choses, je ne savais toujours pas qui j’étais vraiment.
«
Je dirais patiente et pédagogue, passionnée et calme. Quant aux défauts, j’imagine qu’ils sont bien nombreux. Je me sais froide et parfois un peu sauvage. Je peux parfois me montrer irritante, et grinçante. Je ne suis pas parfaite, mais j’y travaille… » ajoutai-je avec un petit sourire discret.
J’avais peur qu’il me demande des détails sur mon passé, je n’avais aucune envie d’évoquer mes parents, ni mes déboires dans les plus précis détails. Il sembla le comprendra d’ailleurs, il se leva, me serra la main et me raccompagna à la sortie.
«
Nous nous reverrons Miss Ledoux. »
C’était là le début d’une aventure débordante d’intrigues, d’humour et de passion vengeresse. Je fis ma première rentrée à Poudlard en tant que professeur d'Etude des Moldus le mois qui suivit.
♚♚♚
Passionnant et passioné
J’avais longtemps cru que j’étais venue sur terre pour enseigner. En fait, c’était pour tomber amoureuse. L’une de ces histoires dramatiques qu’on ne voit que dans les films, celles qui construisent et détruisent à la fois, qui nous font ressortir plus grands et amoindris en même temps. Il avait dix ans de moins, et c’était un élève.
J’aurais dû avoir honte, j’aurai dû me dénoncer. Pourtant, chacune des nuits passées avec lui me persuadait de me taire un peu plus encore. Avec le recul, je crois que nous nous sommes fait bien plus de mal que de bien, au point de nous déchirer, de nous haïr, d’être violents. Combien de fois ma main s’est levée pour claquer contre sa joue glabre ? Sans doute autant de fois que ses mains ont serré mes bras frêles pour mieux me contrôler.
Pourtant, je chérissais chacun de ces bleus, chacune de ces disputes, chacune de ses insultes, parce qu’elles me rendaient plus vivante que je ne l’avais jamais été. Je frissonne encore au souvenir de notre idylle, érigée sur l’autel de la destruction. Il m’avait aimé, et je l’avais aimé en retour. Il m’avait voulu passionnante, j’avais été passionnée.
Le seul qui savait susurrer « Cassie » dans le creux de l’oreille sans que mes poils s’hérissent, le seul qui ait jamais eu le droit d’embrasser les cicatrices blanchâtres de mes brûlures, vestiges d’une enfance difficile. Le seul qui j’ai présenté à ma mère en murmurant « Maman, je te présente l’homme de ma vie ». Le seul que j’ai aimé et haï à la fois, le seul que j’ai aimé détruire et qui m’a détruite en retour.
♚♚♚
Un rêve étrange et pénétrant
Deux mains protectrices sur mon ventre rebondi. Je les sens chaudes et douces à travers la chemise de nuit de l’hôpital. Dans ma nuque dégagée, un souffle brûlant me rassure, et j’incline légèrement la tête dans un soupire satisfait. La douleur n’est plus, les contractions pourtant si fortes ont disparu.
Je me sens sereine, forte. Prête à affronter ce qui m’attend. Comment pourrait-il en être autrement, puisqu’il est là, enfin. Je l’ai attendu si longtemps, neuf longs mois, durant lesquels mon ventre a été privé de ses caresses si tendres et lubriques dont il était addict autrefois. Bientôt, son menton se pose sur mon épaule, et je sais que nous regardons tous les deux dans la même direction. La capitale s’étale sous nos yeux, pourtant, ni lui ni moi ne pensons à cela.
Au contraire, nous ne pensons qu’à ce qui se passe dans mon ventre, mes mains ont déjà trouvé les siennes sur mon nombril, et nous nous amusons ensemble à chatouiller notre petite fille qui ne saurait tarder. Il murmure quelque chose en Islandais, et je sais que ces mots tendres ne sont pas pour moi. Ils sont pour sa fille, tant chérie, tant désirée, tant attendue.
─
On ne va pas tarder à la rencontrer enfin, murmurai-je.
Il ne répond pas, mais je le sens sourire dans mon cou. Ses lèvres trouvent ma peau et s’en repaissent avec lividité. Nous vivons nos derniers instants de couple sans enfant. Bientôt, nos nuits de luxure seront remplacées par des biberons et des couches. Mais nous en sommes si heureux que nous oublions déjà ces moments de quiétude, trop impatients de sombrer dans la vie tourmentée de deux jeunes parents transis d’amour pour leur progéniture.
Je vois son reflet dans le miroir. Ses bras musclés autour de moi, sa chevelure noire et hirsute qui me chatouille les lobes, son sourire en coin, discret. Il n’est pas de ceux qui étalent leur bonheur, pourtant, jamais je ne l’ai vu si paisible, si épanoui. Je ne l’ai jamais autant été non plus. Je me laisse aller contre son torse réconfortant, et soudain une pointe s’insinue dans le bas de mon ventre. Je grogne, la contraction est plus forte que toutes les précédentes. Je sens que ça tire, en bas.
─
Elle s’agite, je marmonne entre mes dents serrées.
Mais il est déjà passé devant moi. Agenouillé, il pose deux mains protectrices sur de chaque côté de mon ventre et remonte doucement la chemise de nuit. Ce moment qui aurait pu être excitant et plein de concupiscence se transforme en un moment chaste et pudique. Il pose ses lèvres chaudes sur mon ventre ondulant, et je l’entends chantonner un air. Il ne l’a jamais vraiment admis, mais Lust était né pour la musique, plus que pour tout le reste. Sa voix grave et apaisante résonne à travers mon épiderme, et notre fille agitée s’immobilise, sans doute pour mieux tendre l’oreille.
Je me tiens là, à moitié nue entre les mains sculptrices de mon amant, et je l’écoute, je le regarde parler à notre fille. Je suis un peu honteuse, je me sens presque étrangère à cette relation qui se tisse déjà entre le père et sa perle précieuse. Je détourne les yeux, je me sens coupable d’assister à un tel échange. Pourtant, quand Lust relève ses yeux mordorés vers moi et que je croise son regard bouleversé, je sais que j’ai ma place ici. Que nous sommes une famille.
─
Je t’aime.Ma voix n’est qu’un souffle, un murmure coincé dans ma gorge. Je ne sais même pas si je l’ai vraiment prononcé ou si mes lèvres se sont contentées de bouger. Il ne me répond pas cependant. Et je sens la frustration monter, au fur et à mesure que la douleur se fait sentir. Il ne répond pas et je réalise avec effroi que je ne me souviens plus vraiment du son de sa voix. Ni de son rire, pas même que de la douceur de sa peau.
Je ferme les yeux un instant, je sens que je perds pieds.
Et soudain, une main fraîche sur ma joue. Ce n’est pas la sienne, car ses doigts n’appuient pas sur mes pommettes comme il l’a toujours fait. Je rouvre les yeux.
Je suis bien dans cette même chambre d’hôpital, mais allongée dans le lit, les couvertures rabattues au fond de celui-ci. La salle est pleine de monde, des gens qui crient, des gens qui s’agitent, et à côté, ma mère. La main posée sur ma joue lui appartient.
─
Maman ?Mes yeux papillonnent.
─
Elle revient à elle ! crie l’une des sage-femmes dans la pièce.
Cassandra, il faut pousser, maintenant. Je regarde ma mère, elle me sourit comme elle ne m’a jamais souri. Un sourire doux et aimant, maternel et réconfortant. Sa main s’empare de la mienne. Je murmure :
─
Il n’est pas là, maman, il ne viendra pas…Elle comprend immédiatement que je parle de Lust. Elle pose une main dans mon front, et s’approche doucement pour y déposer un baiser, puis approche sa bouche de mon oreille.
─
Non chérie, il ne viendra pas. Mais je peux lui écrire un hibou et lui dire de venir si tu le souhaites. ─
Non… Il ne doit pas savoir que nous sommes rentrées. Sa carrière, le Quidditch… il ne me le pardonnera jamais.