I'll never be as good as you are | Tonks

Andromeda ne travaille pas aujourd'hui, c'est donc naturellement qu'elle a pris le relais pour la garde de Dora. Pas question de passer la journée devant la télévision, ou enfermée à la maison, la petite s’ennuierait beaucoup trop. Sa fille a été habituée à bien mieux, comme courir déguisée après une princesse blonde bien connue. Et parfois Andromeda ne peut pas s'empêcher de penser qu'elle fait bien pâle figure à côté de son mari. Agenouillée à la hauteur de Nymphadora, elle cache cependant ses cheveux colorés à l'intérieur de son bonnet pour éviter d'attirer l'attention. Une sortie dans le monde moldu, de quoi pallier à son manque d'imagination pour les jeux de rôles finalement. Andromeda n'est pas Ted, mais elle fait de son mieux, prévoyant mouchoirs et snack dans son sac agrandi, organisée comme toujours, sa meilleure qualité.

Et si tout se passe bien au début, la métamorphomage, lui donne bien vite du fil à retordre, réclamant son père, et hurlant à la mort en plein milieu d'une rue moldue. Andromeda reste un instant désemparée devant le spectacle, proposant glaces et compromis qui ne convainquent pas sa petite fille de quatre ans. Puis Dora la repousse et s’exclame. « I don't want you, I want daddy!!! ». Andromeda lâche alors son bras, la gorgée serrée par le rejet qu'elle essuie.

Elle devrait rationaliser la situation, se dire que sa fille n'a que quatre ans et qu'il s'agit d'un cas isolé sans grande importance, mais ce manque de connexion, elle le ressent elle aussi au fond d'elle. Comme si, la fille Black n'avait pas ce qu'il faut en elle pour être une mère. Les idées sombres l'étouffent, les larmes dévalent ses joues, et elle pense une fois de plus à sa sœur Narcissa qui aurait probablement su quoi faire. Andromeda s’effondre, Dora l'accompagne en hurlant toujours sous le regard juge des passants.

Le maquillage a coulé lorsque la brune se laisse tomber sur l'un des fauteuil de la réception des locaux de la BBC. Dora a cessé de hurler après s'être vu offrir un bonbon par la réceptionniste, mais Andromeda reste fermée et secouée par l'incident. Lorsque son mari apparaît, Dora se lève bruyamment pour rejoindre les bras de son vrai héros, laissant Andromeda à ses tourments. Le regard tourné vers l'une des peintures accrochées au mur, Andromeda essaye de ne pas craquer de nouveau.

- Mr Tonks, on vous demande à la réception.
- Ah ?
- Votre femme et votre fille, elles vous attendent en bas.

Ted fronce les sourcils. Que sa famille lui rende visite pendant ses heures de travail est une chose inhabituelle et n’annonce rien de bon. Une boule de stress est d’ailleurs déjà en train de prendre possession de son estomac alors qu’il se lève précipitamment de sa chaise de bureau pour marcher à vive allure vers l’ascenseur le plus proche, celui qui donne directement sur le couloir de la réception. Il s’imagine déjà le pire. Les sortilèges autour de la maison ont sauté, Bellatrix a encore fait des siennes, cette ordure de Malfoy aurait exécuté les ordres de sa pimbêche de femme et aurait tenté de s’en prendre à Dora. Car Ted a encore en tête la réplique piquante de sa belle-sœur, la même qu’il a fait semblant d’ignorer à la soirée du Ministère mais qui n’a cessé de lui trotter en tête malgré qu’il connaisse sa belle-famille et la lâcheté dont ils ont toujours été capables de faire preuve.

Le trajet lui semble beaucoup plus long que d’habitude et il pianote nerveusement contre sa cuisse en attendant que les portes s’ouvrent. Il s’engouffre à l’extérieur, trottine quelques instants, et soudain…

Soudain, la furie lui saute dans les bras et il soupire bruyamment d’un soulagement non dissimulé. Ted serre sa fille dans ses bras comme il ne l’a jamais fait, soulagé qu’elle n’ait pas le moins du monde l’air traumatisée par quoi que ce soit. Il n’imagine pas un seul instant qu’Andromeda ne va pas bien et ce n’est que quand, enfin, il se relève avec Dora accrochée à son cou, qu’il remarque les sillons noirs qu’ont creusé le maquillage sur les joues de sa femme.

- Hey, murmure-t-il alors en s’approchant d’elle, cherchant son regard. Qu’est-ce qui ne va pas, Andie ? C’est… c’est encore tes sœurs ou... ? Elles s’en sont prises à toi ?

Si le stress d’une mauvaise nouvelle s’est assourdi, il n’a néanmoins pas quitté le blond dont le discours se fait paniqué et saccadé malgré lui. Il lui faut quelques secondes pour reprendre son souffle. Ridicule, se dit-il, mais néanmoins réel.

Alors que Dora s'agite autour de son père, changeant au moins quatre fois de couleur de cheveux par la même occasion, Andromeda lève la tête pour rencontrer le regard inquiet de son mari. Elle se sent presque coupable de l'inquiéter pour si peu, pourtant la détresse qu'elle ressent est aujourd'hui impossible à contenir malgré ses efforts. Pour une fois il ne s'agit pas de Bellatrix, ou de Narcissa, seulement d'elle, la mère incapable de calmer sa fille, et c'est sûrement ce qui rend les choses si différentes aujourd'hui.

Elle se saisit donc d'un mouchoir et essuie son maquillage tant qu'elle peut avant d'affronter le regard de Ted Tonks. « Ce ne sont pas mes sœurs, tout va bien. » Elle réplique la voix éteinte cependant. Prétendre n'est pas aussi facile que d'ordinaire. Pourtant Dora elle, est passée à autre chose, s'amusant à sautiller dans la salle d'attente sans faire attention à ses parents. « Je suis désolée de t'avoir inquiété, je pensais juste qu'on pourrait déjeuner ensemble ? » Andromeda lance en haussant les épaules, peu convaincante. Elle n'a pas très envie de s'effondrer en larmes devant Ted et Dora, elle n'a pas non plus de très bonnes raisons de venir le déranger pendant ses heures de travail pour être honnête.

Elle pourrait continuer de mentir c'est vrai, mais le maquillage de piètre qualité qui entoure ses yeux rougis joue indéniablement en sa défaveur. « Nymphadora te réclamait. » Elle finit cependant par avouer, avant de ravaler une nouvelle vague de larmes qui voudrait s'échapper. « Je ne savais pas comment la calmer, elle ne m'écoutait pas. Elle a commencé à hurler et... Je ne savais pas quoi faire. J'ai paniqué, je sais c'est ridicule, je suis sa mère j'aurais dû savoir quoi faire mais j'ai paniqué... J'aurais pas dû venir ici. Tu devrais remonter, on va rentrer à la maison. Pardon Ted, encore une fois, je ne voulais pas te déranger. » Trop d'excuses, trop peu d'air. « Je suis vraiment une mère à la con. »

Il n’y a rien. Ni concernant Dora, ni concernant Andromeda, et Ted se sent soudain bien plus léger. La vie des Tonks est rythmée par la menace constante d’une éventuelle attaque, surtout contre lui, en toute honnêteté, mais le blond ne serait pas étonné que ces psychopathes finissent par s’en prendre à une petite fille de quatre ans, ou mieux encore : à leur propre sang. S’il joue les héros un peu trop relax pour être raisonnables lorsqu’il s’agit de lui, notre homme est bien moins fier lorsqu’il s’agit de sa famille. Un poids en moins sur sa poitrine, donc, mais son épouse cède bien vite à une nouvelle sorte de panique qui vaut à Ted d’envoyer discrètement sa fille ennuyer la réceptionniste – qui évidemment ne se fait pas prier devant une créature aussi mignonne qu’elle, enfin du moins, tant que ses cheveux restent bien coincés dans son bonnet - pour prendre Andromeda dans ses bras.

- Tu n’es pas une mauvaise mère, Andie. Il ne faut pas paniquer. Et c’est une bonne idée qu’on aille déjeuner ensemble, tu as bien fait de venir.

En réalité, Ted n’a pas la moindre idée des difficultés du métier de parent. Aîné d’une famille nombreuse, il a baigné dans les couches dès le plus jeune âge et s’occupe actuellement encore de Matthew, son plus jeune frère à peine plus âgé que Nymphadora. Attendri devant la situation, il serre un peu plus Andromeda dans ses bras.

- Ne panique pas et ça ira tout seul. Dora a son caractère mais elle n’est pas difficile, tu le sais aussi bien que moi. Ne doute pas de toi, tu es parfaite.

Ted la prend dans ses bras et Andie ne le repousse pas, même si elle se déteste d'avoir l'air aussi faible devant son mari. Ce n'est pas ce qu'on attend d'une Black, et encore moins ce qu'on attend d'une Tonks, mais elle cède néanmoins au confort de ses bras, la tête calée contre son épaule. Dora elle, est en grande discussion avec la réceptionniste, qui semble avoir tristement plus d'instinct maternel qu'Andromeda. La réalisation lui serre cœur, malgré les paroles rassurantes de Ted. Ted qui ne voit pas qu'il met la barre beaucoup trop haute pour sa femme, qui ne pourrait pas vraiment rivaliser avec lui, même avec la meilleure volonté du monde. Andromeda refuse de se montrer si pitoyable devant les collègues de son mari cependant, et elle se détache bien vite de lui pour rassembler ses esprits du mieux qu'elle le peut. Alors qu'elle passe une main nerveuse dans ses cheveux, elle répond cette fois après un haussement d'épaule : « Tu dis n'importe quoi, comme d'habitude, mais merci. » Andromeda s'essuie de nouveau les yeux et prend une inspiration qui ne l'aide qu'à moitié. « C'est difficile. La dernière fois je suis allée la chercher à l'école et elle s'est mise à hurler et pleurer parce que je suis venue à ta place. Tout le monde nous regardait, et je n'arrive pas à la calmer comme toi. » Elle finit par lâcher, mal à l'aise avec l'idée d'exprimer des sentiments qui se bousculent dans sa tête depuis quelques temps déjà. « Je l'aime tellement pourtant. Et je sais ce que tu vas dire, elle n'a que quatre ans, les enfants font des colères à cet âge, mais c'est différent. » Andromeda le ressent au fond d'elle, même si Ted refuse de l'admettre.

Si Ted est bien incapable de comprendre ce qui doit se passer dans la tête d’Andie à l’heure actuelle, il n’a pas mis longtemps pour se rendre compte qu’ils ne font pas face aux mêmes difficultés. Qu’il soit si proche de sa fille n’est pourtant pas bien compliqué à justifier : son boulot lui permet d’être plus souvent à la maison, donc plus souvent de « corvée » babysitting. Andromeda n’a pas connu d’enfance comme la sienne, n’a jamais eu l’occasion de faire face à la complicité que peuvent vivre des parents avec leurs enfants contrairement à Ted. Lui faire remarquer serait malvenu, cependant. Andie n’a pas besoin d’une psychanalyse mais de soutien. Soutien que son mari s’efforce de lui offrir, parfois maladroitement.

- L’instinct maternel n’a rien à voir avec l’amour, Tonks. Et Dora t’aime aussi, tu sais. Si tu savais ce qu’elle peut avoir ton nom à la bouche quand tu bosses…

Il ne ment pas. Que Dora préfère la présence de son père n’est en rien une surprise puisque ce dernier se comporte plus comme son meilleur ami que comme son père à proprement parler. Andromeda a toujours droit au mauvais rôle : celui de gronder, de rappeler à l’ordre, de ranger derrière leur bordel, d’avoir la poigne pour deux. Et ce n’est pas pour autant que leur fille ne l’aime pas, peu importe ce qu’elle montre.

- L’autre jour, elle m’a proposé de te faire une surprise. On n’en est toujours pas arrivés au bout, d’ailleurs, et on a même rangé le bordel avant que tu rentres, c’est dire comme elle a voulu te faire plaisir.

Un sourire illumine le visage de Tonks. Il ne sait pas si cette piètre consolation suffira à calmer un peu les doutes de son épouse, mais il espère de cette manière lui prouver qu’elle n’est pas aussi mauvaise qu’elle ne semble se sentir.

Même si la remarque de Ted sur son instinct maternel la fait tiquer quelque peu, Andromeda ne peut pas lui en vouloir d'avoir parfaitement saisi là où elle voulait en venir. Andromeda n'est pas douée avec les enfants, pas qu'elle ait eu le moindre modèle sur lequel s'appuyer de toute façon. Elle aimerait que les choses soient naturelles comme elles le sont pour Ted, mais dès qu'il s'agit de Dora tout devient tout de suite beaucoup plus compliqué. Les enfants ne sont pas capable de la même hypocrisie que les adultes, et la petite est tout naturellement attirée par la chaleur de la personnalité de son père, plutôt que par la froideur certes involontaire de sa mère. Le rejet n'a probablement rien d'anormal, et pourtant il est difficile à encaisser pour Andromeda. Elle qui a perdu toute sa famille ne peut pas vraiment s'offrir le luxe d'être rejetée par celle qu'elle a fondé. « Je sais bien, j'aimerai juste... Je ne sais pas, de la complicité j'imagine. Ça a l'air facile à te regarder. » Elle hausse une nouvelle fois les épaules, fixant un point invisible dans le décor, comme pour éviter le regard de son mari. Andromeda a trop l'habitude de taire ses tourments, compensant avec quelques remarques sarcastiques qui dissimulent à peine la souffrance derrière la dureté. Elle a toujours été comme ça, Ted la connait mieux que n'importe qui. « Enfin bref. On peut attendre ici si tu n'as pas terminé. Je devrais pouvoir gérer jusqu'à la pause déjeuner. » Elle lance ironique et triste à la fois.

Quand on n’a pas vécu la moindre once de famille aimante, il est plus que compliqué de représenter l’archétype du parent parfait à l’enfant parfait une fois qu’on a soi-même à faire face à sa propre famille. Ted ne peut pas en vouloir à Andromeda. Elle fait de son mieux et il n’a jamais eu l’impression qu’elle s’occupe mal de Dora, contrairement à ce qu’elle a l’air de penser à l’heure actuelle. Les petites filles de l’âge de Nymphadora sont bien souvent plus proches de leur père, pour ne rien arranger, fait scientifique qui vaut tout autant pour les garçons avec leur maman. Tonks est loin de comprendre ce que sa femme peut ressentir, ce qui rend le tout d’autant plus compliqué, et Andie finit par couper court à la conversation.

- Ne t’inquiète pas, attends juste deux minutes. Ted interpelle la réceptionniste à quelques mètres d’eux et s’en rapproche, tendant la main à Dora : Jill, tu pourrais prévenir que je prends ma pause ? Je reviendrai dans une heure.

Approbation de sa collègue, Ted est satisfait. Il s’agenouille néanmoins à hauteur des trois pommes que mesure sa fille, l’air concerné, parlant à peine tout haut pour qu’Andromeda n’entende rien. Il la gronde gentiment, pas assez ferme, comme d’habitude. Papa poule aux airs de meilleur ami, l’homme qui semblait bon alors qu’il ne faisait que voler la vedette malgré lui.

- Ecoute, maman vient de m’expliquer ce que tu as fait avec elle tout à l’heure, ça ne doit plus se reproduire, Dora.
- Pardon, papa.
- C’est à maman que tu dois t’excuser. Va lui faire un câlin, tu veux ?

La petite fille hoche la tête et Ted devine que la couleur de ses cheveux a changé à nouveau sous son épais bonnet. Elle lui sourit et file dans les bras de sa mère, laissant Tonks avec un sourire satisfait sur les lèvres.

- Où est-ce qu’on mange ? finit-il par demander, l’air de rien.

Andromeda accueille Dora avec douceur, cherchant une sorte de réconfort dans l'étreinte que la petite lui offre généreusement suite réprimandes de son père. Ted n'a pas eu besoin de beaucoup de persuasion et de chantage pour obtenir de Dora ce qu'il voulait. Si Andromeda reste frustrée de la situation, elle ne peut pas s'empêcher de leur offrir un sourire attendri. Certains jours sont plus difficiles que d'autres, c'est vrai, mais ils ont le mérite d'avoir transformé sa vie tous les deux. Lorsqu'elle y pense, le prix payé pour cette liberté est finalement bien maigre en comparaison. Andromeda prend la main de Dora dans la sienne et s'attache au bras de Ted par la même occasion. Alors qu'Andromeda s'apprête à répondre Dora intervient bruyamment. « Des frites !!!! Papa des frites!  S'il te plait...» Andromeda n'est pas sûre que la petite mérite son menu préféré mais ayant été privée de burgers pendant près de vingt ans, la brune se passerait bien de plats traditionnels britanniques. « Des frites, t'es toujours partant pour ça, pas vrai Teddy ? » Son mari est le plus grand consommateur de frites au monde, et sa fille le suit de près, malgré les efforts d'Andromeda pour insérer une quantité suffisante de légumes dans le menu de Dora. Peut être qu'ils auraient du rester en Belgique après les vacances après tout, les deux y auraient probablement trouvé leur bonheur, loin des mangemorts. Quoi qu'ils auraient probablement chopé l'accent, ce qui aurait pu poser problème pour présenter le journal télévisé si ils avaient ensuite décidé de revenir. Andromeda se sent plus apaisée, la présence de Tonks a toujours cet effet là sur elle.