Demons hiding in the dark # Hippoyana

Le silence qui régnait dans la chambre n'était perturbé que par les respirations plus ou moins lentes de ses habitants. Et si j'étais habitué à tous les bruits intempestifs qu'il pouvait y avoir, aujourd'hui, je n'arrivais pas à fermer l'oeil. Pourquoi? Peut-être un peu trop de choses en tête. Peut-être aussi que je repensais sans cesse à cette altercation avec mon frère et que -quoique j'en disiais- cela me travaillait. Soupirant tout en fermant mes paupières pour me forcer à vider mon esprit, je tournais et me retournais dans mon lit. Non, décidément, c'était impossible... Un énième soupir et je me redressais pour m'assoir sur le bord du lit. Ma main passa dans mes cheveux dans un geste distrait, avant qu'un bâillement ne sorte d'entre mes lèvres. Attrapant un pull que j'enfilais au dessus de mon pyjama, je me levais et marchais d'un pas lent jusque la sortie de la chambre. Tout était silencieux dans la salle commune des Verts et argents lorsque j'y entrais avec un livre à la main, bien décidé à assouvir mes envies de lecture à défaut de sommeil. Alors que je visais l'un de mes fauteuils fétiches -pour ne pas dire attitré car je ne supportais pas qu'on me le pique-, une silhouette féminine et familière se détacha d'un des canapés de la salle. Penchant la tête sur le côté en plissant les yeux, j'avançais doucement avant de me stopper net alors qu'une sensation de chaleur s'emparait de moi. Dayana.

La jolie Prince semblait aussi désespérée que moi à trouver le sommeil... Mes prunelles claires se posèrent avec délicatesse sur la jeune fille, priant pour qu'elle ne se rende pas compte du trop plein d'émotions qui m'envahissaient lorsque j'étais en sa présence. Heureusement pour moi, j'avais une certaine aisance à rester dans l'impassibilité. Avançant pour combler l'espace entre nous, je me glissais à côté d'elle, sans la lâcher du regard. Cette fille avait le don unique de me bouleverser, de me faire vibrer sans que je ne comprenne bien pourquoi. Offrant un sourire en coin à mon amie, je finis par lâcher, ma voix un brin endormie: "Alors comme ça, toi non plus tu n'arrives pas à dormir?" Je soupirais doucement, grimaçant légèrement en sentant l'odeur familière de cigarette froide sur elle. Elle avait fumé, et elle le savait bien, cela ne me plaisait pas. Et surtout cette odeur me rappelait Luke... Depuis la mort de son frère, j'avais bien du mal à reconnaître Dayana, j'avais même parfois peur pour elle. Parce qu'elle prenait des chemins où je ne pouvais la suivre et que cela me brisait le coeur. Oh bien entendu, je ne lui en avais pas parlé, et j'évitais soigneusement le sujet, mais je ne pouvais m'empêcher de la regarder s'enfoncer dans les ténèbres. "Sinon... Tu vas bien? Je veux dire... si tu as besoin de parler, tu sais où me trouver, hein." que je lançais avec une pointe d’inquiétude dans la voix. Mon affection pour elle allait bien plus loin que pour n'importe qui d'autre, toutefois je ne montrais pas plus proche pour autant. De toute manière, je n'étais pas démonstratif, et encore moins tactile...

Emportée par les bruissements régulier de la respiration de ses camarades, Dayana avait laissé ses yeux se fermer quelques instants, soulagée que le sommeil lui offre finalement une place réconfortante au coeur de ses bras. Mais à peine eut-elle franchi la frontière du sommeil que les souvenirs l’arrachèrent à son repos. Sous ses paupières closes, le sang, était omniprésent si bien que lorsqu’elle sortit, d’un pas léger mais quelque peu hagard de la chambre qu’elle partageait avec les élèves de son année elle avait l’impression que ses mains étaient poisseuses. Comme elles l’étaient ce jour là où elle avait tenté, sans succès, de panser ses blessures. Les quelques couches-tard qu’elle avait l’habitude de croiser au fil de ses nuits d’éveil avaient déjà rejoint leur lit, si bien que la jeune femme eut tout le loisir de choisir l’assise qui l’accueillerait pour le reste du cycle de la lune.
Vêtue d’un short aux couleurs de sa maison et d’un sweat ayant jadis appartenu à son frère, la jeune Prince s’installa au plus proche de la cheminée, encore fumante, sur un canapé vieilli par les années, un instant elle hésita à sortir une cigarette de la poche de son haut, mais, se ravisa, certaine que cela ne lui attirerait que des problèmes. Sur ses genoux, un ouvrage d’un autre temps qu’elle avait emprunté dans la réserve de la bibliothèque. Si les souvenirs l’empêchaient de trouver le sommeil elle utilisait malgré tout ce temps à combattre le mal qui s’était immiscé en elle. Persuadée que seule la vengeance l’aiderait à se libérer, à faire son deuil, elle avait entrepris de nombreuses recherches, parfois désapprouvée par ses proches et ses professeurs. Elle n’en n’avait que faire et si Poudlard ne lui offrait pas la possibilité d’apprendre ce dont elle avait besoin, à quoi bon perdre son temps ? Elle avait déjà évoqué plus d’une fois devant sa mère, mystifiée, la possibilité qu’elle ne termine pas son année. Mais bien sûr, c’était impensable : la Prince avait un rang à tenir.

Plongée dans sa lecture elle griffonne frénétiquement quelques notes sur un parchemin lorsqu’un bruit de pas attire son attention. D’un geste de baguette elle fait disparaitre le parchemin, bien trop précieux pour tomber entre n’importe quelles mains et ferme son livre pour le faire glisser entre elle et l’accoudoir du canapé. Levant les yeux vers le nouveau venu elle esquisse un léger sourire, Hippolyte s’approchait un sourire au coin des lèvres. « Je plaide coupable. » La jeune sorcière hausse légèrement les épaules en se décalant lentement pour laisser une place confortable au jeune Rosier avant de reporter son attention sur lui. Ses paroles lui arrachent un léger sourire, mué en un soupir : depuis bien longtemps, et d’autant plus depuis la disparition d’Aton, Hippolyte semblait inquiet en sa présence, comme s’il avait peur qu’elle se brise, ou qu’elle s’enlise dans les sables de la vengeance. Peut-être était-il finalement plus observateur que la brune qui refusait d’admettre qu’elle perdait pieds. « Je vais bien, ne t’inquiète pas. » Les doigts de la sorcière glissent sans qu’elle n’y prête grande attention sur les coutures du sweat qui sentait encore à son odeur avant de secouer légèrement la tête pour faire disparaitre les souvenirs douloureux. L’obscurité qui régnait dans la pièce aura certainement caché aux yeux du jeune serpentard l’ombre qui s’était installé sur son visage le temps d’un instant.  « Et toi alors ? Qu’est ce qui tient éloigné ton sommeil si ce n'est le plaisir de ma compagnie ? » Le ton visiblement ironique et adouci par un sourire tandis que la brune replace quelques mèches de ses cheveux derrière son oreille. Curieuse, voire même légèrement inquiète, elle scrute de son regard clair le visage de son ami, toujours impassible : Hippolyte savait parfaitement se rendre perméable aux émotions, à côté de lui la jeune femme ressemblait à une vraie furie, surtout depuis quelques temps.

La présence de la jolie Prince à mes côtés avait sur moi un effet apaisant, même si je ne pouvais pas m'empêcher de m'en faire pour elle. Entre nous, il n'y avait pas de faux semblants, je n'avais pas besoin d'être un autre pour elle. Hormis mes sentiments pour elle que je gardais soigneusement planqués derrière mon sourire de façade, Dayana était l'une des rares personnes avec lesquelles j'étais sincère. Mon problème, c'était que j'avais trop l'habitude de rester dans mon rôle de manipulateur. De faire plier mes victimes à ma volonté pour mieux les asservir et m'en servir par la suite. Parfois, j'en oubliais simplement d'être moi, sans artifices, sans extrême prudence. Dans notre monde, chaque mot devait être posé, choisi avec soin, et c'était agréable d'être avec quelqu'un qui n'attendait pas de flatteries... Sa réponse, spontanée, me fit sourire alors que je m'asseyais à ses côtés. Ce qu'elle faisait ici en pleine nuit n'était pas mes affaires, même si j'avais peur qu'elle ne fasse des conneries. Avec ses changements d'attitude, je ne pouvais être sûr de rien. Alors forcément, je cherchais à tâter le terrain, à montrer que j'étais là au cas où. Un doux soupire s'échappa d'entre mes lèvres alors qu'elle m'assurait qu'elle allait bien. Je ne la croyais qu'à moitié. Mais pour ce soir, ça me suffirait. Profiter un peu d'elle. L'avoir pour moi tout seul et ne pas se soucier des autres. J'aurais voulu pouvoir mieux observer son visage et me rendre compte de la multitude de sentiments qui devaient bousculer son esprit en ce moment...

Une grimace déforma quelques secondes mon visage alors qu'elle me demandait la raison de ma soudaine insomnie. Je soupirais doucement, esquissant un sourire contrit avant de répondre, une pointe d'amertume dans la voix: "Oh, ce n'est rien... Je me suis encore pris la tête avec Luke et... c'est stupide, mais je n'arrête pas d'y penser. Il y a des choses que j'ai dites que... je regrette un peu. De toute façon, c'est une habitude entre nous." Ah les Rosier. Bien sûr, je n'irais pas jusqu'à lui dire que je regrette, mais il était vrai que mes mots avaient largement dépassé mes pensées. Passant une main distraite dans mes cheveux, je reprenais bien vite mon expression placide favorite. Mes pupilles bleues glissèrent sur la chevelure brune de mon amie, fasciné par ce charme mystérieux qu'elle possédait. Mon coeur battait un peu plus fort alors que je détournais le regard, conscient que l'observer avec trop d'insistance ne ferait que me trahir. "J'espère que je ne t'ai pas dérangé dans une lecture passionnante! Sinon, je t'autorise à me frapper, hein, je sais combien ça peut être énervant." que je lançais, amusé et un sourire au coin des lèvres.