Sirius ϟ wandering around

Il n’y avait pas vraiment longtemps que les cours avaient repris, et pourtant, la fatigue pesait assez lourd sur les épaules de Lily. Elle avait l’impression de vivre des journées plus longues que la normale. Dehors, la neige tombait déjà, commençant à recouvrir l’école d’une couche de blanc cotonneux qui lui donnait envie de s’évader. Peut être était-ce lié à ses obligations supplémentaires de Préfète-en-Chef, qui lui prenaient quelques heures de plus. Mais Lily ne mentirait pas sur ce point ; elle adorait l’idée d’avoir pu embrasser ces responsabilités. Après tout, la fin de Poudlard approchait à grands pas. Très bientôt, il faudrait qu’ils se séparent, tous – les élèves de sa maison, les élèves de Poudlard en général. Tous rejoindraient des voies différentes et bientôt, les études confortables et le château apaisant ne seraient plus qu’un souvenir. L’idée l’angoissait un peu, il fallait qu’elle l’admette. Lily excellait, ici – elle était Préfète-en-Chef, favorite de son professeur de potions, douée dans la plupart des classes et des matières et respectées par ses pairs – ou en tout cas, par la plupart d’entre eux. Peu à peu, pour les élèves normaux, ceux qui ne prônaient pas une différence de traitement à vous faire vomir vos trippes, l’idée que Lily provienne d’une famille exclusivement constituée de moldus s’était effacée. Elle était brillante comme si elle était née en comprenant pourquoi une feuille de papier pouvait parfois voler vingt centimètres au dessus de son bureau juste parce qu’elle était concentrée.

Le futur lui faisait peur. Bien entendu, les amitiés resteraient. Mais qu’allait-elle faire de sa vie, de son savoir ? A quelle œuvre, à quel but utiliserait-elle toutes ces choses, toutes ces connaissances ? La question ne cessait de revenir à la charge, d’un coin de son cerveau. Elle se mordit la lèvre en y songeant, avalant les résidus de glace dans le fond de sa coupe. Slughorn la fixait, de l’autre côté de la table, avec un regard bienveillant. Elle lui rendit son sourire et secoua la tête pour sortir de ses songes – jetant un œil aux gens autour d’elle. Ici, elle se sentait entourée. Réussirait-elle à garder contact, une fois l’année terminée ? Elle reposa sa cuillère et attendit patiemment que tout le monde termine pour se lever et prendre congé en même temps que les autres. Après le club de potions, il fallait encore qu’elle fasse un rapide tour de contrôle aux alentours de la Salle Commune pour s’assurer que tout était en ordre avant de – enfin – pouvoir rejoindre son lit. Elle s’enferma dans sa robe et glissa l’écharpe aux couleurs de sa maison autour de son cou avant de se risquer à quitter la salle. Les couloirs des cachots étaient glacés. Les quelques serpentard du Club étaient trop satisfaits de pouvoir regagner leurs dortoirs en lui jetant des œillades dédaigneuses. Elle roula des yeux et s’éloigna à pas rapides pour regagner les étages et leur chaleur. Affligeant.

Elle aimait bien les couloirs vides de la fin de soirée. Le silence aussi. Quoi que – a bien tendre l’oreille, le silence ne lui semblait qu’illusoire. Elle avait plutôt l’impression de bruits de pas, non loin de là. Si elle n’avait pas été Lily Evans, sans doute aurait-elle simplement ignoré les pas pour regagner sa salle commune et se coucher, mais elle n’en fit rien – et tendit d’autant plus l’oreille pour tenter de trouver la source du bruit. Elle dégaina sa baguette de la poche intérieure de sa robe – cousue pour ça. « Lumos », marmonna-t-elle dans un murmure. Elle poursuivit son chemin en avançant avec précaution, oubliant un peu sa destination d’origine, jusqu’à ce que le bruit se rapproche. Des marmonnements – ou en tout cas, ce qu’elle pensait percevoir – accompagnaient les bruits de pas. Il lui fallut quelques mètres supplémentaires pour réaliser qu’il y avait bien quelqu’un, dans un recoin. Un garçon, à en croire son dos. Seul. Etrange. Encore plus étrange quand Evans réalisa de qui il s’agissait. Elle abaissa sa baguette, croisant les bras, arborant cet air un peu dédaigneux de l’évidence.

« Black », lâcha-t-elle, son temps un peu tendre mais empli de reproches tout de même, pour la forme, bien entendu. Elle aurait été nettement moins sympathique avec toute autre personnalité de la même famille, mais il fallait bien que certains sauvent l’honneur, de temps en temps. Même s’ils le sauvaient en faisant le mur et en consacrant quatre-vingt dix pourcent de leur temps à faire des bêtises. « Je te demanderais bien si tu connais le règlement mais comme je connais déjà la réponse, je me contenterais d’une explication saugrenue sur ta présence ici en ces heures tardives… » Un léger sourire se dessina au coin des lèvres de la rousse, qui continua de dévisager Sirius, bras croisé, air légèrement supérieur.

Les nuits à Poudlard se suivent et ne se ressemblent pas. Pas d’échappée nocturne avec les Maraudeurs ce soir, puisque la pleine lune était il y a trois jours et Remus a encore besoin de récupérer. Peter n’a toujours pas fini son devoir de Potions, ce qui le disqualifie. Et James… Ce traitre fait des rondes, maintenant. Le comble de l’ironie, sérieusement. Sirius savait que Dumbledore était dérangé du cerveau, mais à ce point, cela frôle l’indécence. Alors il se retrouve dans les couloirs, seul, après avoir été dans la tour d’Astronomie, pas seul. Sa compagne a disparue quelques minutes avant lui, et Sirius se rend bien compte maintenant de la connerie que c’était, de ne pas prendre sa baguette avec lui.

Parce qu’il se retrouve dans le noir, sans Lumos, sans carte, comme un gros con de service. Et il est censé être l’un des gars les plus intelligents de septième année ? Ben putain, on est vraiment pas sortis de l’auberge avec les Maraudeurs… Alors Sirius est à peine surpris quand il entend des pas se rapprocher, moins encore lorsqu’Evans débarque et lui fout sa baguette dans la tronche. Merci de ne pas le rendre aveugle au passage, ça serait con. « Evans ! » ne peut-il s’empêcher de s’exclamer, comme s’il était content de la voir. Mieux vaut elle qu’un crétin de Serpentard, certes, mais tout de même. Sirius se serait bien passé du savon qui va s’en suivre. « Evidemment que je connais le règlement ! » Il ajoute même un petit cri de surprise, main sur le cœur, pour la théâtralité de la chose. « Comment briser les règles si on ne les connaît pas, après tout ? »

Il finit avec un sourire de merde, avant de se rendre compte qu’Evans est sérieuse. Elle veut vraiment une explication sur le pourquoi du comment. Genre, vraiment. Sirius soupire, et se passe une main dans les cheveux. « Okay, okay… Disons qu’une Serdaigle a vraiment vu les étoiles ce soir. Mais je te passe les détails, évidemment. Je ne voudrais pas offenser tes chastes petites oreilles. »

Elle ne put franchement retenir un soupir exaspéré quand il prétendit connaître le règlement par coeur. Elle n'en doutait pas vraiment, Sirius était un garçon intelligent et, sans doute travailleur quand il l'avait décidé. Lily ne pensait pas qu'il se fichait complètement des règles ou des conséquences des manquements à ces mêmes règles. Il aimait simplement défier l'autorité et faire l'idiot, comme l'ensemble de sa petite bande improvisée. « Certes », lâcha-t-elle en relevant un peu sa baguette pour mieux le dévisager sans pour autant le priver de la vue. Pour Lily, il était difficile d'imaginer que l'on puisse éprouver la moindre satisfaction à errer dans les couloirs la nuit alors que c'était interdit. Elle ne voyait pas l'intérêt de dépasser les règles, ici, alors que tout était tellement agréable. Mais sans doute les deux n'avaient-ils pas la même vision des choses.

Elle ne put retenir une grimace en entendant son explication cela dit - qu'elle aurait finalement préféré ignorer. « Ew. Les détails, Black ! » lâcha-t-elle en lui faisant signe de se taire. C'était intime après tout, et elle n'avait pas besoin de savoir ce qu'il faisait ni avec qui en ces heures tardives. Elle doutait fort que Sirius soit épris de la jeune femme en question et imaginait fort bien le genre de relation qu'ils vivaient tous les deux. « Tout compte fait, je ne préfère pas savoir ». Evans croisa les bras dans un soupir et pencha un peu la tête pour le dévisager. Elle comprenait - si elle était honnête - que son charme puisse opérer. Ce qu'elle ne comprenait pas, c'est qu'il opère toujours malgré l'enchainement de conquêtes et les 400 coups.

« Pas de chance, je ne comptais même pas faire de tour aussi tardivement. Un peu de discrétion ne t'aurais pas fait de mal, si tu veux mon avis. » Et même s'il ne voulait pas, d'ailleurs, elle le donnerait quand même. « Je suppose que tu retournais à la Salle Commune ? » Elle accompagna sa supposition d'un sourire entendu - du style, non n'est pas une réponse acceptable à cette question.

Il aimerait bien qu’Evans leur lâche la grappe, une fois de temps en temps. Elle a un Nimbus dans le postérieur qui la rend bien peu élégante à force. C’est bon, on a compris, les Maraudeurs aiment défier les règles. A quoi ça sert de leur chercher des noises à chaque fois, si ce n’est perdre des points et laisser Serpentards gagner la Coupe à la fin de l’année ? James bosse assez dur avec l’équipe de Quidditch pour équilibrer la balance après chaque match, après tout. Ça serait bien qu’Evans s’en rende compte, et arrête d’être sur leur dos tout le temps. Surtout que Remus leur a tous après à détourner les règles et à trouver toutes les failles dans le système.

Alors, oui, il sait parfaitement ce qu’il fait lorsqu’il ajoute quelques détails quant à sa vie sexuelle bien remplie. Parce qu’Evans n’a toujours pas reçu le mémo sur la révolution sexuelle et ses bienfaits sur l’esprit humain, apparemment. Dommage. Cela lui ferait le plus grand bien, de se détendre de temps en temps. Il ne peut contenir son sourire de merde quand elle commence à se plaindre et à grimacer, comme la petite vierge effarouchée qu’elle est. « I don’t kiss and tell, » se contente-il de répondre quand elle refuse d’obtenir des détails. C’est bien connu, après tout. Sirius se tape bien plus que des filles, et c’est sa discrétion qui lui permet de continuer ses escapades nocturnes avec la gente masculine.

Il fourre ses mains dans ses poches et hausse vaguement les épaules lorsqu’Evans lui demande s’il retourne à la Salle Commune. Il aurait bien envie de lui répondre que non, par pur esprit de contradiction, mais il connaît un moyen d’autant plus efficace de l’emmerder. « Evidemment. Je ne voudrais pas qu’une jeune demoiselle se balade seule dans les couloirs à la nuit tombée. Merlin sait sur qui elle pourrait tomber. » Clin d’œil de circonstances, avant de se mettre en route. La Tour de Gryffondor n’est pas bien loin, si les escaliers n’en font pas des leurs. « En tous cas, tu me donnes des leçons, mais toi aussi tu es hors de ton dortoir illégalement. Et me dis pas le contraire, je sais que t’es pas de garde ce soir, parce que James l’est et vous avez aucune ronde ensemble. A son grand malheur. »

Evidemment, il fallut qu'il renchérisse. Lily le dévisagea un instant, retenant une irrépressible envie de lever les yeux au ciel qui ne ferait que l'entretenir dans ses petits débats inutiles. Tout le monde savait, elle compris, que Sirius était un coureur et qu'il mettrait n'importe quel stratagème en place pour parvenir à ses fins. Elle était presque étonnée qu'il ne se contente que d'une petite virée en dehors de sa salle commune aux heures autorisées. Honnêtement, cette petite escapade faisait pâle figure. Elle avait pensé, lorsqu'elle avait rencontré James et Sirius en première année, qu'ils finiraient par s'assagir avec le temps pour ne pas rester des morveux immatures, mais c'était sans compter une irrésistible envie d'enfreindre les règles et de se croire tout permis. Une attitude qui leur avait valu de nombreuses déceptions à la fin de chaque année scolaire, quand la Coupe revenait de manière systématique aux Serpentards. Et en plus, ils avaient le culot de considérer que c'était en partie sa faute. « Tant mieux » se contenta-t-elle de lâcher dans un soupir las et - un peu - théâtral. Au fond, elle l'aimait bien. Très au fond.

« Oh come on », ne put-elle s'empêcher de lâcher cela dit, ses yeux rejoignant cette fois le plafond au dessus de leurs têtes. « Je ne suis pas une demoiselle en détresse, même si l'idée semble te convenir, ne me fais pas l'affront de me sous-estimer». Elle croisa les bras en adoptant une moue boudeuse. « Je parie que je te réglerais ton compte facilement en duel, Black. » Elle se remit en marche après avoir marqué son mécontentement et se dirigea vers la Salle Commune. « Et puis moi, j'erre dans les couloirs parce que je sors du Club de potions, tu sais, ce truc réservé aux bons élèves ? » Et encore - bon, c'était modeste. Le Club de Slughorn était plutôt réservé aux excellents élèves. Une sorte de privilège dont elle était relativement fière. « J'ai entendu du bruit,  c'est mon devoir de Préfète en Chef d'aller voir ce qu'il se passe... Au cas où. Et puis, excuse-moi de douter de l'efficacité de Potter, parfois. J'imagine volontiers ce que ça aurait donné si lui t'avais trouvé là ». Quoi qu'elle préférait sans doute ne pas imaginer, finalement.

« D'ailleurs tu pourras lui expliquer que c'est ridicule de vouloir faire des rondes communes alors qu'on gagne du temps à se diviser. Et puis, je doute que ça l'amuse vraiment de faire ses rondes avec moi, il a surtout envie de travailler moins pour vous rejoindre tous pour faire... well, whatever you're doing. ». Elle savait bien ce qui se disait dans son dos, ce que pensaient les autres. La plupart du temps, elle n'était qu'ennuyeuse - jeune femme trop rangée, trop scolaire, trop optimiste, aussi. Ce qui lui avait valu un certain nombre d'années difficiles à tenter de rattraper Severus... « Bref. »

Il n'existe rien de plus simple dans la vie que de faire sortir Evans de ses gongs. Cette fille est tellement prévisible que c'en devient presque comique. Sirius aurait pu se lasser de ce genre de petits jeux au bout d'un moment, mais pas du tout. Il adore la faire chier, et la voir essayer de garder son sérieux et être aussi préfète parfaite que possible. C'est bien là tout le problème d'Evans. Elle tient beaucoup trop à sa réputation pour son bien, là où Sirius a balancé la sienne à la fenêtre au moment où le Choixpeau a hurlé « Gryffondor ».

« Je ne te sous-estime pas, » avoue-t-il franchement. « Mais l’union fait la force, non ? » Non pas qu’il soit d’une grande utilité si quelqu’un venait à les attaquer, sans sa baguette. Mais Sirius doute fortement qu’un crétin de bébé Mangemort viendrait se balader dans les hauteurs au beau milieu de la nuit. Quant au fait qu’elle pourrait le battre en duel… Oui. Il ne la sous-estime pas le moins du monde. « Ah. Le Club de Potions. » Il ajoute un hochement de tête pensif, et cache son lever d’yeux au ciel. « Slughorn qui montre à qui veut le voir sa collection d’élèves parfaits. » Bien sûr, que James et Sirius n’ont jamais été invités, malgré leur nom et leur intelligence. Il ferait tâche d’avoir deux fouteurs de trouble au milieu de tous ces pantins. Sirius se demande si Evans est au courant que Slughorn l’utilise pour bien se faire voir, regardez, il accepte même des nés-Moldus dans son petit cercle privé ! How progressive !

« James prend son boulot très au sérieux, tu sais. » Il fronce les sourcils. Certes, il n’était pas de plus ravis d’apprendre la nouveau, mais même Sirius doit l’admettre : James est doucement en train de changer. Non pas qu’il puisse en vouloir à son meilleur ami. Ils savent tous que leur liberté est de courte durée, et que le climat sera bien différent une fois les ASPICs derrière eux. Mais, là où Sirius compte profiter de son adolescence à Poudlard jusqu’au bout, James commence doucement mais surement à s’assagir. Pour des raisons politiques aussi bien que pour la raison qui marche aux côtés de Sirius, à n’en pas douter. « Alors si tu pouvais ne pas le critiquer quand il fait des efforts, ça serait bien. Jamais contente, j’vous jure… »

Elle finit par hausser une épaule, hochant la tête pour lui concéder cette vérité là. Lily ne faisait pas partie de ces étudiants qui pensent qu'ils sont mieux seuls. Elle avait des défauts, cet air à la fois coincé et un peu supérieur et son goût prononcé pour les études notamment, mais elle aimait s'entourer de gens. Elle aimait les autres, les gens, être accompagnée, discuter des heures durant. Et elle était persuadée qu'effectivement, l'union faisait la force. On n'était jamais plus en sécurité qu'entouré. Elle garda cette pensée philosophique pour elle de peur d'ajouter à son portrait de petite fille modèle - elle était sans doute cataloguée ainsi dans l'esprit de Sirius, pas de mystère là-dessous. Elle s'offusqua un peu, cela dit, en entendant sa remarque sur Slug.

« Ce ne sont pas des élèves parfaits, ni même une collection. Simplement une soirée agréable entre gens intéressés par les mêmes choses », répliqua-t-elle vivement. « C'est pas parce que toi, ça ne t'intéresse pas, que c'est forcément quelque chose de négatif ». Elle accompagna sa dernière phrase d'un croisement de bras de protestation en continuant d'avancer. Cela dit, Slug n'était pas un sujet de conversation vraiment intéressant. Moins que James et son nouveau poste de Préfet en Chef, par exemple. Lily se feint d'un sourire, mi-amusée, mi-attendrie, et hocha la tête.

« J'ai beaucoup de respect pour votre loyauté, tu sais », elle lança comme ça, pour désamorcer la situation. Parce que oui, elle était capable d'être gentille et de bonne composition, aussi. « Et puis, je t'embête. Garde le pour toi, mais je suis persuadée que Dumbledore savait exactement ce qu'il faisait en mettant Potter là. Je ne crois pas au hasard, je pense que tout est exactement à sa place - et si c'est le cas, alors... » elle marqua une pause pour pencher la tête vers Sirius. « C'est qu'il doit être un peu doué pour le rôle ».

Sirius garde sa remarque suivante pour lui – et combien de fois, exactement, il a présenté Evans à l’un de ses invités de prestige en soulignant le fait qu’elle est brilliante, pour une née-Moldue. Parce qu’il sait que cela ne servira qu’à blesser Evans, et qu’elle mérite tout de même mieux qu’une piqure de rappel sur sa condition et ce que le monde sorcier pense des nés-Moldus. Elle s’en prendre plein la gueule tous les jours, alors autant s’arrêter là.

Le cri de surprise s’échappe de ses lèvres aux paroles suivante d’Evans, et il ne peut s’empêcher de sauter devant elle, main sur le cœur aussi théâtralement que possible. Il continue de marcher à reculons, pour lui offrir la meilleure vue possible sur sa mine surprise. « Elizabeth Evans ! Serait-ce un compliment que je viens d’entendre ? » Il continue sur sa lancée, comme le bon gros crétin qu’il a toujours été. « L’enfer est en train de geler, les oiseaux volent à l’envers, Bellatrix Black décroche un sourire, le ciel s’éclaire et… » Son pied butte contre une irrégularité dans le sol du couloir, manquant de le faire tomber à la renverse. Il retrouve son équilibre au dernier moment, balance un sourire magnifique à Evans, avant de se remettre à marcher normalement.

« Quoi qu’il en soit… » il soupire, avant de retrouver le sourire. « T’en as pensé quoi du dernier devoir de McGonagall ? Je sais qu’on a tous eu Optimal aux BUSEs et que les ASPICS sont d’autant plus difficile mais… 150 centimètres de parchemin qui entrent en détails dans la magie utilisée pour les Animagi ? On a bien galéré pour trouver les infos, et toi ? »

Lily ne parvient pas à s'empêcher de rire face à la réaction totalement démesurée de Sirius. Elle roule des yeux et l'observe qui fait le zouave et marche à reculons pour lui faire face, manquant d'ailleurs et au passage de se casser la figure. « Calme-toi, je ne voudrais pas que mon compliment soit responsable de ton traumatisme crânien », souligne-t-elle en levant les yeux au ciel. Elle n'est pas si avare de compliments que ça, quand même, si ? Lily ne fait pas partie de ces élèves brillants qui pensent qu'ils doivent être brillants par rapport aux autres. Elle n'est pas en compétition avec les gens pour être meilleurs qu'eux à tout point de vue. Elle est simplement en compétition avec elle-même et s'efforce de faire de son mieux. Ce qui est très certainement, et très injustement aussi, sans doute, encouragé par le fait qu'elle soit née moldue et non sorcière.

« Et puis Sirius, bon sang, je ne m'appelle pas Elizabeth. Je suis navrée de te décevoir mais c'est Lily tout court » Elle soupire et le laisse reprendre le cours normal de sa marche en secouant la tête de désapprobation, mais un peu amusée tout de même.

Lily hausse une épaule à la question du brun. « Je n'ai jamais trop de mal à trouver les informations parce que je fréquente beaucoup la bibliothèque », répond-elle, un peu amusée, un peu provocatrice. « Mais effectivement, j'imagine que c'est un des sujets les plus difficiles qu'on a abordés jusqu'à présent et qu'il fallait vraiment s'investir pour rendre un devoir correct », lui concéda-t-elle. Elle aurait pu ajouter qu'elle s'attendait à ce qu'ils aient tous les trois - Peter n'était pas un très bon élève, le pauvre - d'excellentes notes, comme toujours, mais elle n'avait pas envie de le complimenter encore. « Qu'est ce qui te fait penser à McGonagall soudainement ? »

Sirius lance un sourire débile de plus à Evans lorsqu’elle se plaint encore et toujours de son surnom. Evidemment, qu’il le sait, qu’elle s’appelle seulement Lily. Mais c’est tellement drôle de la voir râler à chaque fois qu’il fait la même blague, encore et encore, qu’il ne s’en lasse pas. Et ce n’est pas de la faute de Sirius si, au bout de plus de six ans, Evans n’a toujours pas compris que le meilleur moyen de se débarrasser de lui est de l’ignorer – ou pas. Sirius n’aime pas qu’on l’ignore, lui et ses blagues formidables. « Arrête de mentir, Lilian. Je connais la vérité. »

Tout comme il ne peut pas s’empêcher de troller Evans en bonne et due forme. Les Maraudeurs se sont tellement réjouis d’apprendre que le premier semestre avec McGonagall serait entièrement basé sur les Anigami. La Métamorphose a toujours été leur sujet de prédilection mais, pour le coup, c’est doigts de pieds en éventails et cocktail à la main. Sirius pourrait réciter tout ce qu’il y a à savoir sur les Animagi dans son sommeil, tellement il est calé sur la question. Jamais devoir n’a été plus simple à rédiger. Non pas qu’il ira s’en vanter à Evans, bien entendu. « Bibliothèque ? Qu’est-ce donc ? Oh, oh ! C’est cet univers fantastique que les Moldus pensent exister au fond d’une armoire pseudo-magique, pas vrai ? » Un sourire de plus. « Je m’investie toujours dans mes devoirs, je vois pas de quoi tu parles. »

Et puis, finalement, Sirius donne un petit coup de son poing fermé contre le menton d’Evans, adorablement idiot. Il l’aime bien, en fait, quand elle ne lui hurle pas dessus. Elle le fait rire, même si elle ne s’en rend pas toujours compte. « Vous êtes les deux femmes de ma vie, après tout. J’aime bien parler de vous. » Conneries, conneries… Ou pas.

A nouveau, Lily lève les yeux au ciel de désapprobation. Il ne s'arrêtera donc jamais. Elle ne s'appelle pas plus Lilian qu'Elizabeth, mais le Black n'en fait qu'à sa tête. Elle sait que ses réactions ne font que l'encourager mais elle ne parvient pas vraiment à s'empêcher de partir au quart de tour quand il croit pouvoir lui inventer un prénom. « C'est pas Lilian non plus, mais je note ton imagination sans borne. Si j'ai besoin de trouver un prénom pour mes enfants un jour, compte sur moi pour demander ta participation », lance-t-elle, mi-agacée, mi-amusée.

« Je sais très bien que tu es un intello qui s'ignore, Sirius. Même si je n'ai jamais vraiment compris comment vous faisiez pour faire autant de bêtises en continuant d'être opérationnels,
de faire vos devoirs et d'avoir de bonnes notes. Enfin, la plupart du temps », ajoute-t-elle en haussant une épaule. « Et pour ton information, c'est très agréable d'aller à la bibliothèque. Tu y ferais un tas de rencontres, je suis sûre. Tiens, l'autre jour encore, un groupe de cinquième année parlait de toi », précise-t-elle dans un sourire sceptique. « Je ne me souviens plus de ce qu'elles disaient, mais ça avait l'air drôlement sérieux ». Elle avait fini par s'en agacer un peu, d'ailleurs, suggérant aux groupies bavardes d'aller discuter plus loin. « Comme quoi tu vois, il te reste du terrain à explorer avant la fin de l'année ». Elle lui sert un sourire éclatant d'insolence.

Et puis l'ambiance change un peu. Sous le ton humoristique, Lily croit dénoter une petite once de vérité. Elle ne prétend pas que ce soit exactement ça, mais pense déceler une espèce de tendresse un peu étrange qui la fait presque sourire fièrement. « T'as bien de la chance, les femmes de ta vie sont toutes les deux d'une grande qualité », elle réplique, amusée. Elle pourrait ajouter qu'elle est flattée, mais les mots ne passent pas ses lèvres réservées.

Sirius ne peut s’empêcher de sourire comme un idiot. Evans sait tout aussi bien que lui que les Maraudeurs sont des intellos qui ne s’ignorent pas le moins du monde. Ils ont tout simplement une autre manière d’étudier, qui consiste à tout faire à la dernière minute, mais ignorer leurs facilités en cours serait se mentir. James et lui sont des petits génies. Remus n’a pas besoin d’étudier tant que cela, il aime juste lire comme le crétin d’intello qu’il est. Et même Peter est plus malin que la plupart de l’école ne veut le croire. Lily déteste juste le fait qu’ils arrivent à maintenir leurs bonnes notes avec peu d’effort et en mettant plus d’effort dans leurs conneries, voilà tout. « Toujours pas remise du fait qu’on soit meilleurs que toi en métamorphose, huh ? » Sirius voue sa défaite uniquement en potions. Evans a un don pour cela qu’il n’a jamais vraiment réussi à répliquer, parce que cet art demande beaucoup trop de précision et de patience pour lui.

Il ne peut s’empêcher de lire lorsqu’elle se met à vanter les mérites de la bibliothèque. Oui, oui, il connaît le principe. Il y a même passé de longues heures, à l’époque où James, Peter et lui faisaient leurs recherches sur les Animagi dans la Section Interdite. Une expérience qu’il aimerait rester unique, merci beaucoup. « Non pas que je souhaite briser tes délires, ma chère Evans, mais nous vivons dans un pensionnat. Je risque forcément de tomber sur ces demoiselles hors de la bibliothèque à un moment donné. » Il ne lui offre pas le plaisir d’expliquer que les cinquièmes années sont légèrement trop jeunes pour lui désormais. Ils ont le même âge que Nicola. Merlin, beaucoup trop jeunes.

Il réussit finalement à la faire sourire sincèrement, et compte cela comme une petite victoire en soit. Elle est tellement coincée la plupart du temps que Sirius se demande comment les autres filles arrivent à la supporter au quotidien, mais elle a ses moments. Sans doute pour cela que James est amoureux d’elle depuis des années. Un mystère, pour Sirius. « Ouais, ouais, pas besoin de te lancer des fleurs pour autant. » Il lève les yeux au ciel par réflexe. « McGonagall reste meilleure que toi, mais elle continue d’ignorer mes demandes en mariage. Triste sort. »

Lily accueille la réponse de Sirius sur la métamorphose avec un rire léger, se permettant à nouveau de lever les yeux au ciel. Il est véridique que Sirius, James, et parfois Remus, sont meilleurs qu'elle dans cette matière, et elle ne le niera pas. Il en va autrement du pauvre Peter, toujours un peu à la traîne, malheureusement. C'est d'ailleurs particulièrement vrai ce trimestre, sans qu'elle ne sache réellement pourquoi - exception faite de Remus, qui ne l'a pas bernée longtemps avec le secret qu'il pensait pouvoir lui dissimuler de manière discrète. Lily n'a pas eu besoin de chercher trop longtemps pour comprendre qu'il était un loup-garou, la coïncidence de ses états maladifs avec les soirées de pleine-lune lui donnant un indice assez sérieux pour que son cerveau intelligent fasse les liens manquants tout seul. Ce qu'elle n'a pas encore compris, c'est ce que font les acolytes de Remus ces soirs-là. Ils ont toujours l'air un peu plus fatigués qu'à la normale, eux aussi. Mais il est techniquement impossible qu'ils soient tous sous le coup de la lycanthropie. Le hasard ferait un peu trop bien les choses. Toujours est-il qu'ils cultivent un peu le mystère, et que par respect pour Remus, Lils n'a jamais formalisé ses questions, ni même ses découvertes. « Oh, tu sais, si on compte toutes les matières où je suis meilleure que vous, je devrais me remettre de cette petite exception qu'est la métamorphose », précise-t-elle quand même pour mettre fin aux airs conquérants de Black.

« Quant aux jeunes filles, je n'en doute pas, heureusement qu'elles n'ont pas attendu que tu rejoignes la bibliothèque pour faire la course à tes faveurs, entre nous, sinon elles auraient pu attendre longtemps, les pauvres... » Elle ponctue sa remarque d'une moue légère et amusée. Oui, le charme des garçons a fait ses preuves, bien qu'elle ne saisisse personnellement pas vraiment pourquoi. Difficile de refaire le monde, quoi qu'il en soit. Ou de vouloir les changer, tous. Elle l'a bien compris.

Lily rit franchement en imaginant ce que pourrait donner une demande en mariage de Sirius à McGonnagall. Leur professeur de Métamorphose est connue pour être une excellente pédagogue, une prof hors norme et passionnante, mais vraiment célèbre ni pour son sens de l'humour ni pour une chaleur particulière. « Triste sort, vous feriez un couple ravissant, et pas du tout étrange, en plus de ça », elle relève en levant à nouveau les yeux au ciel. « Je me demande bien ce qu'elle te reproche pour t'éconduire comme ça. Peut être qu'elle te préfère Potter ? » suggère-t-elle sans s'abstenir de lui adresser un clin d'oeil amusé.

Sirius se permet un moment, quelques secondes à peine, pour faire état de la situation. A savoir, lui, en plein milieu de la nuit, nouant des liens avec Evans. Si on lui avait dit il y a deux heures qu’une telle chose arriverait, il aurait sans doute ri. Mais le voilà faire faire des blagues avec Evans, sans que cela se finisse en dispute, sans qu’elle ne lui hurle dessus. Du jamais vu, sans doute. Il en viendrait presque à comprendre ce que James lui trouve, mais n’allons pas jusque-là tout de même. Il y a des choses que Sirius ne comprendra jamais, il a accepté ce fait il y a bien longtemps.

« Imagine moi à la bibliothèque pour trouver des conquêtes… J’aurais dû flirter avec toi, et tout ça… » Il lui envoie un sourire moqueur, et se force à ne pas faire de grimace. Non pas qu’il y ait quoi que ce soit de dégueulasse chez Evans mais. Avouons-le franchement. Ce n’est pas le genre de fille qui mérite d’être simplement une aventure d’un soir. Elle mérite bien mieux que cela, et qu’un crétin comme Sirius.

Suffit de voir comment elle prendre à la légère ses blagues sur McGonagall, ce qui le fait sourire. Jusqu’à ce qu’elle se moque de lui, et Sirius ne peut répondre que par une grimace douloureuse. « Outch, Evans ! En plein dans le cœur ! » Il lui envoie un clin d’œil, avant de continuer. « Tu sais aussi bien que moi, Minnie et moi serions le couple de l’année ! Mais elle aime jouer au chat et à la souris. Enfin, plutôt au chat et… » Il fronce légèrement les sourcils, préférant ne pas finir sa phrase et, « Oh regarde ! On est arrivés ! Le temps passe vite en bonne compagnie. »

Lils ne peut pas vraiment retenir le rire sceptique qui lui échappe à la mention de Sirius en train de flirter avec elle. Il est déjà suffisamment étonnant qu'un type comme Potter s'intéresse - ou prétende s'intéresser, pour ce qu'elle en sait - à elle, mais alors... Sirius ? L'idée est vraiment hilarante. « Arrête un peu ton char, Black, comme si j'étais ton genre... » Elle lève les yeux au ciel et croise les bras en poursuivant sa marche jusqu'à la Salle Commune. Elle était drôle, finalement, cette soirée. Lily est plus détendue, sans doute moins pénible. « Tu ne saurais même pas que j'existe si je n'étais pas la Préfète super agaçante que je suis », lui concède-t-elle dans un sourire. Elle lui offre même un clin d’œil - rien ne l'arrête décidément. C'est qu'elle deviendrait presque laxiste.

Imaginer Sirius avec McGo la fait rire, elle ne peut pas vraiment s'en empêcher. Elle peine un peu à imaginer Sirius avec leur Prof de Métamorphoses, et on ne peut pas vraiment l'en blâmer. « Je suis sûre qu'elle finira par céder à tes avances, Black, t'en fais pas», elle lance doucement en souriant. « Tu m'inviteras à votre mariage ? » elle demande, radoucie, quand elle se calme. Et puis sa phrase laissée en suspens l'interpelle, tout comme les allusions répétées de Black aux animaux. Elle fronce un peu le nez, s'apprête presque à l'interroger, quand elle se rend compte qu'ils sont effectivement arrivés devant la Grosse Dame.

Sa question s'échappe dans les airs et elle soupire un peu. « Effectivement », elle lui concède dans un sourire, sans trop savoir s'il se moque d'elle ou si elle est sincère. Elle s'en fiche. Elle a apprécié ce moment, aussi surprenant cela puisse-t-il paraître. Elle murmure le mot de passe à l'attention de la Grosse Dame et se faufile dans la Salle Commune où elle retrouve l'odeur singulière et la chaleur accueillante. « Tâche de ne pas trop traîner dans les couloirs le soir, d'accord ?» elle jette en croisant les bras. Elle n'y compte pas un instant - elle sait qu'il n'en fera absolument rien.

« Bonne nuit Sirius », conclut-elle en lui adressant un clin d'oeil, avant de regagner l'escalier qui mène à son dortoir.