Ingrid » forever hold her peace

Ça n’est pas pour ça. Bien sur que ça n’est pas pour ça. L’invitation d’Ingrind n’a rien à voir avec son frère, n’a rien à voir avec Andreas. Pour un demi-millier de raisons majeurs, et pour au moins le double de raisons secondaires. A commencer par le fait – et il faudrait qu’elle se le mette dans le crâne – que ce qu’il semblait y avoir entre elle et le professeur n’avait lieu que dans sa tête. Oui, ils s’entendaient bien, mieux qu’elle ne s’était sans doute jamais entendue avec un homme depuis… longtemps, et oui il semblait avoir pour elle une affection qu’il n’avait pas pour les autres personnes gravitant autour de lui. Mais en tant qu’infirmière, en tant que Legilimens, elle avait souvent ce genre de rapport avec les gens. Et ça n’était pas parce qu’Andreas Underwood était particulièrement intéressant, ou adorable avec ses yeux sombres et son sourire aussi rare que précieux, qu’elle devait voir leur relation sous un autre angle que celui du professionnalisme. Et il FAUDRAIT qu’elle se le mette dans le crâne.

Laissant là ces considérations stupides, des considérations de midinette, Poppy jeta un dernier regard sur son infirmerie. Elle n’aimait pas s’absenter, même quand Minerva l’y encourageait, promettant que Pomona et elle sauraient sans doute se débrouiller en cas d’urgence. Et que dans le pire des cas, Poppy, Pré-au-Lard n’est qu’au bout du chemin, et tu seras là en un clin d’œil s’il y a vraiment un problème. File maintenant. Un coup de baguette et Poppy quitte son repaire, vers les Trois Balais. Elle respire profondément, repousse l’inquiétude, les inquiétudes. Elle repousse le visage d’Andreas, qui n’est rien de plus pour elle qu’elle n’est pour lui, elle repousse le souvenir de l’attaque du Chaudron Baveur, elle repousse l’idée qu’un élève pourrait se blesser pendant son absence. Le temps d’y parvenir, elle se retrouve devant les Trois Balais, son sac à l’épaule. Il ne faut pas trop gamberger, ou elle va faire demi-tour. Elle est là pour son amie Ingrid, pour leur relation amicale qui n’a rien à voir avec le reste du monde… ou le reste de sa famille.

La salle principale est presque vide quand Poppy pousse la porte, elle s’installe et fait signe à Rosmerta qu’elle commandera quand elle sera en compagnie. Un sourire de la patronne qui discute déjà avec un habitué, et la porte s’ouvre à nouveau, laissant passer une jeune femme brune, dont les yeux cherchent Poppy. Ne pas penser à la ressemblance avec Andreas. L’accueillir comme elle est. « Bonjour Ingrid, je viens d’arriver et je t’attendais pour commander quelque chose. Qu’est-ce qui te fera plaisir ? » Oublier aussi que la dernière fois qu’elles se sont vues, c’était au Chaudron Baveur.

D'innocents petits mots, couchés sur un bout de parchemin qui traînait dans son appartement bordélique et acheminés par hibou express à un précieux destinataire. Ingrid avait envoyé une invitation à l'infirmière de Poudlard, Poppy Pomfresh de son vrai nom (un peu trop souvent oublié), pour boire un verre dans un pub de Pré-au-lard. Aucune hésitation en la matière, le choix s'était porté sur les Trois Balais, le meilleur de tous, obviously. Elle n'était pas encore certaine de l'issue de cette rencontre. Un verre ou bien plusieurs ? Dans tous les cas, Ingrid était prête à suivre son amie dans la débauche si elle le souhaitait ; bien que l'attachement de Poppy à son travail à l'école de sorcellerie allait probablement s'avérer un obstacle de taille.

La brune de vingt-huit ans se demandait si quelques grammes d'alcool dans le sang ne seraient pas les bienvenus. Ce serait certainement un bon moyen de diluer l'ambiance, qui promettait d'être tout de même un brin tendue. En effet, Poppy et Ingrid avaient toutes les deux été les témoins directes de l'attaque-surprise des Mangemorts au Chaudron baveur. Elles n'en étaient pas ressorties indemnes bien entendu ; impossible de réchapper à des meurtriers aussi déchaînés. La blonde semblait avoir réussi à limiter les dégâts de son côté, puisque c'était justement Poppy qui s'était occupée de panser les blessures de la jeune Underwood. Néanmoins, pour ce qui était de l'état psychologique, c'était une tout autre histoire...

Ce rendez-vous était un moyen de remercier Poppy pour ses soins, prodigués avec dextérité malgré l'urgence de la situation. Cependant, il s'agissait surtout pour Ingrid de revoir une amie dans un cadre autre que celui d'une chambre d'hôpital bondée. Parce que c'était ce que la blonde était avant toute chose : une amie, qui avait sans aucun doute besoin de se changer les idées.

La jeune femme quitta l'enceinte du Ministère avec un sourire aux lèvres. Pas même le fait de devoir supporter l’expression victorieuse des Mangemorts présumés ne pouvait lui enlever sa bonne humeur. Un Plop! plus tard, elle dévalait la pente familière de la rue principale du petit village. Celle-là même, où Ingrid s'était tordu la cheville lors de sa première sortie à Pré-au-lard alors qu'elle n'était encore qu'une élève de troisième année. Un chemin emprunté des centaines de fois l'amena jusqu'à l'antre de Madame Rosmerta, qui, quant à elle, avait dû supporter la perte de quelques verres de bierraubeurre en raison de la maladresse de la brune. La maîtresse des lieux l'accueillit tout de même avec un sourire lorsqu'elle pénétra à l'intérieur. 

À présent, c'était une autre tête blonde qu'Ingrid recherchait. Dans un pub à moitié vide, la tâche n'était résolument pas ardue. Son visage s'illumina en croisant le regard de son rendez-vous du jour. « Poppy ! » s'exclama la jeune femme, en se dirigeant vers elle. Ingrid s'installa joyeusement à la table que celle-ci occupait déjà. « Ah ouf, j'avais peur d'être un peu trop en retard. » Les mots-clés étant "un peu trop", puisque la jeune Underwood n'était résolument pas connue pour sa ponctualité. Sauf lorsqu'il s'agissait de son grand frère Andreas. « Hmmm... ce sera un whisky-pur-feu pour commencer ! Et toi ? Tu dois sûrement rentrer à Poudlard après ? Oh et puis ce n'est pas très grave, Dumbledore peut bien te lâcher du lest pour une fois » elle ajouta, sans se douter que la dernière fois que le directeur l'avait encouragée à sortir de l'enceinte de l'école, Poppy avait dû affronter une horde de Mangemorts déchaînés. « Je te laisse passer la commande, Madame Rosmerta a une petite dent contre moi... J'ai peut-être causé un peu trop d'accidents dans son bar. Peut-être. » Et cela n'allait sans doute pas étonner Poppy, qui avait souvent retrouvé Ingrid perchée sur les lits de son infirmerie à l'époque de sa scolarité.