grandma for a day ≡ trixie

Ingrid n’était pas en avance. Les aiguilles de sa montre semblaient avancer à toute vitesse, laissant à peine le temps à la jeune femme de s’habiller correctement. Le directeur du département l’avait retenu un peu plus longtemps que prévu ce qui, par conséquent, lui avait laissé moins de temps pour se préparer à son rôle de grand-mère de substitution accepté à la dernière minute. « Ne sois pas en retard, ne sois pas en retard, gnagnagna… ! » grommela la brune de 28 ans, en se souvent des paroles de Norma Ridley. Ingrid se demandait parfois si cette grand-mère n’avait pas un Troisième œil dissimulé quelque part, tant elle était perspicace. Ou peut-être était-ce en raison de son âge avancé qu’elle voyait le monde d’un œil différent, et il ne lui avait pas échappé que la brune n’était pas la reine de l’organisation. La grand-mère Ridley ne lui avait pourtant pas demandé de dépoter une mandragore : aller à la rencontre sa petite fille adorée et ne pas arriver en retard à l’heure du rendez-vous. La seconde mission était déjà compromise, et Ingrid espérait se rattraper en réussissant la première avec brio.

Saisissant au passage sa grosse écharpe d’hiver préférée, Ingrid quitta son appartement. Celui-ci étant entouré de divers Sortilèges de protection, dont son grand frère avait tenu à s’occuper en personne, il lui était impossible de transplaner depuis ou dans son espace de vie sans  déclencher un mécanisme de défense. Elle avait fini par s’habituer à devoir avant de pouvoir se déplacer ou que ce soit. Un « plop » sonore plus tard, Ingrid retrouvait un terrain particulièrement familier, précieuse échappatoire pour tous les étudiants de Poudlard de la troisième à la septième année d’études : Pré-au-lard. Le vent glacé s’infiltra dans sous son manteau, la faisant frissonner, et ce, malgré l’épaisse couche de vêtements prévus pour l’occasion. Ingrid pressa le pas, ne souhaitant pas s’éterniser à l’extérieur en raison de ce froid mordant qui l’avait agressé dès son arrivée. Fort heureusement, le lieu de rendez-vous ne se trouvait pas très loin et la jeune femme avait hâte de profiter de la chaleur accueillante des Trois balais.

La seule difficulté qui subsistait était le fait qu’Ingrid n’avait jamais rencontré la jeune Trixie Ridley. Malgré la description très détaillée faite par sa grand-mère et la photo d’une gamine blonde de trois ans en train de s’amuser dans un jardin, la brune ne savait pas vraiment à qui s’attendre. Alors en pénétrant dans l’établissement de Mme Rosmerta, Ingrid fut déconcertée de trouver une foule bruyante et chaotique d'élèves. Alors elle suivit son instinct. « Trixie ? Trixie Ridley ? TRIXIE RIDLEY ? » vociféra la jeune femme, en élevant la voix un peu plus à chaque fois qu'elle répétait le nom de Trixie. C'était la meilleure technique pour la retrouver, même si ce n'était ni la plus discrète, ni la plus digne de l'Ordre du phœnix.

- Mais qu'est-ce qu'elle m'a préparé encore? s'exclama Trixie alors que ses yeux lisaient une nouvelle fois la seule et unique phrase du parchemin.

Celui-ci était arrivé avec le courrier du matin. Un hibou maladroit avait fait tombé une enveloppe sur le crâne de Trixie qui avait ensuite rebondi dans son assiette. Après avoir nettoyé la nourriture du parchemin, non sans ronchonner, la lionne eut la surprise de découvrir ces quelques mots :

Désolé Trixie, je ne pourrais être présente à notre rendez-vous alors j'ai envoyé une collègue passer l'après-midi avec toi.

Ce week-end là, les élèves de Poudlard avaient la permission de se rendre au village de Pré-au-Lard. Comme à chaque fois, l'atmosphère du château devenait alors électrique, chacun étant impatient de se rendre chez Zonko, Honeydukes ou encore les Trois Balais. Trixie n'avait pas échappé à cet engouement, d'autant plus que sa grand-mère lui avait donné rendez-vous pour qu'elles puissent s'y retrouver. Cela permettrait à Trixie de s'assurer pour de bon que tout allait bien du côté de ses grands-parents, mis en danger par la simple présence de sang moldue dans leurs veines. Mais apparemment, les plans de la journée avaient changé et Trixie allait apparemment devoir passer du temps avec une inconnue. C'était très gentil de la part de Norma de vouloir s'assurer que sa petite fille ne soit pas seule mais elle aurait encore préféré retrouver ses amis. A présent, elle ignorait sur qui elle allait tomber et elle avait peur que la conversation ne soit quelque peu malaisante. Néanmoins, elle restait curieuse de savoir quel collègue de sa grand mère serait l'heureux élu. Et puis, à défaut de connaître la personne, elle pourrait toujours poser des questions sur les aurors. Voulant en devenir une, autant faire de cette après-midi étrange une occasion pour en apprendre plus.

Trixie s'était donc rendu aux Trois Balais sans la moindre idée de qui elle était censée rejoindre. Un homme? Une femme? A quoi ressemblait-il ou elle? La personne était-elle déjà présente? Trop de questions sans réponses. Alors elle avait rejoint un groupe d'élèves à une table pour discuter, jetant des coups d’œils autour d'elle sans trop savoir à quoi s'attendre. Et puis, la personne était enfin arrivée, sous l'apparence d'une jeune femme brune. Comment elle le savait? Parce qu'elle criait son nom, attirant le regard de toutes les personnes présentes sur elle et sur Trixie. Cette dernière se leva rapidement, le teint rouge, et rejoignit la jeune femme, maudissant silencieusement sa grand-mère.

- C'est moi, c'est moi! dit-elle lorsqu'elle fut assez près de l'inconnue, essayant de ne pas faire attention aux rires des autres élèves. Heu... Désolé que ma grand-mère vous ait demandé de passer du temps avec moi. C'est un peu bizarre, je l'avoue. Je ne sais pas ce qui lui ait passé par la tête. Elle a dû se dire que c'était l'occasion pour moi d'en apprendre plus sur votre métier, comme je songe à l'exercer après ma sortie à Poudlard.

La situation était tellement étrange que Trixie avait eu ce besoin d'excuser sa grand-mère et d'expliquer les choses. Elle ne voulait surtout pas que l'inconnue se sente mal à l'aise ou se sente forcée de rester.

- Quel est votre nom, au fait? Ma grand-mère ne m'a pas dit grand chose à votre sujet.

L'après-midi allait être longue si l'atmosphère restait aussi gênante.

Retrouver au plus vite son rendez-vous du jour était sa priorité, et le fait d'avoir pris du retard n'aidait pas forcément à faire dans la délicatesse. Ellle ne voulait pas faire attendre la petite fille de Norma plus longtemps. D’une part, parce qu’il y avait de fortes chances que l’information remonte jusqu’aux oreilles de la charmante grand-mère - qui avait déjà lu dans sa boule de cristal que la brune serait en retard -, et Ingrid ne voulait pas lui donner (encore) satisfaction à ce propos. D'autre part, parce qu'elle redoutait que Trixie ait déjà quitté les lieux, surtout si elle était aussi pointilleuse qu'Andreas concernant le lieu et l'heure d'un rendez-vous. Dans tous les cas, Ingrid n’avait pas particulièrement envie de s’attirer les foudres de la redoutable Norma. Aautant employer une méthode radicale, qui eut d'ailleurs l'effet escompté. Une jeune fille se précipita dans sa direction, le visage teinté d'un rouge vif. Ingrid ne put s'empêcher d'esquisser un sourire amusé en la voyant s'approcher, visiblement dans tous ses états après l'entrée remarquée de l'écrivaine dans le pub. Le plus important était qu'elles se soient trouvées.

Alors qu'Ingrid était sur le point de se présenter à sa benjamine, elle se trouva coupée dans son élan par cette dernière. Probablement sous l'effet du stress, Trixie se lança dans un monologue difficile à interrompre. Si Ingrid était considérée comme une personne très bavarde par... tous ceux qui croisaient son chemin, la jeune Ridley était résolument en train de la concurrencer sur ce point, ce qui lui arracha un nouveau sourire. Trixie tentait de trouver des excuses à sa grand-mère, comme si cette dernière lui avait forcé la main pour venir à la rencontre de sa petite-fille. Ce n'était pas totalement incorrect. Ingrid s'était assurément trouvée au "mauvais" endroit et au "mauvais" moment, lorsque Norma s'était rendue compte qu'elle ne pourrait pas honorer sa promesse auprès de Trixie. Ce n'était pas pour autant que la brune avait accepté de prendre sa place à contre cœur ! Bien au contraire, Ingrid était toujours ravie de rencontrer de nouvelles personnes, même des élèves de Poudlard. Cela lui donnait l'occasion de revenir à Pré-au-lard sans utiliser son grand frère comme prétexte. « Que les choses soient bien claires, chère Trixie ! Nous savons toutes les deux que ta grand-mère peut être très convaincante quand elle veut, mais cela ne me dérange absolument pas de passer du temps avec toi ! » décida de clarifier la jeune femme dès le départ, avec un sourire sincère. « D'autant plus si tu as des questions sur mon métier. Je serais absolument ravie de te répondre. » Norma n'avait pas mentionné l'intérêt de Trixie pour l'écriture, ce qui prit Ingrid un peu au dépourvu (dans le bon sens du terme). Il lui semblait pourtant avoir entendu que la jeune Ridley était plus intéressée par le département des Aurors. Mais soit ! Si elle souhaitait devenir écrivaine, Ingrid serait très heureuse de l'informer à ce sujet. Ce n'était pas forcément le métier le plus populaire.

« Je m'appelle Ingrid Underwood, enchantée ! » se présenta enfin la jeune femme, qui avait été interrompue dans son élan par Trixie. « Oui, comme le professeur d'Arithmancie à Poudlard. C'est mon grand frère » se sentit obligée de préciser Ingrid, en répétant un texte qu'elle avait appris par cœur à force. Ce qui ne la dérangeait en aucune mesure, puisque la jeune femme était fière d'être sa sœur. Mais au moins, les doutes sur le lien de parenté entre eux seraient évacués d'ors et déjà. Du coin de l'œil, Ingrid remarqua que de nouveaux clients étaient entrés dans le célèbre pub. Afin de ne pas se retrouver sans endroit où se poser, elle prit les devant : « Retourne t'installer à la table, je te rejoins. Juste le temps de commander deux bièrraubeurres. » Elle s'exécuta sans attendre, en se frayant un chemin jusqu'au comptoir. Elle salua avec entrain Mme Rosmerta, véritable monument des Trois balais, qui se souvenait encore des frasques de la jeune femme durant les weeks-ends passés à Pré-au-lard. Comme sa première cuite par exemple, un moment peu glorieux que la gérante aimait bien lui rappeler à l'occasion.

Ingrid retourna rapidement auprès de la jeune Ridley, une boisson dans chaque main. Elle les déposa sans ménagement sur la table, manquant de les renverser par la même occasion. « Et voilà deux bièrraubeurres ! » annonça la brune, toujours aussi joyeuse lorsqu'il s'agissait de boire. Même si la teneur en alcool était peu élevée, c'était tout de même l'une de ses boissons favorites. Un classique. « Je t'écoute Trixie ! Tu m'as dit que tu avais des questions. Pose-les moi, j'essaierai d'y répondre au mieux. » Ingrid espérait être à la hauteur de la mission, afin de ne pas faire fuir une potentielle collègue.

Quand on demandait à Trixie qui était son modèle dans la vie, elle n'avait jamais besoin de réfléchir. Depuis son plus jeune âge, cela avait toujours été sa grand mère, Norma Ridley. Cette dernière était respectée par de nombreux sorciers dans la société pour ses services rendus au ministère en tant qu'auror. Elle était une redoutable sorcière à n'en pas douter, quand bien même elle était une née-moldue, ce qui dérangeait un bon nombre de personnes. Peut-être était-ce pour cela qu'elle s'était construit une forte personnalité. Norma ne s'était jamais laissé marcher sur les pieds et elle avait appris à sa petite-fille à faire de même. Pourtant, si la grande sorcière était une femme de caractère et d'une grande intelligence, cela ne l'empêchait pas d'avoir des idées pour le moins saugrenues. Ainsi, Trixie se trouvait une nouvelle fois dans une situation gênante en raison de celle qui l'avait élevée.

Heureusement pour elle, la grand-mère de substitution qu'elle lui avait dégoté semblait charmante. Passer du temps avec Trixie ne la dérangeait en rien et elle était prête à répondre à toutes les questions qu'elle avait à propos des aurors. Bien sûr, la lionne pouvait en poser autant qu'elle voulait à Norma cependant, quelqu'un qui avait fait une formation plus récente pourrait certainement lui apporter de plus amples informations quant à l'entrée chez les aurors. Les choses avaient probablement changé ce dernier demi-siècle!

- Sérieux? Je lui dirais que vous avez été ma grand-mère d'une journée la prochaine fois que je le verrais! s'exclama Trixie en riant lorsqu'elle apprit l'identité de la jeune femme, qui n'était autre que la petite sœur de son professeur d'arithmancie.

L'arithmancie, ce devait être une des matières les plus passionnantes mais également les plus stressantes aux yeux de Trixie. Il suffisait que son esprit s'égare quelques secondes pour qu'elle se retrouve perdue au beau milieu du cours. Ce devait être également le cours où la lionne posait le plus de questions, quand bien même elle pouvait finir par agacer Underwood mais aussi les autres élèves. Au moins, on ne pouvait pas lui reprocher de ne pas chercher à comprendre.

Ingrid l'envoya alors réserver une table le temps de leur commander des bièraubeurres. Trixie n'eut même pas le temps de protester, gênée de se faire offrir un verre, que la jeune auror s'était déjà rendue auprès du bar. La lionne se dépêcha donc de retourner à sa place avant qu'on ne lui pique la table et attendit que la brune revienne. Celle-ci ne mit que quelques minutes avant de revenir avec deux boissons dans les mains, qu'elle manqua de renverser, et lui informa qu'elle était prête à écouter ses questions.

- Ok, par quoi je commence... se demanda Trixie en réfléchissant. Vous n'aviez pas un peu peur de vous lancer dans ce métier sachant qu'il faut persévérer pour y parvenir? Ce n'est pas un métier que tout le monde peut faire.

Malgré le brouhaha ambiant, la jeune femme se concentra sur les paroles de sa cadette. Elle écoutait attentivement, les traits de son visage un peu trop tendus pour une simple conversation de routine. En fait, Ingrid n’avait tout simplement pas envie d’en louper la moitié si quelqu’un à la table à côté d’eux décidait d’éternuer très bruyamment. Trixie semblait vraiment compter sur elle pour répondre à ses questions, et elle ne souhaitait pas la décevoir. La brune se revoyait, quelques années plus tôt, en train d’essayer de trouver un sens à sa vie ; une vie loin de cette seconde maison qu’était devenue Poudlard. Jetée à l’âge de dix-sept ans dans un monde adulte féroce, et sans aucune idée de son orientation professionnelle, Ingrid avait eu du mal à trouver une oreille attentive auprès de professeurs qui ne cessaient de la pousser vers la glorieuse carrière d’Auror. Or si elle était alors en pleine réflexion, la Gryffondor savait d’ores et déjà à l’époque que cette voie n’était définitivement pas faite pour elle.

« Bon alors déjà, on va mettre les choses au clair : tu vas me tutoyer. C’est plus simple, et en plus, je n’ai pas encore l’âge d’être vouvoyée. Est-ce que tu as vu une seule petite ride sur ce visage ? NON. Je suis jeune et belle, je pourrais m’infiltrer à Poudlard si on me le demandait. » Ingrid se payait la tête de Trixie bien entendu, et elle ne pourrait certainement pas se faire passer pour une fille de dix-sept ans. Fort heureusement, elle avait changé depuis cette époque, et à vrai dire, même si on le lui proposait, la brune n’aurait pas du tout envie d’utiliser un retourneur de temps pour remonter à ces années de sa vie.

Ingrid prit donc un instant de réflexion, ainsi qu’une gorgée de bierraubeurre, avant de tenter une amorce de réponse. « Et bien, en sortant de Poudlard, je n’étais certaine de rien du tout. Même la vieille McGo était désespérée. Rien ne m’intéressait parmi tous ces débouchés classiques qu’on nous propose. Alors j’ai fait un stage au Ministère, pour voir si quelque chose me plaisait. Si j’ai absolument détesté faire le café pour mon tuteur - et il a d’ailleurs failli se retrouver à Sainte Mangouste à cause de moi, oopsie -, il faut dire que le boulot était vraiment sympa. » Elle s’arrêta, afin de laisser Trixie assimiler toutes ces informations - pour la plupart inutiles, en vérité -. Mais Ingrid était une jeune femme particulièrement bavarde, et maintenant qu’elle était lancée, c’était difficile de l’arrêter. « J’ai toujours beaucoup aimé lire et écrire. Inventer des histoires aussi, avec Optimal au cours de Divination, et sûrement pas parce que j’ai le Troisième Œil. Au Ministère, j’ai commencé par la relecture, avant qu’on m’attribue quelques lignes par ci par là. Et finalement, on m’a proposé un jour de me lancer. La clé, c’est de persévérer, et de ne pas se laisser démonter par ces crétins de fonctionnaire qui bossent au Ministère. On m’a toujours dit que je n’y arriverais pas. Or regarde où j'en suis aujourd'hui : mes livres se vendent comme des pintes de bierraubeurre chez les moldus !  » La jeune femme se lançait des fleurs, non pas par vanité (peut-être un peu ?), mais surtout parce qu'elle était fière de toute l'œuvre de sa vie, tous ces livres publiés et appréciés du grand public moldu. Quoique pouvaient en penser les membres du Ministère qui la méprisaient pour son affinité avec les moldus.

« Je trouve ça vraiment bien que tu saches déjà ce que tu veux faire. Moi-même, je n’aurais jamais pensé devenir auteure à ton âge ! Je me demande bien qui a pu t'inspirer à ce point. Mais je t’accueillerais avec plaisir en tant que collègue, si l’occasion se présente !  »